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EAN : 9791090424845
148 pages
éditions Lunatique (22/09/2020)
4.57/5   7 notes
Résumé :
La lettre est froissée sur le parquet. Je suis assis à côté. Je ne veux pas m'en éloigner et je ne veux pas m'en approcher non plus. L'écriture de mon père n'a pas changé. Elle me rappelle la dernière fois que je l'ai vu, il s'apprêtait à embarquer pour plusieurs semaines, vers l’Écosse, l’Irlande ou le Canada. Personne ne pouvait dire où il allait, ni quand il rentrerait. Ma mère avait préparé son bagage. Sur ses joues elle avait mis du rouge et du courage, mais da... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
La famille et l'enfance sont au coeur de ce recueil de nouvelles, qui sont toutes reliées entre elles comme les fils d'une toile d'araignée. Pourtant, on est loin de l'insouciance et des rires, loin des moments mièvres ou chaleureux, on sent en permanence un fond de souffrance, de l'amer et du manque. L'écriture de Charlotte Monégier n'est jamais pesante, elle ne fait qu'effleurer les plaies, suggérer les larmes, néanmoins les mots qu'elle choisit évoquent avec justesse les émotions et atteignent chaque fois leur cible, en plein coeur. Elle y parle des familles, les normales et les bouleversées, les décomposées, celles où les absents prennent toute la place. Elle y parle de la perte de l'enfance, des mères, des pères (beaucoup des pères) et des traces qu'ils laissent, et d'amour aussi, beaucoup d'amour. Elle y parle du chemin qu'on doit faire pour s'extirper des souvenirs, et pour extraire le beau et le bon du triste et du noir. Elle y parle de rencontres, des réussies et des ratées. de la vie et de la mort. Mais elle le fait toujours avec subtilité et beaucoup d'affection pour ses personnages, à tel point qu'elle nous les fait aimer aussi, avec leurs vies cabossées et leurs cicatrices. D'ailleurs, certaines de ces nouvelles (Pita, par exemple) pourraient tout à fait donner lieu à un roman. Ce qui est sûr, c'est que j'espère lire un jour un roman de cette auteure. En attendant, régalons-nous de ces nouvelles, et de ce petit peuple des nuages.
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Ce recueil de 13 nouvelles s'articule autour d'un thème principal : la famille. Mais pas celle qui grandit dans le calme, l'écoute, la tolérance et la joie de vivre, plutôt la famille éclatée, boiteuse, vindicative et violente. Ces nouvelles peuvent former un tout, une trame romanesque par leurs figures adolescentes très présentes, en souffrance, un souffrance profonde et souvent provoquée par le père. Dans ces nouvelles, les pères, même s'ils peuvent être parfois absents (par lâcheté ?) sont écrasants. Ils font basculer des destins familiaux par leur violence, leurs addictions, leurs comportements, ou encore leurs phrases, celles qui font saigner le coeur.

L'ombre du père, obsédante, en parallèle avec celle de l'abandon de l'autre, de la femme, qu'elle soit mère ou fille. L'abandon qui provoque les errances, les abus, les dérives, les mauvaises rencontres. Ces jeunes femmes, encore dans les balbutiements des difficultés de la vie fuient, aiment mal car elles ont vu le père mal aimer, des pères pathétiques se détachant de leurs obligations, de leurs devoirs envers leurs enfants qui déjà d'étiolent et cherchent ailleurs le grand frisson.

Le deuil est au coeur de la réflexion : le père mort ou invisible. le deuil d'une vie familiale « normale », c'est-à-dire avec l'amour, le respect, l'entraide et la compréhension. Ce deuil que la mère tente d'expliquer, avec ses mots, parfois maladroits, empreints de colère ou de résignation.

Et l'adolescence qui doit tout de même se passer, les premières amours, premiers émois, les premières règles, les premières désillusions, les premiers abus. N'allez pas croire que toutes les familles présentées ici soient des cas sociaux ou désignés comme tels : les riches, les bourgeois possèdent aussi leurs vices, leur folie. « Mon père était fou. Ma mère était géniale. Elle a fini par perdre la raison, elle aussi. Et moi : j'étais au milieu d'eux ».

Puis dans ces « gueules cassées », deux visages plus familiers surgissent : ceux de deux sosies de Johnny HALLIDAY.

« Je ne connais rien aux nuages, alors je murmure : « C'est la pluie qui dort dedans ». Il me regarde d'un oeil curieux, je crois qu'il veut savoir si la pluie c'est comme les larmes, je dis : « Oui, c'est pareil. Un nuage doit craquer ». Au-delà des dégradés, plus loin encore que les traces colorées, un point lumineux attire son attention. C'est probablement Vénus ou l'étoile du Berger ».

Ces nouvelles intimistes et très personnelles peuvent nous parler par le biais des destins qu'elles dépeignent. Homogènes, elles sont servies par une puissance narrative assez magistrale et déconcertante. Qu'elles se déroulent en Afrique du sud, à Paris ou bien en Normandie (d'ailleurs on se déplace beaucoup dans ces récits), elles secouent les tripes grâce à un style poétique délicat sur la forme et agressif sur le fond. En 2014, Charlotte MONÉGIER avait publié un roman fort aux mêmes éditions Lunatique, « Petite fille », dont certaines situations voire quelques extraits sont repris ici. Charlotte MONÉGIER possède une identité stylistique propre et forte. Ce recueil est sorti chez Lunatique fin 2020, il est à découvrir.

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Le petit peuple des nuages est un magnifique recueil de nouvelles. Nous sommes plongés dans des univers très différents aux 4 coins du globe. L'écriture est belle et nous fait tourner les pages. Les personnages sont bouleversants, forts et fragiles à la fois. Un livre à lire absolument!
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Un petit bijou dont il faut savourer chaque mot.
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
À l’aéroport, à côté des porte-clés en forme de zèbre, trône un Nelson Mandela piqueté de perles brillantes et colorées. Il est grand comme moi. Il lance un sourire aux passants et lève la main bien haut en signe de paix. Je souris. Lorsque Gabriela m’a retrouvé le soir même à la ferme, elle m’a expliqué en quoi consistait son travail. Elle faisait le tour des townships de Johannesburg pour vacciner les habitants, traiter les plaies infectées, bander les entorses. Parfois elle accouchait des femmes seules et partageait le dîner d’un vieillard. Elle travaillait de préférence en soirée, souhaitant conserver une certaine liberté dans ses journées. Gabriela montait à cheval, c’était son souffle, son évasion, et souvent mon père l’accompagnait.

« Un jour, il a voulu monter un zèbre.
— Est-ce qu’il a réussi ?
— Non, bien sûr que non. Ton père s’est retrouvé à l’envers, accroché à la queue de l’animal, la tête posée sur son cul ! Le zèbre ne veut pas d’attache. Il est sauvage.
— Comme mon père.
— C'est vrai. Mais il t’aimait. Il m’aimait. Et il aimait aussi ta mère. Tout ça ce sont des attaches. Est-on vraiment libre quand on aime ? »

Nuit blanche à Soweto, extrait tiré du recueil de nouvelles Le Petit peuple des nuages, de Charlotte Monégier.
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La couche de neige, dure et lourde, recouvre tout. Les trottoirs, les gouttières, les cheminées n’existent plus. Les passants habituels, les klaxons et les voitures, les animaux tenus en laisse et les ardoises des toitures n’existent plus. Toute la vie s’est blottie sous les flocons de glace et des blancs par milliers en sont nés. Le blanc de la mer, le blanc des yeux mouillés. Le blanc des adieux, sur une aire d’autoroute, un samedi au soleil. Le blanc du cœur de mon père, quand il ne m’aimait pas assez ; le blanc des larmes de ma mère, qui ne savait plus comment me garder.

Quand je regarde le ciel, j’imagine un plafond de nacre. Des cristaux d’aragonite et des reflets irisés miroitent ensemble, sous les gouttes de pluie. Cabourg a pris la forme d’une huître et ça me plaît. Plus que tout je désire m’y faufiler, m’y cacher. Plus que tout je veux dormir dans son iode, poser mon visage sur le mollusque maternel et boire le lait fécondant jusqu’à l’ivresse. Il paraît qu’une huître-mère donne naissance à plus d’un million d’œufs par an. Moi je veux faire éclore plus d’un million de sentiments dans mon cœur, maintenant. Je veux retrouver ce que j’ai perdu, le souvenir de ses baisers doux et les caresses du bout de ses mains. Ses longs cheveux blonds dans mon cou de petit garçon. Ses yeux profonds. Sa façon si triste de dire « Pardon ».

Ma mère disait tout le temps « Pardon ».

L'Huître, extrait tiré du recueil de nouvelles Le Petit peuple des nuages, de Charlotte Monégier.
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La lettre est froissée sur le parquet. Je suis assis à côté. Je ne veux pas m'en éloigner et je ne veux pas m'en approcher non plus. L'écriture de mon père n'a pas changé. Elle me rappelle la dernière fois que je l'ai vu, il s'apprêtait à embarquer pour plusieurs semaines, vers l’Écosse, l’Irlande ou le Canada. Personne ne pouvait dire où il allait, ni quand il rentrerait. Ma mère avait préparé son bagage. Sur ses joues elle avait mis du rouge et du courage, mais dans ses yeux, déjà, je devinais le naufrage.

Ce jour-là j'avais huit ans.
Je ne pensais pas grandir d’un coup.
C'est pourtant ce qui s'est passé, mon père n'est jamais revenu.

Je suis de ceux qui restent au port, extrait tiré du recueil de nouvelles Le Petit peuple des nuages, de Charlotte Monégier.
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Je sors de ma rêverie. Le vendeur me scrute, avant d'attraper mon Doudou pour me le tendre. Prenez-le. Non, vous ne me devez rien. L'enfance ça ne se vend pas.
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Vidéo de Charlotte Monégier
Nuit blanche à Soweto, extrait tiré du recueil de nouvelles Le Petit peuple des nuages, de Charlotte Monégier (Editions Lunatique, sept. 2020)
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