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EAN : 9782221146552
306 pages
Robert Laffont (03/03/2016)
4.23/5   11 notes
Résumé :
« Parmi tous les romans d'amour que nous lisons, certains nous marquent durablement. Un homme de parole est de ceux-là. »
« J'écris et j'efface, arrachant des sourires aux ténèbres. »
Comète et Lot se sont aimés pendant seize ans, depuis leur première rencontre dans un club de jazz jusqu'à la mort brutale de Comète. Pour maintenir vivant dans sa mémoire cet homme si essentiel pour elle, Lot conçoit alors le projet d'écrire leur histoire. Vibrante d'émo... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
Ah mince alors ! Je n'ai pas aimé ce livre. Avec moi, la magie n'a malheureusement pas opéré.

Un résumé simple : Lot nous raconte sa vie avec Comète, puis la perte et le deuil de l'homme qu'elle aime. Un thème qui évoque la tristesse, mais il n'en est rien.

Ce n'est certes pas le manque d'émotion qui a fait obstacle au plaisir de lecture, mais une absence de rythme que, pour ma part, j'ai trouvée assez criante, des analyses auxquelles je n'ai pas adhéré, et des passages qui, à mes yeux, ont manqué de limpidité.

Entre "Apprendre à être réel" et "Apprendre à le devenir", l'auteure m'a carrément perdue, et je ne sais toujours pas, (pour ceux qui ont lu ce livre), qui est Cécilia. Est-ce un manque de clarté de sa part ou un manque de réceptivité de la mienne, je ne saurais le dire, mais toujours est-il qu'en pareil cas la lecture perd de son intérêt, sans compter que je n'ai pas très bien compris par quel cheminement Lot est tombée amoureuse de cet homme. Il m'a semblé qu'il lui a pris comme une lubie de "décider d'aller là où elle pensait trouver Comète". Je pourrais développer ma pensée, mais pour des raisons évidentes il ne m'est pas possible de le faire.

Cet ouvrage donne d'entrée matière à réflexion, comme la mise à mal du tissu social si chacun de nous reconnaissait en l'être aimé "un tout". le cuisinier, le poète, le violoniste, celui où celle qui l'alimente, le berce, l'instruit, si chacun de nous mettait tous ses oeufs dans le même panier, pour reprendre la métaphore de l'auteure. Difficile d'en disconvenir, il est certain que si chacun devait "fermer boutique " à mesure que se forment les couples, nous nous retrouverions dans une société sens dessus dessous. Une évidence.

Une phrase m'a cependant particulièrement interpellée :

"Les personnes très fortunées n'ont que faire d'être alimentées, amusées, bercées et instruites par un être multifonctionnel ; elles ont des cuisiniers pour leur faire la cuisine, des humoristes pour les divertir," etc etc...

Celà reviendrait-il à dire qu'en matière d'amour, nos aspirations profondes seraient assujetties à notre situation financière ? Celà voudrait-il dire que la quête de l'être à même de combler tous nos désirs serait l'apanage des moins nantis ? J'avoue qu'il y a là quelque chose de tout à fait incompréhensible...

Quant à l'analyse faite sur le charismatique, elle ne m'a pas plus convaincue. Certes, tout ce qu'avance l'auteure n'est pas faux, mais.

"Le bon charismatique fait en sorte de reverser son don à la société, de transmettre par contagion le plaisir du savoir et la curiosité de la recherche ".

Le charismatique a-t-il forcément le plaisir du savoir et le don de la recherche ? Je n'en suis pas si sûre...

Comète, l'homme qu'a aimé Lot, est sans conteste un être tout à fait charmant. Vu que, dans cet ouvrage, il est question de lui, il est normal que l'auteure le présente au lecteur. Mais ce qui aurait pu se limiter à une présentation par le biais de leur vie commune, prend l'allure d'un véritable exposé, d'un compte-rendu, et je dirais même d'une "dissection " en bonne et due forme de sa personne.
Le moindre battement de cils de sa part est répertorié, décortiqué, analysé sous tous les angles et sous toutes les coutures, c'en est lassant et passablement exaspérant.

Par contre, l'étape du deuil a suscité en moi plus d'intérêt. Enfin quelqu'un qui pense qu'on peut vivre avec un être disparu, et qu'il n'est pas nécessaire de s'empresser de se défaire de ce qui lui a appartenu. Très rares en effet, sont les personnes qui ne vous soupçonnent pas, en pareil cas, d'avoir un penchant certain pour la morbidté... On est si loin de ce fameux "Tu dois tourner la page", injonction que, personnellement, je trouve assassine et d'une violence proprement inouie.

Les analyses de l'auteure m'ont laissée bien dubitative, ce livre ne m'a pas du tout plu, mais je terminerai quand-même sur une note positive.

Il n'est pas exclu que je lise un autre ouvrage de Imma Monsó, car elle est de ces auteurs qui soignent leur écriture, c'est une qualité que je me dois de lui reconnaitre, et non des moindres en matière de littérature.

Je tiens à remercier Idil et Martine, (Bookycooky et Enjie77), grâce à qui j'ai découvert cette auteure. Quelle que soit mon opinion, la découverte d'un nouvel auteur n'est jamais une perte de temps 🌺
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"Smoking, drinking, never thinking of tomorrow", chante Billie Holiday, "never thinking", ce renoncement à penser illustrait parfaitement la relation de Comète au temps , à l'existence, au désespoir de penser, à la douleur de penser.....En romancière qu'elle était, elle lisait dans les pensées. Elle pouvait se tromper, simplement elle tentait sa chance, et le tenta aussi pour séduire cet homme à l'étoffe d'un personnage romanesque.....

Imma Monso est une ovni littéraire dans le paysage littéraire espagnol qui compte nombre de mes écrivains chouchou Javier Marias, Javier Cercas, Llop, Munoz Molina....Dans ce deuxième livre que je lis d'elle, elle aborde l'amour absolu,
"C'est fantastique de rencontrer un homme, une femme, un être capable de tout régler, de t'amuser et de te transformer. N'est-ce pas extraordinaire de vivre à travers un autre au lieu de rester face à soi-même, un soi qui nous ennuie déjà tellement ? Un homme avec qui vivre en parfaite intimité symbiotique, comme le rémora et le requin !"
Cette écrivaine d'une grande lucidité et intelligence, et doté d'un sens de l'humour très subtil, nous déploie ici l'histoire de cet "amour absolu". où - d'après l'expression de la narratrice, l'une des protagonistes de cet amour -, elle met tous ses oeufs dans le même panier. Elle trouve le panier au printemps 1987, et il éclate en mille morceaux à l'automne 2003.......Voilà pour le ton d'un livre qui parle de choses sérieuses de la Vie, d'une ironie subtile qui relativise la gravité et le sérieux que nous attachons aux nombreux détails de l'existence , qui finissent par nous pourrir la vie. Une histoire autobiographique d'amour et de deuil foisonnante d'émotions fortes. " L'écriture nous permet de mettre une distance qui me plait, entre nous et les tragédies et malheurs de nos vies. Il est important de trouver un équilibre entre la mémoire et l'oubli, et c'est ce que j'ai cherché à trouver en écrivant cette histoire " nous dit Monso à propos de son livre lumineux qui nous arrache le sourire des ténèbres.

Que dire, j'avais beaucoup aimé son livre "L'anniversaire ", pareil pour celui-là, couronné de trois prix littéraires, Salambó, Terenci Moix et Maria Àngels Anglada.
Je suis toujours sidérée qu'une écrivaine si talentueuse qui écrit des choses si intéressantes qui font réfléchir mais divertissent en même temps, ce qui est peu fréquent, reste dans l'ombre, parlant de la traduction française. Rien qu'à voir le nombre de lecteurs et lectrices et de billets sur ses livres sur Babelio ! Dommage , dommage !

"J'ai enfin vérifié que je suis Unique, probablement un navet unique, mais unique quoi qu'il en soit. Par ailleurs, il est absolument certain que je suis Posthume : j'insiste, peut-être un cornichon posthume, mais posthume en tout cas."
Irréfutable.

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« Il écrit que finalement tout contact entre les hommes est un hasard pas très éloigné du message trouvé dans une bouteille flottant au milieu du Pacifique. Ecrire revient à lancer des bouteilles à la mer avec le maigre espoir que quelqu'un les trouve. Il écrit que sa véritable vocation est la parole mais que les voies permettant de la réaliser se ferment chaque fois plus devant lui. Les amis ne l'écoutent pas avec toute l'attention qu'il désirerait hormis quelques exceptions remarquables qui n'assouvissent pas ma soif de dialogue. Il écrit que cela l'oblige à se réfugier dans l'écriture puisque par malheur il est unique et seul. »

J'ai repris les lignes écrites par Comète qui donne un aperçu de cet « homme de parole » et des réflexions qui émaillent ce récit. Comète ne terminera jamais ce livre mais souhaitait-il l'achever ?

Lui, professeur de philosophie et elle, écrivaine, surement professeur de langues, se seront aimés pendant seize ans avant qu'une attaque brutale foudroie Comète.

Comment vivre sans lui, comment faire face à ce vide qu'il a laissé, lui, qui savait si bien lui transmettre l'étincelle de vie, elle qui s'est toujours ennuyée dans ses relations amoureuses avant lui, avant leur rencontre. Elle repense à la phrase que sa mère lui disait lorsqu'elle était enfant « ne pas mettre ses oeufs dans le même panier ». Oui mais voilà, Lot est en quête de l'Amour absolu, cet amour qui vous nourrit chaque jour, intellectuellement, spirituellement, affectivement, amicalement, physiquement, loin des clichés véhiculés par l'époque : le partage des tâches, des responsabilités, ce n'était pas pour elle. Sa pensée se faisait plus complexe, elle désirait que cet homme possédât une vie intérieure luxueuse, une atmosphère intime unique par laquelle se laisser contaminer et éventuellement partager.

J'aime bien sa métaphore « un panier dans lequel elle mettrait tous ses oeufs ».

Qu'y a t-il de mieux que les mots, que l'écriture, qu'une combinaison de mots pour redonner vie à Comète, lui redonner le souffle défiant la mort, cette lumière qu'il savait si bien lui transmettre. Lot entreprend d'écrire leur histoire. Seize ans de vie commune, seize ans d'instants partagés, seize ans de bonheur à le regarder vivre, à l'écouter parler, lui professeur de philo qui laissera une empreinte indélébile sur ses amis, ses collègues et ses élèves mais aussi sur leur fille. Comète avait tout d'un personnage romanesque, il arrivait même à nager sur l'eau aux dires de ses parents !

C'est ainsi que défilent ces instants précieux sous nos yeux, leur rencontre, leurs amis, Comète prend vie sous nos yeux, il renait de ses cendres. Lot alterne un chapitre au passé qui raconte leur couple à la troisième personne et un autre chapitre au présent qui se veut dans l'instant, une voix qui parle de l'instant présent, subtilement, parfois avec humour, d'une grande pudeur sans jamais tomber dans l'emphase mais tout en évoquant le long chemin du deuil, son parcours pour parvenir à combler l'absence.

Le bonheur de Lot se tient dans un livre : celui dont il avait entamé l'écriture et dans lequel, Lot le retrouve. C'est dans ses mots à lui qu'elle peut accéder directement à sa pensée. Ce n'est pas n'importe quel livre, non, c'est son livre, celui qu'il a laissé inachevé comme une empreinte dans le sable et dont on perd la trace à un moment donné. Alors, il faut en reprendre la lecture pour s'imprégner plus profondément de sa pensée, de sa présence qui émane de ses réflexions.

Imma Monso est linguiste et c'est une évidence. Elle aime les mots et tout au long de ma lecture, je me suis laissée bercer par la mélodie de ses mots, c'est un peu comme la lecture d'une partition. Jamais je ne me suis sentie attristée par son récit mais je reconnaissais les étapes du deuil, de celui que l'on fait pas à pas, jour après jour, on se remémore tout en cherchant la juste mesure entre oubli et souvenir. C'est un très beau récit écrit par une femme mature qui maîtrise totalement l'art de l'écriture, qui ne tombe dans aucun piège de la romance. C'est un récit somptueux comme seule une amoureuse des mots peut nous en offrir. Certains passages sont d'une grande poésie, je les ai relus pour le plaisir mais c'est aussi une méditation sur l'absence, sur le deuil.

« Un tissu de mots ressemble à un oignon qu'on ne finirait jamais de peler. On peut y revenir sans cesse, on continuera toujours de l'éplucher. Sans jamais trouver la chair sanguinolente. Il contient une infinité de possibilités. C'est l'oignon interminable. L'oignon infini. Ce qui ressemble le plus à une tranche de vie. Son livre sera, pour nous, (ndl : Lot et sa fille) un sacré oignon. »

Clin d'oeil à Booky dont j'ai suivi le conseil et suis bien d'accord avec elle, décidément ces auteurs espagnols ont vraiment du talent, ils sont au top de mes auteurs préférés.

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Comment faire son deuil quand on vient de perdre, brutalement et trop tôt,  (toujours trop tôt),   l'homme élu, irremplaçable, unique, l'amour absolu?

Lot a aimé Comète. Elle a vécu de longues années avec lui. Ils ont adopté ensemble une petite fille qui est la perfection même,  Prolix, la petite bavarde pleine de questions et d'explications, la projection idéale de ce couple exigeant et curieux,  complémentaire et fusionnel, et pourtant  si étonnamment autonome, si évidemment différent, lui, homme de parole,  elle femme d'écrit. 

Tous deux semeurs de mots.

 Comment faire son deuil d'un tel amour?

Ne pas perdre, ne rien perdre de ce qu'était Comète, ne pas trahir l'essence rare de ce philosophe qui conjurait sa peur de l'eau en apprenant à nager sur un tabouret pendant des années , avant de se jeter brusquement, un jour, dans une mer déchaînée et de nager à toute vitesse vers le large? Comment ne pas perdre sa façon de vivre, de cuisiner, de danser, toujours fredonnant, toujours dans la musique, toujours étant la musique? Comment faire pour ne pas perdre sa fraîcheur, le son de sa voix, son  goût des amis, son dégoût des voyages, sauf ceux que lui concoctait savamment Lot?
  
Comment faire son deuil?

 Sans rester momifiée dans un passé  sans retour, fermée à la vie,  comme morte au monde. Sans se tuer, sans mourir d'amour, sans refuser de vibrer, de frémir, d'écouter, de sentir.

 Comment faire son deuil et continuer à vivre? Et risquer d'oublier? de perdre? de trahir?

Sans trémolos, sans drame, sans rigueur inutile, sans exclure l'humour ni l'ironie,  sans tomber dans l'hagiographie , Imma Monso/Lot  élabore une grille qui l'empêche de s'écrouler:

"Il me faudra donc mettre de l'ordre dans ce réseau routier de mots, ne pas trop dévier, car autrement qui sait ? Un ordre simple, par exemple. Chapitres A, chapitres B. Dans les chapitres A, je parlerai de la façon dont nous nous sommes connus, de nous, de la vie avec lui. Dans les chapitres B, j'évoquerai la façon dont je l'ai perdu, la vie sans lui. Cela me servira aussi à moi comme règle simple, mnémotechnique (car je suis légèrement dans la confusion dernièrement) : A d'attachement, d'amour, A d'allégresse, A d'abri, pelotonnée tout contre lui. B de barbare, B de brutal, B de blanc, vide désertique, B de bourgeonner à nouveau. Facile à se rappeler. »

 Elle s'y tient, elle s'y cramponne, et les deux récits vont à la rencontre l'un de l'autre, jusqu'à tisser cette passerelle de mots entre le monde à la première personne ( chapitres A)  où elle a rencontré et connu et aimé et partagé la vie de Comète jusqu'à sa mort  - et le monde impersonnel ( chapitres B) où elle l'a perdu et où elle a tenté de continuer à vivre sans perdre sa lumière , en suivant les petits cailloux du souvenir, sans devenir pour autant la gardienne du Temple.

De ce cheminement d'un récit vers l'autre,  jaillira, plus puissant que jamais, l'Homme de Parole, si vivant, si charnel, qu'on se prend à l'aimer, comme Lot elle-même.

Deux êtres éclairés par l'évidence de leur amour, séparés par la mort et réunis pour jamais par les mots dits par l'un, écrits par l'autre, et inextricablement tissés entre eux comme un "réseau routier " entre la vie et la mort.

Ce livre si fort, si original,  si profondément pensé est un pur joyau. 

J'ai souvent souri, je me suis souvent arrêtée pour relire et savourer un passage, j'ai eu souvent les larmes aux yeux.

Je suis sûre de le relire. Il va m'accompagner, il a  encore beaucoup à me dire,  je le sais.

Je le ressens comme nécessaire .  Comme on a besoin de croire au soleil au coeur d'une nuit profonde.

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Livre d'une lucidité irréductible, parfois douloureuse, parfois d'une joie magnifique, j'ai adoré ce livre et en tant que psychiatre je le recommande toujours à mes patients en deuil, en géneral ils apprécient vraiment, surtout s'il s'agit de lecteurs curieux, qui cherchent un "plus" de richesse dans la pensée et pas seulement "une histoire sans histoire". Il est vrai que pas tout le monde peut s'y sentir identifié pusiqu'il s'agit de la description de deux êtres assez exceptionnels, mais c'est justement ce que j'ai apprecié, puisque la littérature ne devrait pas être un outil d'identification et elle devrait même nous rendre peu confortables afin qu'on puisse sortir d'un livre autrement qu'on y est entré. L'originalité et la qualité de l'écriture, des personnages et du point de vue de l'auteure. Il y a aussi plein de phhrases intelligentes et l'impression qu'il n'y a pas un seul mot laissé au hasard. Très grande auteure que je ne connaissais pas et que je relirai sans doute.
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critiques presse (1)
LaPresse
09 juin 2016
Imma Monsó dissèque le sentiment de perte avec philosophie et délicatesse, usant de la parole comme d'une arme pour écarter la nostalgie de la mort.
Lire la critique sur le site : LaPresse
Citations et extraits (18) Voir plus Ajouter une citation
Comète promenait son être musical partout où il allait. Il ne faisait rien sans musique. Il écrivait en musique, il pensait en musique, il cuisinait en musique, il respirait en musique......La musique de Wagner laissait craindre le pire. Une journée périlleuse, qui présageait l’orage. Le Comète le plus enflammé pouvait alors surgir, sa voix retentissant comme un coup de tonnerre pour une fadaise, échouer à monter un ailloli aussi ferme que d’habitude par exemple. Un jour comme celui-ci, il pouvait réciter du Rubén Darío ou du Quevedo les larmes aux yeux (s’il avait définitivement raté un ailloli assez ferme) ; en revanche, s’il avait confectionné le plus parfait des aillolis, au prix de nombreux œufs, il se régalait quelques heures plus tard d’un repas copieux, et dans ce cas il changeait de musique. Schubert indiquait qu’il cuisinait un plat délicieux et inattendu en t’attendant, la tête emplie d’idées sereines. Quand Schwarzkopf chantait des lieder de Strauss, il était le plus souvent assis mélancoliquement sur le canapé, prenait des notes sur ses carnets si caractéristiques, lisait Spinoza et levait les yeux vers la fenêtre dans l’espoir d’apercevoir une brume épaisse. Quand il chantait ces mêmes lieder, c’était qu’il se rasait, content de sortir dans un but agréable, assister à une réunion entre amis, petit-déjeuner de pilchards salés, donner le cours qu’il avait envie de faire. S’il écoutait les Variations Goldberg, il était probablement plongé dans l’un de ces problèmes mathématiques qui le tourmentaient de temps à autre. Mais quand tu entendais le chanteur mexicain Jorge Negrete ou un chant révolutionnaire nicaraguayen ou mexicain, tu savais que des frijolitos et des tacos de toutes sortes t’attendaient, ainsi que de nombreux émois et une longue siesta. La musique de Schönberg ou de Cage annonçait la froideur de l’entomologiste. Et quand Charlie Parker jouait, tu n’avais simplement rien à attendre (il ne s’apercevrait même pas de ta présence).
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.....dans l’espoir de pouvoir lui adresser un jour la parole, elle entama secrètement la lecture de la Critique de la raison pure. Quand elle assista un matin à une scène qui la laissa pantoise. Assise à côté de Comète, une collègue lui racontait avec force détails très ennuyeux la perte d’une boucle d’oreille, situation qu’elle exposa en l’accompagnant d’une description détaillée du bijou. Elle précisa où elle l’avait perdue (chez elle) et comment elle avait demandé à son fiancé de l’aider à la chercher. Elle ne lui épargna pas le style direct souvent utilisé par les femmes pour relater les faits : « Je lui ai dit : “Pere, aide-moi à chercher ma boucle d’oreille.” Il m’a répondu : “Bien sûr. Pas de problème !”, et j’ai précisé : “D’après moi, elle est ici, à la maison.” » Elle rapporta qu’elle l’avait dépeinte au fiancé (nouvelle description de la boucle d’oreille), détailla tous les endroits où ils l’avaient cherchée et révéla comment, finalement, elle l’avait retrouvée. Après ce récit, débité d’un ton soporifique, elle ôta sa boucle d’oreille afin que Comète l’admire longuement. Lot, qui imaginait que rien n’intéressait moins Comète que des boucles d’oreille, n’en croyait pas ses yeux. Pour couronner le tout, la fille termina son récit en apothéose par une réflexion sur le hasard (elle osait lui faire part d’une réflexion sur le hasard !) d’une absolue banalité. Mais qui tombait à pic ; l’ampleur du hasard était telle qu’une semaine plus tard... elle avait perdu la deuxième boucle d’oreille.
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Comment ne pas regretter cet univers où l'alcool , les idées, les femmes, les rêves coulaient à flots, où l'on jouissait de la vie et où l'imprévu surgissait à chaque rencontre ? Comète (né au pied d'une vigne, à la Brassens) vénérait l'alcool. Il en avait côtoyé les risques en certaines occasions, et il avait eu la chance de savoir en tirer le meilleur et de se libérer du pire. Sans jamais renier son attirance. Il ne joua jamais non plus à l'enfant terrible qui se fait passer pour plus canaille qu'il n'est : il avait passé les bornes alors qu'il aspirait au calme et à la prudence, qu'il transmettait. Quand un ami lui racontait que le médecin lui avait interdit de boire, il le rassurait : "On se soûlera de paroles, va, on regardera la lune jusqu'à l'ivresse".

page 207
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Il me faudra donc mettre de l’ordre dans ce réseau routier de mots, ne pas trop dévier, car autrement qui sait ? Un ordre simple, par exemple. Chapitres A, chapitres B. Dans les chapitres A, je parlerai de la façon dont nous nous sommes connus, de nous, de la vie avec lui. Dans les chapitres B, j’évoquerai la façon dont je l’ai perdu, la vie sans lui. Cela me servira aussi à moi comme règle simple, mnémotechnique (car je suis légèrement dans la confusion dernièrement) : A d’attachement, d’amour, A d’allégresse, A d’abri, pelotonnée tout contre lui. B de barbare, B de brutal, B de blanc, vide désertique, B de bourgeonner à nouveau. Facile à se rappeler.
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Comète mettait ici en évidence l’ambiguïté de la relation entre charisme et pouvoir. En effet, pour réussir à commander, il faut désirer le faire. Et pour savoir commander, souvent, il faut ne pas le vouloir. D’où le paradoxe insoluble qui expliquerait une grande partie de la vie politique et sociale, sinon la totalité.
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