Filles Perdues

Quand l'aube de l'enfance se fond avec le crépuscule du désir.

S'il fallait encore prouver le génie narratif d'Alan Moore, ces Filles perdues suffisaient à poser la maestria du scénariste sur un piédestal étrange et envoûtant.
La tâche était loin d'être facile : faire des contes puissants et simples de notre enfance des récits bruts, ardents et riches de complexités tues, confronter l'innocence à la peur, l'imagination à la chair, le souvenir au désir est un jeu dangereux. Moore se rit des écueils et navigue, serein, sur l'océan d'une intuition fantastique, n'accostant que sur les promontoires périlleux de références brillantes, dérangeantes, évidentes.
Les dessins de Melanie Gebbie sont admirables : leur souplesse chromatique, leur variété esthétique et la profondeur des lignes nous tient loin de la réalité exacerbée des comics qui accompagnent d'ordinaire les méandres de Moore. Au contraire, Gebbie nous plonge dans un songe épuré, sans frontières, sensationnel. On ne peut pas parler d'illustration, ici : ce sont des échos, des brumes qui riment avec la prose.
Les Filles perdues est un ouvrage à ne pas laisser entre toutes les mains, mais la poésie de sa sauvagerie, la douceur de son impudeur et l'élégance du chaos qu'il renferme en font une oeuvre lumineuse qui se distingue dans la pénombre de la littérature érotique.

Si il ne fallait posséder qu'une bande dessinée érotique ce devrait être celle-ci. Véritable magicien des mots Moore met ici en lumière toutes la perversité qui peut se jouer dans nos contes pour enfants. Parfois déroutant, d'autre fois excitant toujours percutant, cet album donne à l'érotisme la poésie qui lui manque si cruellement de nos jours. Pour un public adulte, bien entendu