(Parenthèses)

Merci à Thierry Moral de m'avoir envoyé le lien pour l'écoute de son roman (parenthèses).
Puisqu'il s'agit de parenthèses, ouvrons-la : (écouter un roman ou le lire se valent-ils ? Dans ce cas-ci la diction de l'auteur, son expérience théâtrale, sa parfaite connaissance et maîtrise du texte nous offre un surcroît de vie dans ce roman à deux dialogues intérieurs - fermons la )

Nous avons ici un roman psychologique aux accents kafkaïen avec deux protagonistes aux prises avec leurs démons et dont la rencontre est supposée constituer une parenthèse dans leur vie avant de rebondir.

Le récit se structure sur deux points de vue (pourtant quasi aveugles), deux voix qui ne s'entendent ni ne se répondent, deux modifications aussi qui rendent les personnages à eux-mêmes sans leur dessiner clorement d'avenir.

Le roman est donc tout entier entre parenthèses comme ce qui devrait ne pas importer, s'oublier car si cette parenthèse était supposée les changer, leur ouvrir le 1er jour de leur nouvelle vie, pour le mieux ? ou pour le pire ?, nous n'en saurons rien puisque, dans ce récit, seule compte la parenthèse.

L'auteur nous plonge avant tout dans des ambiances, j'ai parlé de Kafka mais on y rencontre un ton à la Dostoïevski ou Woolf. En outre, il y a aussi de nombreuses références littéraires et explicitement au Bartleby de Melville. J'ajouterais qu'on peut peut-être y voir du Simenon pour ces modestes touches de suspense ou ces indices cachés.

Ambiance théâtrale enfin dans ces monologues intérieurs aux résonnances obsessionnelles : cet emploi quasi abusif de la répétition, ce martèlement bruyant de "tout est sous contrôle" qui permettent de faire grimper la tension et l'angoisse du piège de plusieurs crans.
Il y a aussi cette autre répétition, cette réponse à aucune question sinon celle du contrôle : "n'écris pas" si paradoxale dans une fiction que le lecteur traduit inévitablement par "lis encore".

Et à la fin de la lecture, de l'écoute, qu'avons-nous en mains ? Un récit à nombreuses clés : réflexion sur le libre arbitre, une fable sur la faiblesse qui nous constitue, une fine analyse psychologique de tempéraments opposés, un roman de l'apprentissage ou encore une métaphore de la vie en couple... de la vie tout simplement.

J'ai lu ce roman avec beaucoup de plaisir. Les deux personnages principaux vivent une sorte de "parenthèse", situation insolite qui va permettre, pour chacun, de révéler une part importante et jusque là inconsciente de sa personnalité. Je me suis attachée à Adèle, son manque d'assurance, sa fragilité m'ont touchée. J'ai moins apprécié Georges, même si lui aussi cache sa faiblesse sous une volonté perpétuelle de tout contrôler, un refus de lâcher prise. le talent de l'auteur, son style moderne et dynamique m'ont entraînée dans cette histoire assez inquiétante qui m'a happée jusqu'à la dernière ligne.