Comment parler du dernier roman de
Thierry Moral autrement qu'en termes élogieux. J'ai encore adoré ! Avec des mots simples et un véritable don pour les manier et les varier il tisse une extraordinaire histoire de nos jours, mais qui porte en filigrane les stigmates de l'universelle humanité.
Ce récit haletant de bout en bout est de la fine truculence au service d'une subtile critique sociale. L'humour désopilant est bien présent comme un antidote ou plutôt comme un détonateur de la noirceur ambiante.
Le « couperet de la précarité », qu'elle soit sentimentale (la classique crise de la quarantaine), matérielle ou légale, peut comme dit l'auteur « tomber à tout moment » et faire basculer nos convictions les plus intimes.
Concernant la fin je vous dirai simplement que le dernier mot, habillement placé est « final », un peu comme au cinéma (That's all folks!). Vu de la sorte, le roman de
Thierry Moral est une sorte de « road movie » en vase clos (paradoxe de la fugue statique s'il en est), j'ai nommé le bois de Phalempin (« petite bourgade frémissante », « péri-urbaine ») toute proche du quartier de Burgault à Seclin.
Pour vous mettre en appétit voici un peu comment débute ce roman très alerte de 178 pages dont le rythme s'intensifie selon moi encore plus à partir de la page 75. Cette histoire comportant un cadavre est surtout celle d'une « camaraderie simple et spontanée » du quatuor formé par : Éric, 45 ans, travaillant au service comptabilité, aspirant « à un peu de bonheur » et parti dans le « bois des bobos friqués » en… crocs ; Alix, née sous X, « punkette à chien » au « visage truffé d'anneaux et de piercing », dans la rue depuis 2 ans et qui dans son périple de Pau à Lille a su éviter les camions, ces « carrioles crapoteuses » préférant le compagnonnage de Django, son « bâtard à la taille d'un berger allemand et à l'apparence méconnaissable » ; Moussa, le migrant originaire d'un pays africain que vous découvrirez par vous-même qui se fait discret dans la forêt, car « entre danger, oppression, rejet et espoir, il erre d'un territoire vers l'autre » et enfin Maryse, « la vieille bourgeoise au labrador (Elvis) fraîchement peigné » qui démasque assez rapidement le « trio de choc » que forment les précédents, autrement dit selon elle « le bobo perdu, la punkette armée et le migrant furtif ».
Cette fugue est bien burlesque et, en mode majeur, un roman qui fait du bien.