Trouvé dans une boîte à livre, La rose de sang appartient au genre des grandes épopées romanesques comme l'on n'en fait plus. Mais si, vous savez, celles à la « Angélique ». D'ailleurs, Zéphyrine n'est pas sans partager de (TRÈS) nombreux points communs avec la célèbre héroïne : rousse, dotée d'un physique mettant à ses pieds tous les hommes qu'elle croise, mariée à un noble au physique disgracieux mais avec qui elle vit l'amour parfait, dont elle se retrouve séparée à cause d'une ennemie cruelle et pour lequel elle traversera la moitié du monde, usant et abusant de son « beauty privilege » pour tailler sa route. A tel point que lorsque l'on ouvre le livre, il ne faut pas plus de quelques pages pour que l'on se demande où se trouve la frontière entre inspiration et plagiat...
Si La rose de sang est un tome 3, il n'est pas bien dérangeant de prendre le train en marche, étant donné que tout ce que l'on a besoin de savoir est vaguement mentionné à un moment ou à un autre. En fait, l'histoire n'est pas bien compliquée : Zéphyrine a perdu de vue son mari et son fils, et a de bonnes raisons de croire qu'ils sont encore en vie. Preuve ne tarde pas à lui en être apportée, et le reste est une longue course-poursuite à travers l'Espagne, puis l'Océan Atlantique, et enfin l'Amérique du Sud.
Il est des genres littéraires qui vieillissent plus mal que d'autres, et force est de reconnaître que les aventures de Zéphyrine apparaissent aujourd'hui un peu désuètes. Pourtant, l'on a affaire à une héroïne moderne et émancipée, qui n'hésite pas à confier sa fille à une amie pour partir à la recherche de son mari et de son fils disparus. En réalité, c'est là le coeur du problème : d'un côté, le contexte historique est très présent, mais de l'autre, les aventures de Zéphyrine ne sont crédibles à aucun moment. Déjà qu'une jeune princesse de vingt ans en vadrouille sur les routes avec une poignée de serviteurs, c'est assez peu « historique », mais ajoutez à ça le fait que la jeune femme rencontre « naturellement » la plupart des personnages importants de l'époque, dont pas moins de quatre chefs d'état et plusieurs conquistadors, sans oublier Nostradamus (qui vient même à son secours par la voie des rêves)...
Cette abondance de rencontres met en avant le côté Mary-Sue avant l'heure de l'héroïne : Zéphyrine est la plus belle femme d'Europe, frappée par tous les malheurs du monde, n'a qu'à battre des cils pour s'attirer la sympathie de la plupart des gens (y compris de personnes ayant tenté de la poignarder cinq minutes plus tôt), et étaler son immense savoir (y compris en matière de navigation, sans qu'aucune explication sur l'origine de ces connaissances ne nous soit donnée, comme s'il était normal qu'une jeune fille de vingt ans en sache autant que le navigateur personnel de Cortés) pour convaincre les autres. Même ceux dont elle se joue finissent par lui pardonner... En fait, mis à part son ennemie mortelle, personne n'en veut très longtemps à Zéphyrine. Que voulez-vous, elle est jolie et elle a de l'esprit...
Et ça, c'est sans mentionner certains évènements historiques vécus de l'intérieur... Sur trois-cent soixante-cinq pages, ça fait quand même beaucoup.
Vous l'aurez compris, avec tout ça, les rebondissements s'enchaînent très vite. Les chapitres sont relativement courts, mais à chacun sa péripétie. La narration se focalise essentiellement sur les faits et gestes de Zéphyrine, brossant à l'occasion les décors en à peine quelques lignes. de Madrid à la jungle panaméenne, en passant par la Cordillère des Andes, on voyage beaucoup, mais sans pour autant avoir l'occasion d'être dépaysé... Des semaines de trajet peuvent ainsi être résumées en quelques pages. Il faut reconnaître que si l'immersion en pâtit pas mal (d'autant que l'autrice était capable d'offrir des descriptions très efficaces, comme pendant une certaine tempête), d'un autre côté, le récit bénéficie d'une certaine fluidité. Ce qui, vu le nombre d'étapes dans le voyage de Zéphyrine, est plutôt un atout.
Bref, le récit baigne dans un côté surréaliste permanent. Qui fait en partie son charme, il faut l'avouer. Mais un charme très, très désuet. En somme, « Zéphyrine », ça n'a d'historique que le nom et d'ailleurs, si l'on vérifie certaines dates, on note quelques incohérences chronologiques (l'éruption de l'Etna mentionnée au début du roman a eu lieu en 1536, mais certains évènements de la fin du livre se sont produits en 1533). Surprenant, étant donné que pas mal de petits détails issus de la réalité parsèment le récit, attestant d'un travail de recherche certain... mais il ne faut pas oublier que dans les années 80, Wikipédia n'existait pas et que certaines connaissances historiques que nous avons aujourd'hui n'étaient pas aussi précises.
Mais du coup, c'est mauvais ? Que nenni. C'est indéniablement daté, mais ça se lit, pour peu que l'on fasse abstraction des clichés (mais en étaient-ils déjà à la sortie du livre, ou ne le sont-ils devenus que plus tard ?) et que l'on adhère au côté exagérément romanesque du truc.
La suite des aventures de Zéphyrine et de son fougueux mari face aux mystères qui les entourent. Cette fois-ci, leur horizon s'élargit au nouveau continent conquit par les Espagnols. Une course-poursuite magnifique.
Don Ramon répugnait à la mission que lui avait confiée son maître ; pourtant, en serviteur fidèle, il sonna la cloche du couvent des clarisses peu après le lever du soleil.
– Je dois voir la señora Trinita Orlando !
– Impossible, Señor, vous êtes devant un couvent de saintes dames et notre règle très stricte vous empêche...
Don Ramon interrompit le discours de la tourière.
– Sur ordre de Sa Majesté le roi, vous m'ouvrez, ma sœur, ou je fais défoncer la porte par la garde.
Dès que Zéphyrine posa le pied à Nombre de Dios, elle comprit qu'outre sa laideur l'endroit avait un climat torride et malsain, qu'il était infesté de moustiques et sans eau potable.
Les cabanes puaient. Le sable lui-même dégageait une odeur pestilentielle. Mais, comme disait demoiselle Pluche : « Il ne faut pas se plaindre, Madame, nous sommes sur terre au lieu d'être sous l'eau ! »
Les Regrets