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Critique de LeScribouillard


On a beaucoup parlé de Montaigne pour son progressisme, somme toute à replacer dans son contexte historique (on connaît ma défiance pour tout ce qui sort de son institut :P) : dire qu'il est le premier à placer sur un pied d'égalité sa culture avec toutes les autres serait oublier bien vite la fervente foi catholique qui imprègne sa plume. La véritable modernité des essais, c'est de choisir délibérément la forme grotesque, celle sans plan préétabli, permettant de divaguer et de digresser jusqu'à ce qu'on ait vidé tout ce qui nous passait par la tête. C'est sans doute à cause de ça qu'on l'a souvent comparé à un blogueur (et j'étais moi aussi sur le point de le faire dans cette critique avant de me rendre compte qu'on l'avait déjà dit au moins deux fois avant moi) : Montaigne veut la réflexion brute, à l'état pur, pleine de scories mais d'une richesse inégalée. Chacun peut prendre un bout de pensée et l'emmener où il veut : comme il le dit lui-même, il y aurait une infinité d'essais à développer à partir de ceux déjà écrits.
Mais c'est aussi ce qui rend la lecture des "Essais" difficile par instants : trop de richesse et de méandres finissent par égarer, surtout quand nous ne possédons plus vraiment la même culture. Entre une érudition latine nous tartinant des citations de toutes sortes (et toujours en VO dans la version papier), un désir d'ordre et de soumission condamnant fermement toute forme d'ambition ou de trop grand plaisir, une ou deux réflexions sur la femme qui feraient frémir plus d'un de mes compatriotes chevelus, Montaigne est un représentant du XVIe siècle dans ce qu'il a de plus ardu, complexe, controversé. Son érudition nous amène aussi bien vers des sommets de sympathie que de scepticisme. Quand tout va mal, on perd vite le fil de ces gigantesques paragraphes pour nous abandonner au désespoir de ne jamais retirer du livre que quelques faits divers de la Rome antique ; quand tout va bien, on rit, on pleure, on découvre des traits communs inattendus avec notre façon de penser, on apprend dans toutes les disciplines, théologie, ethnologie, philosophie, stratégie militaire. Ce tome 1 montre toutes les difficultés de sa prose mais aussi ce qui en fait sa grandeur : un esprit constamment aux aguets d'une idée nouvelle, la confrontant sans relâche à celles anciennes, curieux de tout, résigné à la mort mais jamais las de vivre.
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