De fait, je n'avais pas lu
Montaigne depuis longtemps. Il m'a fallu me réhabituer au vieux français, à l'orthographe erratique et à la ponctuation surprenante.
Juste quelques notes prises en lisant le troisième livre.
Il m'a perdue dans le long chapitre
de la vanité où il parle des voyages, des embarras de la vie, de la politique, de la mémoire, des voyages, des femmes,
de l'amitié, de la mort, des voyages, de sa vénération pour les anciens Romains et quel qu'autres sujets que je n'ai pas notés, mais je n'ai pas vu la vanité... Et je tombe soudain sur "Cette farcissure est un peu hors de mon thème", ben voyons ! Lequel ? C'est suivi un peu plus loin de "J'aime l'allure poétique à sauts et à gambades", ce dont je me doutais depuis un moment :-) Un peu plus loin encore, "C'est l'indiligent lecteur qui perd son sujet, non pas moi" : au temps pour moi.
Autant j'aime la parfaite architecture rhétorique de Pascal, autant je me délecte des méandres de la pensée montanienne ; il ne faut pas chercher à comprendre. “A foolish consistency is the hobgoblin of little minds" (Emerson). Je suis un grand esprit CQFD ! ;-)
Montaigne me met en joie. Même lorsqu'il parle de sujets dramatiques comme la quasi destruction des peuples indigènes de l'Amérique latine (Des coches), il reste que sa manière d'aborder le thème, directe, sans façon, passant et repassant pour balayer la totalité du champ, me réjouit.
Il est assez machiavélien dans ses postures politiques (De l'utile et de l'honnête) : les rois sont contraints à la violence, la traitrise et au mensonge de par leur fonction. Très désabusé quant à l'espoir d'une amélioration - les guerres civiles ont parfois cet effet - ce qui l'amène à une position très conservatrice (
De la vanité).
Quelques citations que j'aime particulièrement.
Ma préférée : "Le monde n'est qu'une branloire pérenne. Toutes choses y branlent sans cesse, la Terre, les rochers du Caucase, les pyramides d'Egypte, et du branle public et du leur. La constance même n'est autre chose qu'un branle plus languissant. Je ne puis assurer mon objet : il va trouble et chancelant, d'une ivresse naturelle" (Du repentir). En nos temps d'accélération extrême, de brouillage du vrai et du faux, des algorithmes et des IA régissant nos vies, l'impossibilité d'assurer son objet prend une tournure aigüe et la posture de
Montaigne face au savoir et à la prise de décision est d'autant plus précieuse.
"C'est mettre ses conjectures à bien haut prix que d'en faire cuire un homme tout vif" (Des boiteux). Au milieu de nos nouvelles guerres de religion, la phrase fait frémir, même si on décapite plus qu'on ne brûle.
Je termine avec "C'est une absolue perfection, et comme divine, de savoir jouir loyalement de son être" (
De l'expérience) : ça vaut tous les préceptes des psychologies positive ou du bonheur.