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Critique de gruz


gruz
29 décembre 2019
Voilà un roman qui s'apparente davantage à un kaléidoscope. Mais des images animées qui font apparaître des portraits qui font sens. Même le terme « roman » n'est pas adapté, il faudrait lui trouver une autre appellation, unique, tant cette expérience de lecture est singulière.

Martin Mongin a l'inconscience et la fantaisie du primo-romancier qui ne se pose pas mille questions et surtout ne cherche pas à entrer dans un moule.

Ce livre inclassable est avant tout une ode à l'imagination. Débridée, mais jamais désordonnée, car toujours soutenue par une plume soignée. Luxuriance des mots, beauté de la langue.

Francis Rissin est un nom, mais avant tout un concept. Une présence d'abord évanescente, mais qui prend peu à peu corps (au pluriel).

C'est un puzzle en onze grosses pièces. Onze chapitres d'une cinquantaine de pages, pour un pavé de 600 pages au final. Sauf qu'il y a des puzzles dans le puzzle, poussant le concept à l'infini et au-delà, tant l'écrivain est imaginatif et fait preuve d'érudition.

Martin Mongin est un (encore) jeune professeur de philosophie dans le civil. Ce qu'il faut en retenir, c'est que son savoir est grand (ça se vérifie à chaque page), mais qu'il a surtout un don pour faire passer un message et pour le partager.

Une telle science laisse juste parfois pour seul petit regret de ne pas avoir tout le bagage nécessaire pour bien tout appréhender. Mais qu'importe ! La magie de ce récit est qu'il ambitieux et pourtant accessible. Une sorte de tour de force dont on ressort enrichi et qui laisse une belle part à l'interprétation.

Onze histoires différentes liées dans un récit global qui débute par une abstraction pour ensuite devenir polymorphe. L'idée de départ est formidable : de simples citations dans des livres, des affiches qui surgissent de nulle part, créent une sorte de divagation de masse autour d'un patronyme.

Au fil des chapitres, on croit commencer à saisir ce Francis Rissin, mais il s'échappe, toujours. Un méli-mélo de réalité et de fiction(s), comme des couches archéologiques qui seraient tour à tour étudiées par un universitaire, un flic, des gens du cru, un artiste (et tant d'autres encore…).

L'auteur titille notre curiosité et nous append à lire entre les lignes, tout en se jouant de nous dans un véritable jeu de piste.

Voilà une oeuvre qui tient autant de la fable, que du thriller, autant fantastique que chronique sociale de la France profonde (la vraie, loin du microcosme parisien), parfois aussi auto-portrait ou témoignage subjectif.

Un multi-univers d'une richesse inouïe, avec une certaine cohérence dans cet enchevêtrement.

Car tout est politique, dans tous les sens du terme. Cette histoire est un portrait de la France, si elle devait s'incarner dans une personne. Une peinture pas vraiment flatteuse, d'ailleurs. Francis Rissin, initiale FR, tout sauf un hasard.

Une fiction qui montre comment une idée peut prendre corps dans l'imaginaire collectif, comment un pays peut s'emballer pour le concept d'un messie qui réglera tous les problèmes. Quitte à aller dans les excès, laisser cet homme providentiel devenir un tyran, l'élever au rang de mythe et légende. C'est fascinant (et effrayant).

Clairement, se plonger dans ce roman demande de l'investissement. Mais son auteur fait le pari de l'intelligence du lecteur, sans jamais le prendre de haut.

Le résultat est hypnotique. On se dit que c'est un peu long et pourtant on ne veut pas en sortir. D'ailleurs, le refermer définitivement et revenir à la seule réalité est une douleur. Tous les passages ne vous parlerons sans doute pas de la même manière (un des onze chapitres m'est d'ailleurs passé au dessus de la tête).

Il faut dire que, derrière son écriture fouillée et mouvante, Martin Mongin est totalement habité par son sujet, mais toujours avec la volonté de penser au plaisir du lecteur et de rendre son récit ludique.

Ce pari audacieux, à l'ironie souvent mordante, est aussi un bel hommage à la littérature de genre (d'ailleurs, nombre d'auteurs de SF sont cités dans sa dernière partie).

Ouvrez votre esprit, élargissez vos champs d'intérêts, laissez s'égarer votre imagination au loin tout en restant ancré dans notre société. A ces conditions, la lecture de Francis Rissin risque fort de vous marquer pour longtemps.

Prions pour que Martin Mongin garde cette fraîcheur et cette imagination, dans le futur. Il restera alors un écrivain à part, de ceux qui font honneur à la littérature aventureuse.
Lien : https://gruznamur.com/2019/1..
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