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Citations sur Mon ancêtre Poisson (11)

L'automne arrive. Les feuilles commencent de sécher sur les arbres et de se racornir, et puis quand plus rien ne les retient, elles se décrochent, elles renoncent. Toi, cette agonie des feuilles, ça fait un bail que tu la vois se reproduire, c'est ton soixante-dix-huitième automne. Mais cette fois, est-ce qu'elles ne te tiennent pas un bien triste discours ? Tu en as vu tomber pourtant, tu en as piétiné, de ces feuilles rougeaudes, et tu continues, cette année-là. Ça volette autour de toi, ça chute des branches, et dans les allées le vent parfois les soulève, les déplace, comme le font aussi tes pas. Ça craquette, c'est le bruit que ça fait, de marcher dans l'automne, au milieu de tout ce dépouillement progressif ; et je ne sais pas si c'est une chose à laquelle on s'habitue, toute cette nature qui se délite à vue, ou si au contraire, une fois que son propre pas est devenu plus lent, son propre corps plus dolent, il n'y a pas un affolement croissant à voir ce désastre se reproduire.
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Ta présence flotte ici, un fantôme bénéfique et qui m'apaise. Cette affection inconsidérée qu'on peut ressentir pour des ancêtres qu'on n'a pas connus.
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Quand tu te penches au-dessus d'une fleur, que se passe-t-il en toi ? Tu recenses les éléments botaniques qui la composent, tu la vérifies dans le vent frais, tu l'examines comme la sage-femme compte les doigts du nouveau-né. Moi qui, posant les yeux sur les plantes, suis généralement incapable de les nommer (est-ce que tu m'en voudrais pour ça ?), moi qui suis devant la nature non pas à court de phrases (ça non, tu me verrais, chaque fois que je prends le train, sortir mon carnet pour décrire les paysages; tu serais étonné de l'effet que ça me fait, les boules de gui dans les baies d'arbres, la vivacité du colza, ce jaune inouï qui tranche parmi le patchwork des champs et de prés - j'utilise souvent le mot patchwork, quand je regarde la campagne depuis les trains)
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Car est-ce que ce n’est pas ça, la lecture, une fête bizarre, la célébration étonnée des sentiments divers qui nous traversent, et qui ne sont pas tous heureux, loin de là ? Et le moment de l’écriture aussi, fête bizarre, car à sa façon la phrase, au moment où elle prend vie, en même temps la donne, elle a ce pouvoir de produire des mondes, elle procure cette joie puissante.
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Quand je pense à ton fils, et à combien ça m'a hantée, cette histoire du fils prodigue, je me dis qu'il vaut mieux peut-être que l'écriture des romans endosse seule cette charge des histoires confuses qu'on porte en soi sans savoir d'où elles viennent. Le roman avance dans la brume, il charrie tout ce qu'il peut prendre dans son cours, rivière étrange, fleuve gros d'alluvions (...); il brasse en les déplaçant ces traumatismes dont on hérite sans bien les comprendre, il les rejoue, il les magnifie à sa façon, il les exalte, il vous permet d'y rejouer les vôtres.
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Je prête parfois à mes personnages cette sensation folle que toutes les conversations qui se sont tenues dans la pièce où ils se trouvent se sont déposées sur les murs, une impression presque fantastique, souvent liée chez eux à un malaise : d'un coup, c'est comme s'il y avait là un fond de vrai. Imaginez quelqu'un qui trouverait un jour le moyen de les réactiver, ces conversations incrustées dans la chair des papiers peints, dans la fine couche de poussière des murs, et a fortiori, peut-être, dans les pièces où il y a des cheminées, à cause de la suie, je veux dire. Un brouhaha, un palimpseste dans lequel on distinguerait parfois une phrase prononcée plus fort que les autres, à moins qu'on découvre même une façon, ces conversations successives, de les décolle les unes des autres, d'en extraire chaque strate, chaque couche, de sorte qu'on pourrait les réécouter une à une, savoir que tel jour ce sont tels propos qui se sont tenus.
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Le roman avance dans la brume, il charrie tout ce qu’il peut prendre dans son cours, rivière étrange, fleuve gros d’alluvions (parfois aussi il se fait ruisseau douillet, allons, et distille son humour consolateur) ; il brasse en les déplaçant tous ces traumatismes dont on hérite sans bien les comprendre, il les rejoue, il les magnifie à sa façon, il les exalte, il vous permet d’y rejouer les vôtres (ces histoires de famille qui nous hantent de mille façons étranges, comme si elles avaient innervé nos gènes, muettes, opaques, actives, sournoises et souterraines, travaillant notre chair, et dont il faudrait arriver à se dire que ce ne sont pas les nôtres), ce n’est pas de tout repos, mais ça nous rassemble.
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C'est le moment du songe, une histoire de famille aussi, ce songe d'Athalie, de deuil, et rêver des morts, est-ce que ce n'est pas de ça qu'il s'agit ? Et à ma façon, de réparer l'irréparable, incomplètement, naïvement, éperdument, dans le deuil où je suis non seulement de toi mais aussi de notre rencontre impossible, parce que oui, c'est ce à quoi ce récit tend, sa mission déraisonnable, combler à la fois certaines des lacunes de ton histoire et ce fossé qui nous sépare, qui fait que nos corps ne se seront jamais croisés dans ce jardin où nous ne marchons pas au même moment, et de sorte que les pages de ce livre sont le seul lieu où nous pouvons nous tenir ensemble, fragilement.
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– mais le temps manque pour écrire tous les récits qu’on voudrait
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J'ai l'impression déraisonnable de renouer avec quelque chose de très lointain
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