Mon ancêtre Poisson

Récit, enquête, roman dans lequel l'auteur(e) renoue avec son arrière-arrière grand-père né en 1833 et mort en 1919 entré à l'âge de neuf ans au jardin des Plantes à Paris et devenu botaniste.
A partir d'une ou deux photos, d'articles de son aïeul dans la revue botanique et de souvenirs racontés par sa grand-mère à elle qui fait le lien entre eux, la narratrice se lance dans un roman familial, retrace la vie de son ancêtre ancrée dans le XIXème siècle, marquée par L Histoire, ses joies, ses deuils qu'elle finit par vivre presque directement, physiquement.
Quelques passages très pointus pour les non spécialistes des plantes et de la botanique mais qui ne sont pas l'essentiel qui reste le dialogue avec un ancêtre qu'on n'a pas connu, dialogue noué grâce à la littérature, les mots qui recréent une intimité, une proximité, une relation humaine très forte avec des êtres que l'on a pas connus physiquement, un thème qui m'intéresse énormément.
Un récit empreint d'une joyeuse nostalgie.

Tout le réel pour Christine Montalbetti peut être prétexte à roman, une rencontre avec des confrères en écriture, le dernier voyage de la navette spatiale, ou le casse du casino de Trouville par un vieil homme dépressif. Alors pourquoi pas l'un de ses aïeuls, ce Poisson, petit jardinier devenu grand botaniste, ce héros de légendes familiales, cet homme à la « joie inattaquable », au « regard gorgé de lexique », tiens, deux qualités qui évoquent irrésistiblement pour nous l'écriture toujours à la fois allègre et savante de l'auteure ? Et de commencer ce récit biographique par la contemplation d'un mérou dans un aquarium, ou plutôt peut-être, en sens inverse, la contemplation de Christine par le mérou, lui rappelant que de toute façon nous descendons tous de son espèce poisson, s'étonnant, l'animal, des formes de cette progéniture lointaine. Poisson, donc, son aïeul, dont elle poursuit les traces de « fantôme bénéfique » au Jardin des Plantes, y éprouvant le sentiment d'un « retour », comme si « fille prodigue » elle se décidait enfin « à rentrer à la maison »… Commence alors un vrai travail d'enquête pour reconstituer le parcours de vie de cet ancêtre, cette vie qui est « avant tout une séries de petits romans, et d'abord les romans que les uns et les autres, dans la famille » se sont faits à son sujet. Nous voilà, oui, disons-le, comme des poissons dans l'eau de ce fleuve d'écriture aux multiples bras de Christine Montalbetti, cette forme de récit pleine de digressions, d'anecdotes cocasses, d'adresses au lecteur, d'autodérision et de fantaisie, avançant moins souvent sous la férule de la chronologie que par la force des associations d'idées. Même si la vie de Jules Poisson a été émaillée d'épisodes douloureux, traversant les temps sombres de deux guerres et de la mort d'un fils, même si le ton souvent se fait plus grave lorsqu'il s'agit aussi d'évoquer la vieillesse du botaniste, le lecteur reste conquis, d'un bout à l'autre, par l'allure primesautière du récit, le regard pétillant d'intelligence que la romancière pose sur tous les sujets qu'elle aborde. Oh, Christine, on voudrait que cela ne finisse jamais, ce chemin d'écriture sur lequel vous nous conviez chaque fois à vous accompagner ! Alors, rendez-vous au prochain roman ?