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Critique de Soleney


Après une entrée en matière quelque peu difficile (l'action mettant une cinquantaine de pages à se mettre en place), je me suis passionnée pour les aventures d'Elric. C'est un héros qui a tout pour plaire : albinos, sorcier de talent, épéiste hors pair, héritier d'un royaume sur le déclin… Mais il est perçu comme quelqu'un de faible par son peuple. de constitution fragile, sa survie dépend des drogues qu'il doit ingurgiter quotidiennement, et il a eu la mauvaise idée d'être "trop gentil".

Il me rappelle un autre héros qui appartient lui aussi à une saga très connue en fantasy : Drizzt. Ces deux êtres sont issus d'une race cruelle, voire mauvaise, très puissante et qui manipule la magie, leurs deux espèces servent des dieux maléfiques, et tous deux entrent en opposition avec leur héritage. À noter aussi qu'ils ont des traits physiques qui les distinguent, l'un étant albinos, et l'autre ayant les yeux violets. Et évidemment, ce sont des guerriers sans égaux dotés d'un physique irréprochable...
Mais le cycle d'Elric a un ton beaucoup plus sombre que Les Royaumes oubliés : Elric est maudit, enchaîné à une épée maléfique à cause de sa santé défaillante et contraint de passer un pacte avec le plus puissant des Seigneurs du Chaos pour sauver celle qu'il aime (comme un petit air de Faust...). Les inspirations de Mickael Moorcock sont nombreuses et variées, et il est lui-même une grande source d'inspiration (le principe d'Inception ressemble curieusement à celui qui est exposé dans « La Forteresse de la Perle »).

Cette saga est loin d'être manichéenne. Ici, la lutte entre le Bien et le Mal n'a pas court, c'est plutôt la Loi et le Chaos qui s'affrontent en un combat sans fin. Ils ne sont ni bons, ni mauvais, puisque la Loi sans le Chaos n'est que vide absolu et le Chaos sans la Loi n'est que distorsion de la matière (sans aucune création). Tout être possède en lui une part de ces deux camps. Mais la neutralité existe aussi à travers la cité éternelle, Tanelorn, qui refuse de jurer fidélité à l'un des partis. C'est appréciable de voir une autre alternative dans la fantasy.

Tous les personnages ont une certaine profondeur. Elric est naturellement porté vers la Loi, mais son pacte avec le démon Arioch le contraint à servir le Chaos, ce qui en fait un héros déchiré, pieds et poings liés, manipulé par des puissances supérieures. Sa conscience le torture, et pourtant est-il vraiment responsable de ses agissements ?
Le seigneur Arioch, lui, est insaisissable, manipulateur, mesquin – je l'ai adoré ! Il joue avec Elric comme un chat avec un moineau blessé, lui accordant tantôt son aide, tantôt son indifférence, mais l'assurant toujours de son affection profonde. le destin de son petit protégé semble beaucoup l'amuser.
Quant aux compagnons d'Elric, ils ont chacun leurs particularités, leurs défauts, leurs limites… Tristelune et Wheldrake sont petits et rondouillards, l'un guerrier et l'autre poète, et leur proximité avec le prince des ruines les rend comiques. Les femmes sont souvent séduites par le romantisme et la fatalité qui émane du héros, mais qu'elles soient vertueuses ou entreprenantes, aucune ne saura combler le vide dans son coeur. Sauf…

L'univers de Moorcock est extrêmement développé et je m'y suis même perdue quelques fois. La dimension dans laquelle vit Elric n'est pas la seule : il en existe une infinité d'autres, et le héros "tombe" accidentellement dans diverses d'entre elles. Chacune a ses particularités et ses bizarreries (un soleil bleu, des Seigneurs d'En-Haut plus ou moins forts, la Nation Tzigane, qui ne peut s'empêcher d'avancer, encore et encore, pour prouver son indépendance…). Mais toutes ont une version d'Elric.
Car Elric, héros de l'histoire, est aussi une des multiples incarnations du Champion Éternel, voué à se battre toute sa vie pour la Loi et le Chaos. C'est donc un Héros au sens strict du terme : il est important, il est puissant, il a une chance et une malchance hors normes, son destin est prédéfini, il est le jouet de forces qui le dépassent… Et pourtant, son comportement n'est pas celui d'un Héros : corrompu par son épée, il a soif de carnage. Il lui arrive de prendre des décisions égoïstes, et il se laisse dominer par cette lame qu'il s'était pourtant juré de maîtriser. C'est une contradiction vivante !
La dimension épique fait partie intégrante du texte (les personnages principaux affrontent des ennemis titanesques et des situations désespérées, ne craignent pas la mort est se battent avec honneur), mais pourtant, elle est remise en cause plusieurs fois. Erekosë pose cette question fataliste si juste : « Pourquoi ne pouvons-nous jamais nous trouver devant un problème mineur ? Un problème domestique ? Pourquoi faut-il donc toujours que le sort de l'univers soit en jeu ? ». Ce à quoi un ami lui répond : « Peut-être les problèmes domestiques sont-ils pis encore ? Qui peut le dire ? »

Un très bon livre, donc. Mais...
Souvent, l'auteur fait référence aux traits si particuliers des Melnibonéens – c'est même un élément très important de l'histoire, compte tenu du fait que l'ascendance d'Elric sera toujours reconnue des habitants des Jeunes Royaumes, qui le repousseront. Cette race n'est même pas considérée comme humaine, mais on ne sait pas ce qui la distingue des êtres humains ! Outre le fait que les Melnibonéens soient des sorciers, qu'ils soient cruels et que tous ceux qu'on rencontre soient beaux, qu'est-ce qui permet de les différencier au premier regard ? J'ai regretté de ne pas avoir une meilleure vue d'ensemble, et je me suis contentée de les imaginer comme des elfes.
Les tournures de phrases de l'auteur sont lourdes et vieillottes, un lecteur peu entraîné aurait du mal à persévérer. L'intérêt que j'ai porté aux différents livres était assez inégal (ceux que j'ai le moins aimé sont La Revanche de la Rose et Elric à la fin des Temps : le premier parce qu'il est long, que l'histoire avance difficilement et qu'il est confus, le deuxième parce que j'ai l'impression qu'il ne sert à rien et qu'il a été rajouté un peu par hasard). La saga se termine véritablement avec Stormbringer : le destin du héros est accompli, le monde est en grand changement suite à ses actes, et il découvre enfin le destin que les Dieux lui ont préparé (et quelle ironie…). La Fin des Temps, en revanche, est très loin du ton sombre et désespéré du livre précédent. Elric renaît littéralement de ses cendres (comment ? Pourquoi ? On ne sait pas) pour arriver dans une dimension où les gens sont omnipotents, tordus et immatures, ce qui donne lieu à de nombreux quiproquos. L'esprit de ce livre m'a paru en totale contradiction avec les autres.


Elric des dragons est un grand classique de la fantasy, une pierre d'angle sur laquelle s'appuient de nombreux imaginaires. Je suis très heureuse d'avoir découvert cette saga-fleuve (un mois et demi avant d'arriver au bout de cette lecture : record !) Merci aux éditions Omnibus et à Babelio pour m'avoir offert cette occasion :) D'autant que l'objet-livre en lui-même est très beau et que c'est la seule édition intégrale de cette saga.
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