« La Terre tourne. Où que tu sois, tu tourneras avec elle. Ici, tu seras toujours la bienvenue […] Les voyages te dispersent. Ça va te faire du bien d'entrer dans la tente de sudation. Tu es prête, Ishkuess ? »
Ainsi débute le voyage, quelque part au nord du Québec, à la frontière du Labrador, chez les Innus. Au rythme de l'eau jetée sur les pierres chaudes, 7 au total, accompagnée d'une invocation, Ishkuess, commence son périple à l'Est , symbole de l'enfance pour ces Amérindiens. Elle nous livre ses souvenirs avec un grand-père plein de couleurs et de poésie aux accents d'Afrique du Nord. Puis, elle nous emmène au Sud, pour continuer à grandir, à la rencontre des Kaliñas, amérindiens de Guyane coincés entre la technologie de Kourou et la culture première, laissés pour compte de la France Métropolitaine, devant les murs du bagne de Maroni. Elle fait une halte à Montréal où elle habite mais d'où elle n'est pas ; nous conte un rêve qui va la suivre tout le reste de son voyage, à la recherche d'une réponse qu'elle ne trouvera qu'en elle.
Pour la troisième pierre, celle de l'Ouest, symbole de l'âge adulte, Ishkuess pousse ses pas jusqu'au Nouveau-Mexique, où dépouillée elle se baigne dans le Rio Grande, accompagnée par un Navajo rencontré au détour d'une station service.
Enfin la quatrième pierre, celle du Nord, symbole de la vieillesse, du repos, nous amène en Alaska, où l'auteure va à la rencontre d'un écrivain perdu sur la banquise.
Les cinquième et sixième pierres sont présentes en filigrane quant à la septième elle est la révélation du roman. Au lecteur de trouver le papillon qu'il suit. Quatre points cardinaux pour quatre contrées a priori différentes , quatre climats, quatre flores, quatre faunes mais elles ont toutes en commun ces amérindiens malmenés par les conquêtes, survivants de l'avidité des hommes à étendre leur hégémonie, gardiens des préceptes de la Nature, transmetteurs des valeurs primitives.
Quatre grandes parties pour ce roman, quatre histoires comme des songes, quatre questions, quatre étapes, quatre marches, quatre niveaux de conscience.
Il faut souligner le chapitre remarquable de l'Eucalyptus, arbre totem, média incontesté entre les hommes et la nature. Chapitre rédigé comme un conte, qui fait le lien entre les deux premières pierres et les deux suivantes.
Ce roman est un trésor. Un trésor de poésie, un merveilleux vecteur à l'introspection. Lorsqu'on lit les mots de
Laure Morali, ils prennent corps en musique, ils prennent corps en couleurs, ils prennent corps en odeurs…tous les sens sont excités comme si nous étions nous même dans la tente de sudation et découvrions nos chemins comme autant de perles de sueur. le style est précis, sobre et raffiné, il éclate en milles étincelles, avec en chuchotement, la voix des anciens, des sages, qui vient résonner dans notre intérieur. Quel bonheur que ces phrases au bout desquelles le coeur palpite de plaisir et où on s'arrête au point en poussant un soupir de contentement ! C'est une mine de citations possibles tellement les évocations des phrases font résonance.
Voilà un roman que j'aurais aimé écrire tant il me ressemble, et je crois que c'est là la magie de la plume de l'auteure : ce livre doit sans doute ressembler à chacun de ses lecteurs !
Vous l'aurez compris, j'ai adoré ce roman-récit écrit pas une Française expatriée au Québec « comme si seul l'exil savait guérir les blessures ».
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