Un fois de plus j'ai succombé au charme désuet de cette saga si attendrissante et intemporelle. Comme pour les deux autres volumes,
Emilie Moget sait incarner à la perfection Anne, sa famille et ses amis. Sa voix et ses intonations leur donnent vie, le petit Davy est particulièrement touchant. Au bout des huit heures que dure ce livre, j'aurais voulu continuer et déjà j'attends avec impatience la suite des aventures de cette héroïne si universelle, qui nous parle d'un passé révolu, mais endormi quelque part au fond de nos coeurs d'adultes.
Anne a dix-huit ans et va enfin pouvoir réaliser son rêve d'aller à l'université d'Edmonton sur le continent. Priscilla, Gilbert et Charly l'accompagnent. Ils découvrent la liberté, même si les étudiants de cette époque sont autrement plus sages qu'aujourd'hui, ils font leur premier pas dans leur vie d'adultes. La plupart des villageois pensent que les études universitaires sont inutiles pour les femmes, mais les deux jeunes filles se moquent bien d'être à contre-courant. Elles veulent devenir enseignantes de lycée, mais pour le moment, en dehors des études, leur grande préoccupation est de se marier, filles comme garçons. Anne rencontre de nouveaux amis, dont Philly,une camarade d'études qui viendra habiter avec les amies d'Avonlea dans une petite maison qu'elles ont pu louer, une maison étrange et mignonne comme elles les aiment. Stella et sa tante viennent les rejoindre, elle sera la tante des quatre filles leur apportant stabilité et tendresse, tout en s'occupant des trois chats de la maison. Les fêtes, les examens et les études rythment la vie à Redmont, chacune retournant chez soi durant les vacances, ce qui nous permet de suivre l'évolution de la vie au village. Anne reçoit de nombreuses demandes en mariage, parfois très amusantes, saura-t'elle faire le bon choix ?
Anne évolue bien, elle devient plus posée, moins exaltée et plus raisonnable. Ses rêves ont changé de nature, elle ne nous parle plus de la Reine des neiges ou de la forêt hantée, sauf lorsqu'elle partage des souvenirs d'enfance avec Diana. L'objet de ses rêves s'est déplacé sur l'amour, qu'elle veut romantique et idéalisé. Son futur mari doit avoir des caractéristiques précises et elle risque bien de confondre rêve et réalité, selon sa mauvaise habitud,e et de se tromper de chevalier servant. Ce décalage entre l'idéalisation de l'amour et sa réalité touche aussi Philly mais elle ouvrira es yeux à temps. le temps passe pour chacun, Paul ne trouve plus son peuple des roches lorsqu'il revient pour les vacances et Anne doit lui expliquer que les fées ne se montrent qu'aux enfants, ce qu'il n'est plus à seize ans.
Philly est un personnage intéressant, c'est une jeune fille riche, mais elle désire rejoindre ses amies dans la colocation. Anne lui explique qu'elle devra se conformer à leur vie à elles, de filles pauvres, ce qu'elle accepte. Elle a un côté superficiel, mais reconnaît elle-même que c'est surtout une apparence. Elle saura aller à l'encontre des voeux de sa famille pour épouser un pasteur pauvre plutôt qu'un prétendant de son milieu, elle est donc bien moins banale qu'elle ne le paraît et émancipée de ses préjugés de classe.
Le roman prend de la profondeur avec la maladie puis le décès d'une ancienne amie de classe d'Anne, mais là aussi, beaucoup de non-dits pour ménager sa famille, ce qui condamne la jeune fille à une grande solitude. Toutefois, Anne avec sa bienveillance et sa douceur saura accompagner Ruby sur ce chemin difficile. La mort d'une personne si jeune est un mystère impénétrable pour ses amis. La religion est nettement plus présente dans ce volume que dans les deux précédents, les femmes sont très pieuses et essaient d'inculquer les bases de la foi à Davy, qui n'est pas réceptif et profite même parfois de faire l'école buissonnière le dimanche, préférant les jeux avec ses amis à la messe.
Le thème principal est la place des femmes dans la société, les filles commencent à avoir accès à l'université et peuvent enseigner au lycée, mais pour les villageois, c'est un non sens. La première demande en mariage qu'Anne refuse est celle de Billy, qui n'avait pour argument que de posséder la plus belle ferme du coin, et donc d'être un excellent parti, mais Anne incarne la nouvelle génération qui ne saurait s'en contenter. Ce roman a été publié
longtemps après avoir été écrit, aucun éditeur ne voulant se risquer à un livre si féministe au tout début du vingtième siècle.
Cette saga universelle, pleine de tendresse et de bienveillance est un gros coup de coeur pour moi. Ce livre recèle aussi plus de profondeur qu'on pourrait le penser après les deux premiers tomes de la série. Un très grand merci à Netgalley et aux Editions Voolume pour cet excellent moment passé avec cette chère Anne.
#Annequittesonîle #NetGalleyFrance !
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