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EAN : 9782809462869
184 pages
Panini France (28/06/2017)
4.32/5   11 notes
Résumé :
Le voyage de Robert Blake dans l'Amérique profonde du début du XXe siècle arrive à son terme. Son projet décrire un livre s'est transformé en plongée dans l'horreur et la folie le guette.
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Critique initialement publiée sur mon blog : http://nebalestuncon.over-blog.com/2017/08/providence-t.3-l-indicible-d-alan-moore-et-jacen-burrows.html

RÉTROACTION


Troisième et dernier tome de Providence, la série lovecraftienne d'Alan Moore et Jacen Burrows, censée (plus ou moins, comme d'hab') mettre un terme à la carrière BD du génial scénariste de Watchmen, From Hell et tant d'autres merveilles (sur ce blog, outre Neonomicon, finalement un prologue à la présente série, d'une certaine manière, j'avais eu l'occasion de parler de Top 10, V pour Vendetta, La Ligue des Gentlemen Extraordinaires, Suprême et un chouia de Tom Strong). Cet ultime volume comprend donc les épisodes 9 à 12 de la série américaine, et a été publié en français peu ou prou dans la foulée de ces derniers, datés sauf erreur de cette même année 2017.


Nous en arrivons donc à la conclusion d'une entreprise bien moins innocente qu'il n'y paraissait, et dont je n'ai longtemps su que penser. Mais, comme souvent chez Moore ? l'aventure se conclue sur un feu d'artifices qui amène à repenser tout ce que nous avons lu avant – et sans doute faudrait-il relire l'ensemble pour en apprécier pleinement la portée, ou en tout cas davantage qu'au premier coup d'oeil. Ce qui n'est pas inhabituel chez Moore, dont nombre de BD, même très efficaces à la première lecture, gagnent considérablement à être relues, encore et encore : Watchmen en est à mon sens le meilleur exemple – à chaque fois, j'y découvre des choses à côté desquelles j'étais passé jusqu'alors…


Providence, finalement, s'inscrit sans doute dans cette tendance – mais avec un ressenti différent, car l'accueil à la première lecture était sans doute moins unilatéralement enthousiaste. En fait, le premier tome de Providence m'avait tout d'abord fait le même effet que Neonomicon : j'avais trouvé ça assez mineur – pas mauvais, mais bien éloigné de ce que Moore avait pu faire de mieux, et par ailleurs un peu décevant dans l'optique Moore + Lovecraft, qui semblait faite pour moi… Je n'en avais pas retenu grand-chose, en tout cas – mais le deuxième tome a changé la donne, me convainquant bien davantage, mais aussi m'amenant à reconsidérer le premier, et, en fait, tout autant Neonomicon ; et cet effet s'est répété avec ce troisième et dernier tome, pour l'ensemble là encore – d'aucuns diraient même pour la carrière de l'auteur, j'imagine.


BACK IN BLACK


Nous retrouvons donc, en 1919, le jeune Robert Black, ex-journaliste new-yorkais, qui, suite au décès de son amant, s'est lancé dans un périple en Nouvelle-Angleterre afin d'y collecter des idées pour un livre, faisant écho à sa manière au principe des « livres qui tuent » dont Robert W. Chambers lui avait fourni le modèle avec son Roi en Jaune. Sauf que sa quête d'un vieux livre arabe l'a amené à envisager les choses sous un autre oeil : son projet consiste maintenant à mettre en lumière un fond occulte latent dans la Nouvelle-Angleterre contemporaine, une sorte de mythologie proprement américaine, sur laquelle broder des histoires délicieusement étranges… ou effrayantes.


C'est qu'en chemin, Black a fait bien des rencontres fascinantes – pour la plupart (ou bien toutes ?) liées à la Stella Sapiente, une sorte de société ésotérique dont le propos le laisse encore perplexe, mais dont les moyens et les relations semblent pour le moins conséquents. Par ailleurs, notre héros a vécu quelques expériences traumatisantes, qu'il suppose avoir été d'ordre hallucinatoire – car rien d'autre ne saurait l'expliquer. Son séjour à Manchester (Nouvelle-Angleterre, hein), tout particulièrement, s'était avéré traumatisant…


Mais, depuis, il a fait du chemin – et sa halte à Boston l'a conduit à rencontrer d'autres écrivains. Autour de la figure tutélaire de Lord Dunsany, que Black ne connaissait pas le moins du monde, sont apparus deux écrivains américains plus que discrets, car cantonnés aux publications du journalisme amateur (encore une chose dont Black n'avait pas idée, que ce sous-monde littéraire bien éloigné des canons de l'édition traditionnelle) : un certain Randall Carver, tout d'abord, qui l'a mis sur la piste d'un autre jeune auteur, semble-t-il assez excentrique, du nom de Howard Phillips Lovecraft…


Ce dernier réside à Providence, Rhode Island – et Black va lui rendre une visite prolongée.


I AM PROVIDENCE: THE LIFE AND TIMES OF H.P. LOVECRAFT


Eh oui, nous y sommes enfin – et l'architecture scénaristique de Moore, façon clef de voûte, joue dès lors plus frontalement de la polysémie du titre même de « Providence », en confrontant le lecteur, non plus seulement au « Mythe de Cthulhu » revisité sur un mode cohérent (voir plus loin), mais aussi au mythe entourant la personne même de H.P. Lovecraft. À peine entraperçu jusqu'alors, outre qu'il fallait composer avec l'ambiguïté de son alter ego Randall Carver, l'écrivain occupe maintenant une place essentielle dans le récit, même si vu uniquement à travers les yeux (et les écrits, de manière significative) de Robert Black.


En tant que tel, il constitue un personnage – un trait récurrent de la fiction lovecraftienne, et à vrai dire du vivant même de l'auteur : voyez « Les Mangeuses d'espace », nouvelle de Frank Belknap Long que l'on considère souvent comme étant le premier pastiche du « Mythe de Cthulhu », mais, toujours du vivant de l'auteur, on pourrait aussi mentionner « le Tueur stellaire » (ou « le Visiteur venu des étoiles ») de… Robert Bloch. Bien sûr, le procédé s'est souvent avéré périlleux – combien de mauvais pastiches, au fil des décennies, jouant de l'image stéréotypée de l'auteur, et de manière au mieux gratuite… Il y a des exceptions, cependant.


Et Moore s'en tire très bien, car il traite de son sujet avec une immense intelligence – qui passe aussi par les ambiguïtés entre le personnage présenté comme étant véritablement Lovecraft, le personnage nommé Randall Carver et qui lui doit beaucoup via bien sûr Randolph Carter (ce qui amène à se poser la question essentielle à la série du « travestissement » des noms des personnages lovecraftiens, question qui m'intriguait beaucoup depuis le premier volume – mais il se trouve que c'est Lovecraft lui-même, dans ces pages, qui en fournira l'explication, d'une portée considérable ! Pour le coup, c'est sans doute bien plus malin que ça n'en a l'air...), et enfin les allusions limpides pour le lecteur si incompréhensibles (pour l'heure…) pour le jeune Robert Black à un certain « Rédempteur » essentiel à la mystique tordue de la Stella Sapiente ; autant d'éléments qui avaient été mis en place dans le tome 2 de Providence, et sur lesquels ce tome 3 brode avec toujours autant d'astuce et de pertinence.


Moore opère un contraste étonnant, à ce niveau, car il mêle enfin, à tant d'éléments empruntés à la fiction lovecraftienne, et tant d'allusions contextuelles à une Nouvelle-Angleterre pas forcément moins fantasmatique que celle de la vallée du Miskatonic, un Lovecraft qui, pour le coup, a l'air authentique pour l'essentiel. Mais cela fait sens ! Ce troisième tome, et il me faudra y revenir, témoigne de ce que Moore connaît très bien, non seulement l'oeuvre lovecraftienne, mais aussi la biographie de l'auteur – et enfin la critique lovecraftienne. Ce qui ne signifie en rien qu'il asservit son récit à la « réalité » – bien plutôt que les variantes qu'il opère ne font sens qu'à la condition de savoir avec suffisamment de précision ce qu'il en était au juste.


En notant au passage que ce Lovecraft, pour le coup, est celui de 1919. Il n'écrit donc véritablement des nouvelles que depuis très peu de temps – en fait, depuis deux ans seulement (« La Tombe » et surtout « Dagon » en 1917, texte dont la parution est justement contemporaine du récit), et ses rares publications se cantonnent au registre du journalisme amateur ; il faudrait attendre encore quatre ans pour que le nom de l'auteur figure dans un pulp, un certain Weird Tales qui n'existait même pas à l'époque… On est donc très loin de bien des aspects « canoniques » de la biographie de Lovecraft telle qu'elle est souvent résumée ou mise en scène : les pulps ne sont pas encore de mise, les « révisions » non plus, Sonia Greene pas davantage, et New York, sans même parler de Cthulhu et compagnie ; ce Lovecraft ne sait encore rien de Clark Ashton Smith, et Robert E. Howard, à cette date, est âgé de treize ans seulement – peut-être achète-t-il son premier pulp…


Mais ce Lovecraft est déjà un personnage, d'une certaine manière – et les traits ne manquent pas, réels ou ludiquement extrapolés, qui en font une figure excentrique voire pittoresque. En 1919, on pouvait à vrai dire avec une certaine légitimité l'envisager encore comme « le Reclus de Providence », ainsi qu'il le prétendait lui-même d'une certaine manière, et ce ne serait plus le cas quelques années plus tard à peine ; par contre, il est déjà, même si sans doute depuis peu, ce correspondant acharné qui écrit des dizaines et des dizaines de lettres, sans cesse – Black s'en étonne dans son journal, ça le fascine. D'autres traits sont plus marqués, qui loucheraient éventuellement sur la caricature, si Lovecraft lui-même ne s'en délectait pas autant, comme d'une construction consciente et pleinement assumée : le personnage emploie une langue contournée qui doit plus à la rhétorique des essayistes et poètes du XVIIIe siècle anglais qu'au « dialecte » américain de son temps (une dimension plus ou moins bien rendue par la traduction). Il latinise volontiers les noms, ou, plus globalement, abuse systématiquement des pseudonymes pour désigner ses camarades – qu'il le veuille ou non, Robert Black est d'emblée et à jamais « Robertus », pour Lovecraft. Il joue au vieillard, aussi – un vieillard de vingt-neuf ans, guère plus âgé que ses interlocuteurs ; il n'est même pas exclu qu'un certain nombre d'entre eux soient plus âgés que lui… Qu'importe : pour le « jeune » Robert Black comme pour tous les autres, Lovecraft se désigne expressément comme étant son « Grandpa Theobald »… Et, bien sûr, il est intarissable sur les beautés de sa ville comme de la Nouvelle-Angleterre, érudit même si sans méthode, grand connaisseur de Poe et journaliste amateur d'un enthousiasme débordant.


Au-delà du pittoresque, cependant, il y a des choses plus douloureuses. À ces charmantes manies, il faut sans doute en associer d'autres moins aimables – mais on relèvera que Moore n'insiste guère sur le conservatisme et surtout le racisme de l'auteur, pourtant un thème latent de la BD, et, bien sûr, plus ouvertement, de The Courtyard (surtout ?) et Neonomicon au sens strict, avant Providence. C'est dit en passant, sans rien en dissimuler, mais sans non plus qu'il faille y attacher davantage d'importance. Bien sûr, dans l'optique du personnage de Robert Black, la question de l'homophobie est plus fructueuse – même si peut-être davantage artificielle ? L'astuce, qui permet de bien faire passer cette thématique dans le récit, sans y insister mais en en jouant avec justesse, consiste à évoquer la figure de Samuel Loveman, et sa poésie qui réveille bien des échos chez Black (plus tard, le procédé suscitera un nouvel écho avec la figure de Robert H. Barlow, notamment). Peut-être faut-il y associer également l'ambiguïté de ce Lovecraft exhibant devant son visiteur inverti (le sait-il ?) une vieille photo de famille où Susan, sa mère, habillait le petit garçon en petite fille, « selon la mode du temps » ?


En fait, le personnage de Susan a une certaine importance ici, au travers d'une scène très douloureuse où Black accompagne Lovecraft à l'asile où sa mère est internée depuis très peu de de temps alors (cette même année 1919, en fait ; elle mourra en 1921). Ici, la façade du « reclus » excentrique se fissure, et c'est l'humanité sous-jacente qui perce.


Cela participe aussi d'une chose qui ne coulait pas forcément de source (surtout dès que la question du racisme intervient, plus particulièrement ces dernières années) : dans son récit, Moore semble faire preuve d'une immense sympathie pour le personnage de Lovecraft – et cela ressort notamment des extraits du journal de Robert Black, à la suite cette fois des seuls épisodes 9 et 10 ; le jeune homme, homophobie du gentleman ou pas, semble réagir comme tous ceux ou presque qui ont eu l'occasion de fréquenter HPL dans la « vraie vie », vouant au personnage une intense sympathie teintée de fascination, voire de la conviction d'avoir affaire à un génie. Et non sans humour de part et d'autre. Certes, c'est tout de même le point de vue d'un personnage...

RELEVER LES SOURCES


Bien sûr, ce troisième tome abonde en références marquées à l'oeuvre lovecraftienne – mais peut-être d'une manière différente par rapport aux deux premiers, car seuls les épisodes 9 et 10, ici, jouent vraiment le même jeu (complété par le journal de Black), voire uniquement le neuvième : le onzième, qui conclut véritablement la BD de la plus brillante des manières, a une approche globalement très différente, tandis que le douzième constitue un épilogue renvoyant bien davantage à Neonomicon.


Le neuvième épisode est titré « Outsiders », ce qui fait bien sûr écho à « Je suis d'ailleurs » (« The Outsider »), avec un pluriel bienvenu et là encore polysémique. Mais, comme souvent dans Providence, les références proprement lovecraftiennes de l'épisode vont chercher dans d'autres récits, de préférence à celui qui lui donne son titre – pour l'essentiel, ici, « de l'au-delà » (« From Beyond »), L'Affaire Charles Dexter Ward et « Celui qui hantait les ténèbres ».


Le dixième épisode s'inscrit dans la continuité de ces références, mais introduit un biais intéressant via son titre, « The Haunted Palace », qui renvoie pour partie à Poe, figure tutélaire de l'épisode, mais aussi, je suppose, au film du même nom signé Roger Corman, également connu en français sous le titre La Malédiction d'Arkham, et qui, sous prétexte d'adapter Poe, adaptait en fait Lovecraft et plus particulièrement… L'Affaire Charles Dexter Ward. Ce que je trouve assez bien vu, pour le coup – car cela introduit d'une certaine manière l'épisode suivant.


Les épisodes 11 et 12 sont extrêmement riches en termes de citations, mais sur un tout autre mode. On relèvera du moins ici leurs titres, « The Unnamable » tout d'abord, soit « L'Indicible » (qui fournit son titre d'ensemble à ce troisième volume), terme qui renvoie probablement davantage aux procédés lovecraftiens (plus ou moins) typiques qu'à la nouvelle très mineure portant ce nom (et faisant figurer un certain Carter que l'on suppose bien être Randolph Carter), d'inspiration décadente et au contenu parodique marqué – ce qui peut faire sens, en même temps.


Quant à l'épisode 12, il est titré « The Book ». C'est le nom du premier sonnet des Fungi de Yuggoth, mais, bien sûr, cela renvoie sans doute avant tout au propos même de la série, que ce soit de manière littérale (la quête de Robert Black pour le « livre qui rend fou ») ou plus métaphorique (l'effet même des écrits lovecraftiens tel qu'il est rendu dans les épisodes 11 et 12).


CORRÉLER LES INFORMATIONS


Ceci, c'est le « travail » du lecteur – qui s'avèrera d'une tout autre ampleur dans l'épisode 11. Mais il constitue, au choix, la source ou le reflet d'un autre travail de corrélation, accompli ici par Robert Black, endossant bien sûr sans s'en douter les atours de l'investigateur lovecraftien corrélant des documents, et dont le narrateur de « L'Appel de Cthulhu » fournirait l'exemple le plus saisissant quelques années plus tard.


Or, ainsi que nous avons eu l'occasion de le constater tout particulièrement dans le tome 2, notre ex-journaliste et wannabe-romancier est plus ou moins compétent dans l'exercice – car sa méthode certes très professionnelle, associée à une aisance sociale remarquable, est parfois amoindrie dans ses effets par des préconçus de divers ordres, et notamment ceux l'amenant à systématiquement rationaliser (même via Jung, pour ce que ça vaut) tout ce qu'il découvre, en s'aveuglant volontairement ; dans la scène impliquant Pitman et les goules, cela relevait presque de la comédie… Est-ce véritablement un travers ? Probablement pas tout à fait, car un lecteur aussi rationnel que Black lui-même ne saurait le blâmer de ne pas percevoir la dimension occulte de ses découvertes, et ce alors
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Dans ma critique du 2ème volet (je n'en avais pas écrit pour le 1er) je faisais état de ce phénomène curieux d'irrépressible attirance qui m'avait poussée à l'emprunter alors même que je n'avais pas beaucoup aimé le 1er. Il s'est produit la même chose avec cet ultime volet, dès que je l'ai vu dans un rayonnage de la bibliothèque, je me suis jetée dessus.

Je ne vais pas appesantir sur les défauts dont je faisais état dans mon avis sur le 2ème tome. de toute façon, j'ai nettement moins ressenti ces défauts. Je n'ai pas été ennuyée par le côté chiantissime du journal intime du héros puisque je n'ai même pas essayé de lire ces pages, même pas en diagonale, je les ai purement et simplement sautées. Quant au manque de charisme du personnage principal, cela m'a beaucoup moins gênée car, d'une part ce n'est pas vraiment lui qui est le centre du récit et d'autre part parce qu'il n'apparait pas dans la totalité du tome.
En effet, cet ultime volet prend une direction inattendue et éclaire l'ensemble de la trilogie d'une façon différente. Moore est décidément un scénariste unique et brillant. Là où je croyais qu'il s'amusait simplement en proposant une oeuvre référentielle et ludique en s'intéressant à l'univers et aux créatures imaginées par Lovecraft, Moore va bien plus loin que ça. Tout d'abord, il place la personne de Lovecraft au centre de son récit, il en fait, non pas un héros, mais le coeur même de son histoire, il en est un des enjeux. Puis, après une ellipse qui prend le lecteur par surprise, Moore opère un virage surprenant et va s'intéresser à la fascination qu'exerce Lovecraftlui-même sur les lecteurs. Il va également s'intéresser à la manière dont une oeuvre littéraire peut façonner ou déformer la réalité.

Il est évident que Moore savait parfaitement où il allait dès le départ. Quelle maestria dans la narration ! Quel sens de la manipulation !

Quant à Jacen Burrows, il sert de belle façon le scénario de Moore. Il parvient notamment à donner vie aux horreurs indicibles imaginées par Lovecraft. Et les amateurs de HPL savent bien que ce n'est pas un exercice facile que de représenter l'innommable. Encore une fois, il réussit à créer des images saisissantes aux allures de cauchemars éveillés.

Il est rare que l'ultime volet d'une série invite à réévaluer l'ensemble de l'oeuvre. C'est le cas ici, et c'est fait d'une façon brillante. Tout le monde n'aura peut-être pas la patience d'aller jusqu'au bout, pourtant ça vaut vraiment le coup. "Providence" est une série qui se mérite, qui demande un effort au lecteur, mais s'il consent à cet effort, le lecteur est récompensé, saisi par l'ambition et l'ampleur d'un récit unique en son genre.
Moore m'a encore une fois bluffée avec une oeuvre vraiment folle.
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Ce tome clôt la trilogie centrée sur le maître de l'horreur indicible.
Visuellement, c'est toujours parfait et les dernières planches de ce long voyage sont très belles. L'évocation d'Azathoth, de Yog-Sothoth, de Shub-Niggurath et Nyarlathotep me semble parfaite pour terminer ce voyage initiatique.
Alan Moore réussit à faire vivre le mythe sans reproduire les textes de référence, en les utilisant pour décrire l'univers de Lovecraft, pour y donner vie.
Une bonne et très longue bande dessinée destinée aux familiers du mythe (est-ce un mythe?) de Chtulhu.
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New York, 1919. Un journal local, le Herald, sous la houlette de son patron Mr. Posey, se remet en question. La rédaction veut du percutant pour attirer à nouveau les lecteurs et ne pas passer pour des écrivains de halls de gare.Vient l'idée d'enquêter sur des légendes urbaines et plus particulièrement sur un recueil de Robert Chambers : le Roi en Jaune, inspiré d'un autre livre à scandale, entouré de morts et de mystères : Sous le Monde de Guillot. Un des journalistes de l'équipe éditoriale, Robert Black, jeune homme instruit et romancier à ses heures, décide à ce titre de rendre visite au Dr Alvarez, dont il connaît vaguement la réputation pour avoir écrit un article au sujet du Roi en Jaune. le médecin que Black rencontre vit seul avec sa servante et maîtresse dans un appartement réfrigéré par un système de refroidissement assez étrange. Lors de leur échange, Alvarez mentionne « Le Livre de la Sagesse des Étoiles », qui se dit « Kitab al Hikmah al Najmiyya » en Arabe, sa version originelle, dont un certain Robert Suydam possède une copie. C'est à partir de l'évocation de ce vieux tome d'alchimie et de ses théories sur le prolongement de la vie, que le journaliste va trouver l'inspecteur de police Thomas Malone, un bel homme fervent lecteur de livres occultes, qui lui indique la personne de Suydam au moment où ce dernier se recueille sur la tombe d'un cimetière. Pour la suite de son enquête, Robert Black quitte New York pour la Nouvelle Angleterre et pour Providence, son désir d'enquêter pour son futur roman étant plus fort que tout.
Mélange de rêves plus ou moins prémonitoires et d'hallucinations, Providence est une histoire captivante qui se met en place lentement, dans un contexte de prohibition avec la montée du nazisme et une nouvelle guerre qui s'annonce. C'est d'avantage un roman graphique qu'un comics ou une BD, rythmé par des pages superbement illustrées, dans lesquelles s'insèrent parallèlement la tenue d'un journal intime, des extraits et un descriptif historique du « Livre de la Sagesse des Étoiles », ou encore un bulletin paroissial. le héros Robert Black se perd, et nous lecteur aussi, entre états conscients et inconscients, ne sachant plus discerner le vrai du faux, au point qu'il met en doute dans son recueil de pensées sa santé mentale.
En talentueux et grand érudit, Alan Moore n'hésite pas, dans cette oeuvre très dense, à évoquer ses références : Edgar Allan Poe, Robert Chambers, Oscar Wilde, Bram Stoker, et bien d'autres encore en littérature, Carl Gustav Jung et Sigmund Freud en psychologie, Gustave Moreau, Jheronimus Bosh et Goya, entre autres, en peinture. Il nous propose, en fervent admirateur, une nouvelle vision de l'oeuvre de Howard Phillips Lovecraft dont il s'inspire fortement. L'écriture du scénariste est toujours aussi magnifique dans ce récit fantastique, lugubre, frisant parfois le malsain.
La lecture de Providence est ardue. Les passages du carnet intime de Robert Black sont longs et il faut s'accrocher, mais on se délecte dans l'attente de la chute de ce thriller palpitant dans lequel le héros passe par des états tour à tour de rêve, de paranoïa, de folie ou de délires. C'est formidablement imaginé et délicieusement angoissant. Providence nous donne à réfléchir sur le pouvoir magique ou prémonitoire des livres, et plus particulièrement ceux de Lovecraft, l'impact qu'ils peuvent avoir sur les lecteurs ou la réalité. Dans cet ouvrage, Alan Moore réussi avec son génie, à faire se côtoyer esthétique littéraire et horreur.
Lien : https://artpunkrock.wordpres..
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critiques presse (1)
Elbakin.net
27 juillet 2017
On pourrait développer durant des pages et des pages sur les qualités de cette dernière série d’Alan Moore. Force est de constater qu’il réussit ici un véritable tour de force, celui de réécrire le mythe de Cthulhu sans jamais s’éloigner de l’esprit de Lovecraft.
Lire la critique sur le site : Elbakin.net
Citations et extraits (1) Ajouter une citation
... vu ça long ? La librairie de Grove Street demande des exemplaires du Necronomicon et du De Vermis Mysteriis de Ludvig Prinn. J'imagine que le vieux monsieur aurait été amusé...
- Vraiment? Il a toujours reconnu que c'était de la fiction. En tant que rationaliste, il ne voulait pas jeter d'autres ombres sur un esprit humain qui n'en a déjà que trop.
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