Liliom est un bonimenteur de foire, il joue, il boit, il vole, il cogne, mais il est beau gosse et plaît aux filles: aux bonniches qui viennent s'amuser après le boulot dans son manège,à sa patronne,madame Muska, plus toute jeune, à qui ce bad boy donne des frissons, il plaît à Julie aussi. Julie, une petite bonne toute naïve et toute simple.Une rixe éclate, Liliom défend Julie. Il se fait renvoyer.
Alors, sans bien comprendre ce qui lui arrive, Liliom quitte son manège, le boulot où il excelle, traîne sa flemme et sa hargne, de plus en plus méchant avec sa Julie toujours fidèle au poste, jusqu'au jour où il apprend qu'il va être papa. Pas d'argent...Liliom attaque un caissier, mais le hold up tourne mal: Liliom retourne son arme contre lui et il meurt.
Et là, la pièce de théâtre devient onirique et fantastique: Liliom passe en jugement, là-haut. Il faut qu'il fasse quelque chose de bien, en revenant un jour sur terre, pour réparer le mal qu'il a fait.
Un formidable mélange de réalisme forain et d'onirisme poétique, de cruauté et de tendresse, de tragique et d'humour- la représentation de l'au-delà est particulièrement savoureuse!
J'avais vu LILIOM le film de
Fritz Lang, tiré de la pièce de Molnar, tourné en 1934 avec Charles Boyer et Madeleine Ozeray , un
Fritz Lang magnifique, expressionniste, avec un noir et blanc somptueux. J'ai retrouvé LILIOM dans sa version originale, théâtrale, dans la mise en scène épatante de Jean Bellorini, aux ateliers Berthier. Comme un texte de théâtre n'est jamais qu'une moitié de texte tant qu'on ne le représente pas sur scène, je vais ajouter un mot sur la mise en scène, particulièrement réussie.
Les personnages sont des gens simples, opaques à eux-mêmes: ils ne comprennent pas leurs propres sentiments, agissent dans une sorte de rage ou d'obstination. le spectacle est présenté par un meneur de jeu qui commente les tableaux successifs- et la musique, un peu manouche, un peu rap, met à son tour ces personnages primaires à distance du spectateur...
Cette double distanciation, théâtrale et musicale a pour effet, paradoxalement, de nous rapprocher de ce que les personnages se cachent et nous cachent: on comprend leur amour sans mots, leur détresse sans nom, leur destin sans issue.
La poésie des décors-un superbe manège de vraies autos-tamponneuses, une grande roue toute éclairée, une vieille caravane, et une balançoire ,dans les cintres, pour le Juge suprême- transforme le spectateur en enfant devant un spectacle de cirque ou de marionnettes.
Balloté entre distance ironique et enfance retrouvée, le spectateur songe, rêve, rit, s'émeut.. Une belle (re)découverte!