AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,47

sur 166 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Addi Bâ est un jeune guinéen soldat de l'armée française, l'un de ces "tirailleurs sénégalais". Fait prisonnier par l'armée allemande lors de la bataille de la Meuse il s'évade et rejoint les forêts des Vosges où il erre et se cache..Il n'est pas l'un de ces coloniaux arrivés en France depuis leur Afrique natale à la veille de la guerre. Il a été adopté à l'âge de treize ans par un percepteur des impôts qui officiait à Conakry.... Parce qu'il était noir il fut affecté à l'un des régiments de chair à canon, les tirailleurs sénégalais...Dans l'armée française, on ne mélangeait pas les couleurs, à cette époque. "Sitôt la guerre terminée, on les jette comme des Kleenex usagés, [...] Plus personne de pense à eux après! [....] avec un coup de pied au cul, les poumons en sang et les jambes en moins ; abrutis, sous-gradés, absents des citations et des monuments aux morts, et avec ça, un pécule inférieur de dix fois à celui de leurs collègues blancs."
Retrouvé par hasard par les habitants, qui voient pour la première fois un "nègre", il parviendra à créer un réseau de résistance, le maquis "Délivrance" qui compta plus de cent cinquante combattants. Son arrivée au village bouleversera les habitudes des habitants de Romaincourt qui le recueillirent, et le logèrent.
Arrêté sur dénonciation, semble t-il, le "Terroriste noir", comme le surnommaient les allemands, sera fusillé par l'armée nazie et décoré à titre posthume par le gouvernement français, mais seulement soixante ans plus tard.
A partir d'une histoire vraie, Tierno Monénembo construit un roman surprenant et parfois un peu déroutant : une vieille femme raconte la vie de cet homme, la vie du village en 1943 au neveu d'Addi Bâ venu d'Afrique recevoir la médaille remise au résistant fusillé.
Une narration qui reprend des bribes de vie, racontées au hasard, pas toujours chronologiques, un souvenir en appelant un autre. A nous lecteurs de reconstituer l'histoire. Addi Bâ a réussi à se faire adopter par le village, malgré sa religion, il était musulman, ne mangeait pas ce cochonnaille, ne buvait pas la gnôle de mirabelle...Il brodait avec les femmes dont il savait se faire désirer et aimer...Il courrait la campagne dans son uniforme, disparaissait pendant plusieurs jours sur son vélo. le curé ne l'aimait pas. Il mena cette vie pendant trois ans, au nez et à la barbe de l'armée allemande, allant recruter des jeunes hommes dans les Chantiers de Jeunesse mis en place par Pétain.
Il fit l'admiration de tous et même une gamine la "Pinéguette", persuadée d'être sa fille, fit tout afin que le gouvernement français reconnaisse les mérites de ce brave.
Livre surprenant, car il nous replonge dans ce racisme de la nation française, qui n'avait rien à envier à la nation allemande...toutes deux avaient leurs sous-hommes, certes à des degrés divers. Surprenant et attachant, car il nous révèle un fait historique méconnu : la création d'un maquis par un noir, un nègre,comme on disait à l'époque, et ceci au coeur d'une région rurale, et traditionnelle et nous faisant partager l'atmosphère de l'époque, ses restrictions, ses secrets, ces jalousies et haines villageoises . Surprenant et révoltant surtout, parce qu'il faudra attendre soixante ans avant que les mérites de cet homme soient reconnus et récompensés par l'État français..
Une belle découverte

Lien : https://mesbelleslectures.co..
Commenter  J’apprécie          130
Modestement présenté via sa couverture blanche bordée de rouge, ce livre happe le regard. Cette couverture n'est pas commune. le livre non plus.

J'ai ouvert la première page. Quelle ne fut ma surprise de retrouver une citation de Léopold Sédar Senghor! J'avais découvert cet homme extraordinaire à l'âge de 17 ans et j'avais fondu via un de ses poèmes. « L'art du sensible » m'étais-je dis en tentant de le résumer. Et pourtant, mis-à part Rimbaud, ma sensibilité à la poésie est assez limitée à mon goût. Une force s'est tout de suite emparée de moi. Les mots se sont mis à m'envahir. J'ai commencé à devenir lyrique. Mon coeur s'est emballé et j'ai commencé à écrire ce que ça m'inspirait :

« A tous ces inconnus qui nous permettent d'exister, à tous ces délaissés vers qui on ne revient jamais, merci de nous avoir amené vers la vie. Un peuple que l'on oublie est un peuple mort. Un peuple qui se souvient est un peuple promis à un grand avenir. »

Je ne me suis pas trompée. Tout au long de la lecture, j'ai senti mon coeur pulser plus fortement. Après avoir tourné la dernière page, j'ai eu besoin de m'asseoir. Cette histoire vraie mais romancée m'a chamboulée. Tierno Monénembo est un virtuose de la sensibilité.



Mon avis :
Nous sommes en pleine seconde guerre mondiale. Un père et son fils partent cueillir des champignons. En lisière de forêt, le fils pousse un cri, « le cri de sa vie ». Il vient de rencontrer un homme de petite taille, avec des habits de tirailleurs tâchés de boue. Il est noir. C'est le premier homme noir qu'il rencontre.
Le nègre, comme on l'appelle, c'est Addi Bâ, un jeune Guinéen adopté en France à l'âge de 13 ans suite au conseil prodigué par un devin bambara à son père. A l'âge adulte, il est affecté dans le 12e régiment des tirailleurs sénégalais. Capturé après la bataille de la Meuse, Addi Bâ s'évade. Il erre un long moment avant d'être recueilli par les habitants du village de Romaincourt. Son arrivée bouleverse les habitudes des villageois lorrains. Il faut dire qu'"avant son arrivée, personne n'avait vu de nègre…"

Germaine, une fille du village, raconte cette histoire au neveu d'Addi Bâ, venu d'Afrique pour recevoir la médaille de la Résistance que le gouvernement français lui accorde enfin, à titre posthume . Au village, Addi Bâ fascine.Il séduit les femmes qui se mettent à désobéir à leurs maris, les fils qui rêvent de devenir résistants. Il intrigue car il brode en compagnie d'une femme, il a des goûts culinaires particuliers, c'est un héros pour les autres mais il ne l'est pas pour la narratrice, il est devenu un membre à part entière de la famille Tergerosse : « comme s'il était un neveu, un oncle, voire le fondateur du clan.» Mais, pour la narratrice, il incarnera toujours l'amour. Addi bâ lui avait en effet offert son fiancé mais son fiancé est mort. Il incarnera toujours l'amour qu'elle n'a jamais vécu, précise-t-elle. Difficile de le décrire, n'est-ce pas? Normal, répond la narratrice :« La vie d'un tel homme ne se résume pas Monsieur : trop vaste, trop sinueuse, trop incompréhensible, un vrai fleuve ! ». Et puis, en 1942, il entre dans la résistance et crée le premier maquis vosgien :"Délivrance". Surnommé le terroriste noir par les Allemands, il est arrêté et exécuté le 18 décembre 1943 à Epinal. On ne saura jamais qui l'a dénoncé.

En définitive, tous les personnages sont pitorresques. "La Pinéguette »,par exemple, se croit la fille d'Addi Bâ. Pionnière du féminisme, femme au passé sombre et qui n'annonce rien de bon devient la meilleure alliée de la réhabilitation d'Addi bâ car c'est grâce à elle que le gouvernement français va s'intéresser à ce héros inconnu de la Résistance. Yolande, l'institutrice du village, entretient avec Addi bâ une relation « chaste, douloureuse et passionnée ». Elle l'appelle, naturellement, « mon fils ». Il l'appelle, naturellement, « maman ».

Cette histoire nous est racontée de manière surprenante, comme s'il mêlait plusieurs styles ou plusieurs traditions. On a parfois l'impression d'un conte que l'on écoute le soir au coin du feu, entre humour et poésie, joie et déplaisir, émotion et horreur, pour mettre au centre du récit le mythe d'un exilé. Comme l'auteur, nous aussi, on se sent presque nostalgique d'un passé qui est le sien face à un traumatisme politique africain qui n'est pas le nôtre, face à une injustice française qui nous appartient. le passé est troublant. Son passé, notre passé…Je ne peux m'empêcher de penser à nouveau à Léopold Sédar Senghor. Tout comme Senghor, on a envie en lisant le Terroriste noir de prôner nous aussi une civilisation de l'Universel, d'unir les hommes et les cultures différentes où le mot d'ordre est partage. Plus de guerres. Plus d'exclusion. Non ! « Chanter la bravoure des morts, c'est essuyer les larmes des vivants », écrit l'auteur.

Parfois, on se surprend à rêvasser tant l'auteur nous perd un peu dans les détails. Pourtant, ce n'est pas grave. On se surprend à aimer ça, malgré tout. L'histoire romanesque qu'a tissée Monénembo est écrite si merveilleusement bien qu'on ne veut pas en perdre une miette: on rit, on s'émerveille devant la profondeur de certains propos, on est ému, on se questionne, on s'insurge…

En romançant la vie d'un résistant africain en Lorraine, on tombe sous le charme de cet homme inconnu aux multiples facettes, de ces lorrains qui ne savent pas faire face la guerre, de cette histoire inconnue qui est nôtre. Une oeuvre qui aurait certainement plu à Léopold Sédar Senghor. Une oeuvre de la trempe de Léopold Sédar Senghor et, pourtant, c'était un grand Monsieur comme on en rencontre peu. Addi bâ aussi.

Merci, Monsieur Monénembo.


Lien : http://aupetitbonheurlapage...
Commenter  J’apprécie          72
Voilà une histoire qui méritait d'être racontée, celle d'Addi Bâ, jeune Guinéen qui réussit à mettre en place la Résistance dans les Vosges. Son compatriote, l'écrivain Tierno Monénembo surprend par la façon employée pour nous faire vivre une épopée rendant hommage aux Africains venus défendre notre pays et si injustement méprisés ou ignorés.

Dans le village de Romaincourt, au coeur des Vosges, on n'avait jamais vu un « Nègre » avant ce jour de 1940 où un homme blessé, en uniforme de l'armée française, est découvert près d'un bois. Les gens se disputent, hésitent mais lui portent secours et le nourrissent malgré les risques, la peur des Boches. On l'appelait « le nègre » quand il n'était pas là et on disait « Monsieur » en face de lui. C'est Germaine, une fille qui avait 17 ans à l'époque, qui raconte cette histoire tellement humaine et dramatique à la fois.
Addi Bâ était-il un héros ? Non. Il était « l'ami ou le père que tout le monde ou presque aurait voulu avoir. » Rapidement, le lecteur est surpris de rencontrer des mots inconnus qui fleurissent tout au long du récit. L'auteur semble bien maîtriser le patois vosgien et nous régale de cheûlards, de pâquis, de Mâmiche et Pâpiche, nonon, bâbette, affûtiaux, etc… Il y a aussi des expressions comme « une aouatte de chicorée », « la chaouée du matin », « il faisait le nâreux », etc… rendant bien l'ambiance du pays où les rivalités familiales sont tellement vivaces qu'elles peuvent conduire à la catastrophe.
Dans ces Vosges qui l'ont adopté, Addi Bâ recrute, organise, transmet les messages, s'appuyant sur les jeunes des Chantiers de jeunesse et surtout du STO, ce travail obligatoire au profit de l'occupant. Au fil des pages, nous découvrons aussi le rôle méconnu joué par la mosquée de Paris dans la Résistance et pour sauver de nombreux juifs. Hélas, tout n'est pas parfait car il y a les lettres de dénonciation et les jalousies inévitables. Addi Bâ bouge beaucoup et se fait une réputation de Don Juan. Les Allemands qui le recherchent activement, l'ont baptisé « der Schwarzee Terrorist ! », le Terroriste noir.
Une phrase résume bien toute la valeur de cet homme : « Quand les Allemands l'ont fusillé, nous n'avions pas perdu un nègre des colonies tombé ici en s'échappant des bois mais un frère, un cousin, un élément essentiel du clan, un même sang que nous. »
Nous apprenons enfin comment Addi Bâ est venu en France et une phrase de cet auteur guinéen nous a bien fait sourire. À propos du destin et des hasards de la vie, il écrit : « Une pomme tombe en Ardèche et c'est le tsunami au Pérou ! »

"Le terroriste noir" est un livre étonnant, bien écrit par un auteur qui n'hésite pas à sortir des modes conventionnels du récit, n'oubliant pas de détailler les recherches longues et difficiles pour retrouver la famille d'Addi Bâ.
Lien : http://notre-jardin-des-livr..
Commenter  J’apprécie          60
Je lis très peu de littérature Africaine. J'ai, paraît-il, tort, mais c'est vrai que mon premier mouvement ne porte pas vers elle (ni vers la littérature asiatique, d'ailleurs). J'avais vaguement entrevu la présentation du Terroriste Noir dans Livres Hebdo, mais je l'avais sautée assez rapidement, majoritairement à cause de son thème qui contrevient absolument ma promesse d'éviter tout récit de la Seconde Guerre Mondiale. Sarah me l'a remis dans les mains et elle a bien fait.



Bon, il est certain que sa lecture sur les plages méditerranéennes est un peu déconcertante. Probablement le côté « neige dans les Vosges » qui porte un peu à faux et qui m'a compliqué l'entrée dans le roman. Mais passé les premières pages et le choc thermique, j'ai plongé dans le Terroriste noir pour ne plus en sortir. L'écriture, simple, relate une histoire extraordinaire avec un vocabulaire que l'on imagine purement vosgien. On pourrait penser à un roman du terroir mais on serait loin du compte tant, sous la plume de Monénembo, le local emmène vers l'universel.



Le Terroriste noir est un très beau roman, un de ces textes dont on se souvient et dont les phrases vous hantent. À lire.
Lien : http://www.readingintherain...
Commenter  J’apprécie          50
Un roman très original qui pourrait être la chronique d'une histoire vraie (Edit: C'EST une histoire vraie ! Merci Myrtigal !) ... Au coeur des Vosges, pendant la seconde guerre mondiale, un tirailleur sénégalais (de Guinée) à la personnalité hors du commun, évadé d'un camp de prisonniers allemand de la région, se fond dans la communauté locale, autant que possible. On trouve dans ce roman plein de contexte historique, évidemment, sur la genèse, l'organisation des réseaux de résistance, sur la sociologie des vosgiens ruraux de l'époque, comment on pouvait vivre ...
Il faut parfois un peu de concentration pour faire le lien entre la narratrice (dame âgée maintenant) et les différents personnages, mais cela fait partie du charme du livre, écrit par un conteur (qui ne s'est pas égaré momentanément dans un long récit d'une personne âgée avant de raccrocher les morceaux ?) ...
Rencontre entre cette région rurale que sont les Vosges et sa communauté assez refermée, et l'Afrique, via un combattant de l'époque, son histoire entre son village natal et la France, et sa famille contemporaine.
Commenter  J’apprécie          33
Au delà du roman , on découvre dans ce livre la vie d'un résistant africain qui a crée un maquis dans la forte vosgienne . J'apprécie beaucoup le style de Tierno Monénembo.. Je viens de lire qu'il avait reçu le Renaudot en 2008, et cela ne m'étonne pas . Ses personnages sont plus vrais que natures et c'est un bel hommage qui est rendu aux résistants restés dans l'ombre . J'ai vraiment passé un très bon moment .
Commenter  J’apprécie          30
Addi Bâ (Hady Bah) n'est pas un personnage de fiction. Ce jeune Guinéen arrivé en France au début des années 1930 s'engage pendant la 2nde guerre mondiale dans l'armée française. Capturé par le Allemands, il s'évade et rejoint les Vosges. de 1941 à 1943, il y vit, et est avec Marcel Arburger à l'origine d'un réseau de Résistance, le maquis de la Délivrance.
Dans ce roman magnifiquement écrit, l'auteur Tierno Monénembo fait parler une vieille dame, Germaine, à peine sortie de l'adolescence aux moments des faits qu'elle relate au neveu d'Addi Bâ venu recevoir au nom de son oncle, les honneurs à titre posthume. Les souvenirs de Germaine, nourris des paroles rapportées par d'autres, s'assemblent comme un puzzle pour découvrir par touches successives la vie de cet homme qui a marqué les villageois vosgiens, et dont l'engagement ne sera reconnu par la France que 60 ans plus tard, grâce à la persévérance de quelque uns, comme le colonel Melun qui a longtemps bataillé pour que justice soit rendue à ses frères d'armes noirs.
Et pour les lecteurs curieux qui - une fois les dernières pages tournées - n'ont pas envie de quitter Addi Bâ, le site http://addiba.free.fr/ du journaliste Etienne Guillermond permet d'en savoir plus, et de rester en sa compagnie.
Lien : http://addiba.free.fr/tierno..
Commenter  J’apprécie          20
J'ai trouvé son style intéressant même s'il a abordé un thème sérieux : la deuxième guerre mondiale, il n'est pas entré du tout dans le pathos. Parfois, je l'ai trouvé même drôle à certains moments malgré le sujet abordé. Cela m'a donné envie de lire ses autres romans. En tout cas, ce fut une très grande découverte dans le cadre mon challenge personnel du continent africain.
Commenter  J’apprécie          20


Lecteurs (366) Voir plus



Quiz Voir plus

Les écrivains et le suicide

En 1941, cette immense écrivaine, pensant devenir folle, va se jeter dans une rivière les poches pleine de pierres. Avant de mourir, elle écrit à son mari une lettre où elle dit prendre la meilleure décision qui soit.

Virginia Woolf
Marguerite Duras
Sylvia Plath
Victoria Ocampo

8 questions
1710 lecteurs ont répondu
Thèmes : suicide , biographie , littératureCréer un quiz sur ce livre

{* *}