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La Crécerelle tome 1 sur 2
EAN : 9782354086138
304 pages
Mnémos (15/02/2018)
3.39/5   58 notes
Résumé :
La Crécerelle a le goût du sang. Mais qui sait pourquoi elle tue ? Pour l’argent, pour le plaisir, ou bien pour servir les puissances de l’outre-monde ?
Femme du Sud dans les terre du Nord, experte des arts magiques dans une contrée qui les méprise, la Crécerelle parcourt les cités-États du désert, semant violence et mort sur son passage. Une question demeure… combien de temps encore pourra-t-elle supporter cette vie d’atrocités ?
C’est justement en ch... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (27) Voir plus Ajouter une critique
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Pour commencer, je suis obligé de signaler que je suis les éditions Mnémos depuis leurs débuts, que je possède plusieurs rayonnages de leurs productions, et que quand je jette un coup d’œil au planning des sorties c'est souvent vers eux que je jette mon premier coup d’œil… Je préfère clarifier les choses d'emblée car je vais écrire des choses qui pourrait être interprétées pour de la vachardise gratuite et méchante... (car oui, qui aime bien châtie bien)


J'ai de plus en plus de mal avec les nouveaux auteurs francophones proposés par l'éditeur tricéphale, qui livrent des prestations pas assez abouties malgré toute leur bonne volonté et toute leur bonne humeur*... Ce n'est pas le cas de "La Crécerelle", mais le résultat n'a pour autant été plus plaisant donc je me suis retrouvé une fois de plus avec un auteur « avec du potentiel » (mais quel potentiel !). Patrick Moran connaît son H.P. Lovecraft sur le bout des doigts, et son Michael Moorcock sur le bout des ongles : si au bout de quelques pages de l'ouvrage au au bout de quelques lignes de cette critique vous n'en êtes pas convaincus c'est que vous jamais rien lu de ces monstres sacré des genres de l'imaginaire, et ils vous faut donc remédier à cette lacune au plus vite si vous vous pensez être des fans des genres de imaginaire...
Donc nous avons la Crécerelle, personnage bi-classée guerrière et sorcière, bannie de son pays où tout n'est que sorcellerie et qui erre dans des Jeunes Royaumes où justement celle-ci est plus ou moins interdite car associée aux forces du Chaos alors qu'eux-mêmes se revendiquent des forces de la Loi, et partout où elle va elle traîne une sinistre réputation : elle est-elle une tueuse à gages qui tue pour le profit, une tueuse en série qui tue pour le plaisir, un être maudit qui tue au nom des forces de la nuit ou juste un monstre à visage humain ? Car la Belle Dame sans Merci a pactisé avec un dieu-démon après l'avoir appelé de son plein gré, et celui-ci ne cesse de la flatter d'un côté pour mieux lui réclamer du sang et des âmes d'un autre côté, alors qu'elle aimerait plus que tout en être définitivement libérée... Nous suivons donc les aventures et les mésaventures d'un antihéroïne qui cherche à remédier aux problèmes qu'elle a elle-même créés, et qui en voulant se débarrasser de la malédiction dont elle s'est elle-même affublée ne faite qu'aggraver les choses et hâter la fin du monde... C'est carrément le pastiche d'Elric de Melniboné, alias la Dame aux Camélias à baudrier !!!
Mais l'auteur m'a agréablement surpris en faisant de l'éternel champion et de son éternel compagnon des détournements de Xéna et Gabrielle (si vous ne connaissez pas, faites une recherche sur wikipédia), qui développent ici une relation aussi tordue et malsaine s'ajoutant à celle que l’antihéroïne entretient avec son patron et amant (remember l'amour vache entre la princesse guerrière et le dieu de la guerre ^^) : la guerrière expérimenté déteint sur la lettrée inexpérimenté qui s’endurcit, et la lettrée inexpérimenté déteint sur la guerrière expérimenté qui s'adoucit... Pour ne rien gâcher l'auteur utilise une cosmogonie et une mythologie lovecraftiennes, donc les trucs affreux et dégueulasses peuvent débouler dans le récit à tout moment : je vous laisse le plaisir de la découverte de sa caricature de la légende du Roi Arthur...

Tous les ingrédients sont là pour de la dark fantasy de bon aloi :
- niveau wordlbuilding on a des jungles, marécages, déserts, plaines, steppes, toundras, avec une variété de pays et de peuples différenciés aux niveaux politique, économique, social et culturel donc on sent que l'auteur a pensé au décor de son récit et c'est autre chose que tous ses tolkienistes persuadés qu'il suffit de placer 2 ou 3 poèmes et une légende des temps jadis pour donner de l'épaisseur à son univers ! (mais attention aux Ceilhans conservateurs, nationalistes et fondamentalistes qui refuse obstinément de s'intégrer aux civilisations qui les abritent, des gens mal intentionnés pourraient qualifier l'auteur d'antisémite qu'il faudrait punir à tout prix)
- niveau magicbuilding on a l'espace intérieur, thaumaturgie qu'on peut associer à des pouvoirs psioniques, qui ressemble à la télékinésie de "Scanners" et qui se manifeste souvent par une violence à la "Hokuto no Ken" (Xéna recourrait déjà à l’acupuncture de combat ^^), et l'espace latéral, manipulation de probabilités, qui consiste à remplacer une réalité par une autre en piochant dans les réalités parallèles à condition de ne pas avoir peur des gigantesques chocs en retour possibles (oh on dirait du Michael Moorcock revu et corrigé par China Miéville ^^)

Alors pourquoi je suis ressorti de ma lecture aussi mitigé, voir carrément déçu ?
- la première partie dévoile tout au presque, ce qui serait éminemment pardonnable dans le cadre d'un stand-alone mais l'auteur se fait plaisir en recourant aux termes « hapax », « apotropaïque », « scholiastes », « cacochymes », « architectonique », « gnoséologique », « appareils perceptifs », « possibilités cognitives », « capacités computatives » et des trucs quantiques qui à chaque fois m'ont sorti du récit...
- rien à faire, l'antihéroïne a été pour moi antipathique au possible : arrogante, orgueilleuse, égoïste, froide, cruelle, amorale, cérébrale, mais aussi comme ses modèles moorcockiens chouignarde... Oh elle culpabilise d'avoir génocidé la population la cité X, mais pourtant elle n'a eu aucun remord à génocider la population de la cité Y, oh la pauvre a été obligée de pactiser avec un dieu-démon avide de meurtres, mais pourtant quelques pages plus loin elle n'a aucun remord à tuer des innocents avec style et avec panache parce qu'elle est une véritable artiste du meurtre...
- il y a le Michael Moorcock féru d'aventures pulpiennes et le Michael Moorcock féru d'existentialisme, et ici ça m'a carrément saoulé qu'on se perde en explications philosophiques et métaphysiques : dans un livre de moins de 300 pages à la mise en page plutôt aérée on a déjà une vingtaine de page d’incipits pessimistes et nihilistes, qui parfois font la part belle aux diatribes d'intellos élitistes fictifs contre des masses plébéiennes fictives, mais on a aussi entre deux trips shamaniques des pages entières voire des chapitres entiers de digressions mélangeant les pensées de Platon, de Nietzsche, de Jung et de Wittgenstein ! Comme l'écrit l'auteur lui-même page 270 : et si on passait à l'action au lieu de faire de la psychologie des peuples ?


J'ai tendance à penser que la recette moorcockienne marche mieux dans certaines configurations que dans d'autres... Alors ici est-on dans un stand-alone qui restera un coup d'épée dans l'eau (ce ne sera ni le premier ni le dernier de la SFFF en France), ou le début d'un chouette serial ? L'avenir nous le dira !


* Je suis souvent atterré par le manque de culture SFFF des auteurs français, mais qu'attendre d'un pays avec un culture SFFF aussi pauvre bien souvent entretenue par les commissaires littéraires et les prescripteurs d'opinion ? Bien évidemment avant d'être auteur on est lecteur, et à chacun son parcours de lecture, éternelle quête que jamais personne ne pourra achever (et c'est bien ainsi ^^), et il n'est pas besoin d'être un érudit pour être un bon écrivain, mais en connaissant les classiques, les genres différents et les styles différents, on peut éviter de défoncer des portes ouvertes, de se poser en rupture de trucs qui n'existent plus, d'être persuadé d'innover en pleine saturation du marché, de répéter les erreurs du passé voire de tomber dans les gros clichés... Que dans leur enthousiasme les auteurs souvent autodidactes se fourvoient je veux bien les comprendre et les pardonner, mais quid des correcteurs et des éditeurs qui eux sont des professionnels censément avoir du recul sur le sujet ? Outre le fait que le prologue aurait fait un bien meilleur quatrième de couverture que le quatrième de couverture, je recommande vivement à certaines personnes des éditions Mnémos de davantage coacher les auteurs que les blogueurs, car on ne fera pas croire que le fait qu'on retrouve les mêmes qualificatifs dans les critiques dithyrambiques de ceux ayant reçu un Service Presse de leur part soit une coïncidence...
« atypique », « original », « hors du commun », « sortant des sentiers battus », « que vous n'êtes pas prêts d'oublier », « qui renverse les codes de la fantasy »... Amis blogueurs et amies blogueuses, sans aucune animosité lisez déjà tous ceux-là et on en reparlera :
https://www.babelio.com/liste/4276/Fantasy--levolution-dun-genre)


Challenge défis de l'imaginaire (SFFF) 2018
Lien : http://www.portesdumultivers..
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Une fois de plus imprévoyant, je me suis retrouvé en voyage sans rien à lire. J'ai acheté ce roman à cause de l'intrigante critique de Bifrost et surtout des recommandations du libraire local (et ce bien que je n'accroche pas au style de l'illustrateur Qistina Khalidah).

Mon impression générale est plutôt positive sans que j'en saute au plafond pour autant. J'y ai sauté avec enthousiasme au début, découvrant une ambiance immédiatement étiquetée dark fantasy, un univers original et maîtrisé dans ses dimensions, une « magie » assez rationnelle et une importance de la culture de l'écrit.

La clé de voûte de ce roman est sans doute l'univers dichotomique inventé par Patrick Moran : le petit monde encerclé par l'outre-monde, le réel flottant dans le néant, la goutte d'ordre gardant contenance dans l'océan d'entropie. Banal penserez-vous ? Eh bien non. Cette construction simple s'affirme comme l'un des enjeux principaux du roman au fur et à mesure de l'avancement du récit. Elle prend un corps plus satisfaisant que, par exemple Ambre et le Chaos de Zelazny ou l'Ordre et le Chaos de Moorcock ; simplement parce que les chaos cités ci-dessus ne sont pas si chaotiques que cela, car ils renferment des structures, des êtres et des dieux. L'outre-monde de Moran est une forme de vide quantique en perpétuelle agitation, qui ne peut générer des formes stables qu'en entrant en contact avec le monde. Moran fait emprunter par les lignées de philosophes de son monde des descriptions de l'univers issues de la physique moderne, telles les onze dimensions de la théorie des supercordes. Il accorde aussi à certaines civilisations une vision formalisée mathématiquement du monde, vision à la base d'un pouvoir sur le réel qui s'apparente à la magie. Cette magie qu'emploie la Crécerelle est donc le résultat d'une science. Est-on encore dans un roman fantasy ?
La description de cette magie est également simple et étonnante, faisant appel à deux extensions du réel qui sont l'espace intérieur et l'espace latéral, des « lieux » que je ne décrirai pas plus avant, considérablement plus vastes que l'apparence des choses qui forment le réel, mais malgré tout non-mesurables devant l'immensité de l'outre-monde. L'emploi de la magie a un coût physique immédiat et important, traduction de l'effort que représente la courbure volontaire du réel.
Mais le monde réel en lui-même est bien pourvu. On y trouve des civilisations variées, parfois raffinées, et une impression certaine d'ancienneté, de éons de civilisations perdues, d'un passé dont les traces ne semblent pas humaines. L'ombre de Lovecraft plane sur ce décor. J'ai plusieurs fois pensé que les Grands Anciens, lassés de la Terre, étaient venus ici en vacances.

Le personnage de la Crécerelle s'annonçait au début encore plus noir qu'Elric, tueuse à la botte d'une entité dont la forme rappelle certaines créatures du manga Fullmetal Alchemist. Je pensais qu'on allait partager les pensées d'une femme psychopathe et artiste du meurtre, le genre qui plairait à Maxime Chattam.
Mais – et c'est là une de mes déceptions – Patrick Moran opte pour une autre approche, plus orientée vers la volonté de rédemption. L'auteur associe la Crécerelle à une autre femme, Mémoire, avec laquelle elle va fonctionner comme des vases communiquant. L'une est froide, sans pitié, violente, l'autre est naïve, empathique. A force de se côtoyer, le noir et le blanc vont se fondre dans des niveaux de gris. Le côté dark du récit va du coup se diluer. L'auteur a d'ailleurs du mal à stabiliser le caractère en pleine évolution de la Crécerelle : un instant elle abat un innocent avec ce qu'elle aime appeler une note artistique, peu après elle ne supporte pas l'idée d'abattre un autre type tout aussi innocent. Je ne regrette pas l'idée plutôt intéressante et tout à fait centrale de ce duo, mais la vitesse à laquelle la Crécerelle se radoucit qui oblige à biffer la mention « dark » de ce roman. En revanche j'ai apprécié l'attitude inconséquente de la Crécerelle. Elle agit sans se soucier des conséquences qui sont toujours néfastes.
Il faut dire que la manipulation de l'espace latéral (non, je ne vous dirai pas de quoi il s'agit) permet de ne pas se préoccuper des conséquences. Son usage dans le roman est d'ailleurs un élément de facilité, scénaristiquement parlant. Je me suis dit plusieurs fois « évidemment, comme ça c'est facile de contourner les difficultés ». Autre facilité : les migrations qui permettent un contact entre monde et outre-monde. Même si elles donnent lieu à des descriptions oniriques réussies, elles me semblent impossibles de par la construction même de l'outre-monde qui prend de ce fait trop de substance.

De l'histoire elle-même, je ne vous parlerai pas. Lisez le quatrième de couverture. Tout bien pesé, j'ai passé de bons moments à la découverte de cet univers et j'espère que Patrick Moran nous y ramènera un jour.
Je trouve de plus qu'une traduction en manga serait du tonnerre !
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La Crécerelle, on en a peur. On la connaît sans la connaître. On la traque, on veut la tuer. Mais c'est elle, et elle seule, qui tue. Sa réputation n'est pas volée, même si elle se mêle parfois à des croyances ou des rumeurs exagérées. La Crécerelle, qu'est-ce donc ? Un démon vengeur ? Une divinité colérique ? Un monstre de l'Outre-Monde ? Plongez dans le roman de Patrick Moran pour le découvrir.

Ce qui frappe d'emblée, c'est la noirceur, la violence crue mais jamais vulgaire, la mort dans tout ce qu'elle a de vide, le cadavre qui n'est autre qu'une viande sans âme. Aucun spiritualisme dans un monde qui, pourtant, en paraît gorgé. Dans le monde de la Crécerelle, de cette femme magicienne qui tue pour des raisons qu'on ignore, les gens croient mais ne savent pas. Elle, elle sait mais ne croit pas. Elle tue parce qu'une étrange entité, oeil turgescent muni de vrilles et de tentacules venu de l'Outre-Monde, lui ordonne de tuer. Elle ne peut faire autrement ; son pacte de jadis le lui oblige. Là où d'aucuns, plus crédules qu'elle, auraient pu vénérer la chose qui l'asservit, La Crécerelle, elle, la combat à sa manière et cherche à s'en défaire, quête désespérée dans un univers dirigé, ou du moins cerclé, par la fatalité. Mais elle ne lutte pas contre l'oeil pour sauver les futures vies qu'il lui demandera de prendre sans logique. Non, elle lutte pour se retrouver elle-même, seule avec son soi, avec son libre arbitre. Si tant est qu'il y en ait un. C'est une quête individuelle, presque individualiste, et il n'y a pas, au fond de la Crécerelle, l'idée de « bien commun », seulement celle d'un « mieux personnel ».
Au début, en tout cas.
Car la Crécerelle, à force de pérégrinations semant mort et chaos, rencontrera une femme : Mémoire. Et l'on ne pourra alors s'empêcher de se dire que le nom de cette dernière n'aurait pu être mieux choisi. La Crécerelle, voilà des années qu'elle vit ligotée à son démon, et cette femme viendra lui rappeler cette part d'humanité qu'elle ne connaît plus, qu'elle a… oublié.

Il y a une bipolarité constante dans le roman. Non pas celle, manichéenne, du bien contre le mal mais celle, plus difficilement saisissable, entre l'infiniment grand et l'infiniment petit, de la globalité contre l'individualité, de l'ignorance face au savoir, de l'ordre et du chaos (tous deux complètement revus par l'auteur).

L'infiniment grand et l'infiniment petit, d'abord. Très petit comme la Crécerelle (d'ailleurs son nom en donne une idée) qui se débat dans un monde gigantesque, du moins pour elle. Elle vient du Sud, mais vit dans le Nord. Un nord où l'on parle du désert de Yobanda, de Malahar, des marécages des Ceilhan, des villes tentaculaires de Shaz-Narim et son gouffre improbable, de Zommar et sa statue étrange. Mais plus au nord, encore, il y a le Decemvirat. Tout est grand pour elle. Elle n'y est qu'un grain de poussière. Pourtant ce monde, on le nomme la Perle. Et une perle, c'est frêle, c'est cassable. Elle aussi, elle est minuscule, prisonnière de cette masse noire qu'est l'Outre-Monde, l'au-dehors qui voudrait fêler sa paroi pour s'y engouffrer, la subsumer, comme le dit Patrick Moran, empruntant (à dessein, je n'en doute pas) un terme de la philosophie de Kant. Car ici-bas, c'est la métaphysique qui dirige. La magie est mathématique, physique. Elle est probabilité et statistique. Elle n'en demeure pas moins mystérieuse et insaisissable.

On retrouve également cette dualité d'infiniment grand et d'infiniment petit chez deux antagonistes : l'Oeil et Mémoire. Là où l'Oeil est puissant, broie telle une machine sans âme, est capable de prendre des proportions énormes (parfois la taille d'un mur, parfois d'une pièce) et est, aussi et surtout, prévisible, Mémoire, elle, est fragile, sans don magique ou aptitude aux armes, fait preuve d'humanité et occasionne bien des surprises. Pourtant, ces deux-là sont tous deux liés (indirectement, certes) par une seule et même personne : la Crécerelle, qui se fera le pont entre ces deux contradictions, comme elle se fera le pont entre la Perle et l'Outre-Monde, entre le chaos et l'ordre.
Et, justement, il y a l'autre dualité : celle de l'ordre et du chaos. Et celle-là surprend. Pour que je puisse vous dire en quoi, il me faut d'abord expliquer autre chose… en "divulgâchant" un peu, c'est vrai. D'ailleurs, si vous souhaitez passer ce paragraphe, je vous en prie, faites !



Ainsi, en toute fin, je ne peux m'empêcher de parler de la construction du roman que Patrick Moran, par le biais de divers parties et chapitres, construit grâce à plusieurs « spires ». Des spires larges au début, comme exagérément distendues dans leur matrice uniforme, vide, puis qui se resserrent vers la fin dans un jeu complexe de superposition, de synergie, de chaos. C'est bel et bien l'inverse de la subsumption qui s'opère. Cette spirale, et j'utilise ce terme à dessein, n'est autre que l'ADN du roman qui s'enroule sous nos yeux, qui se crée, agence ses données. C'est l'identité de la Crécerelle qu'on découvrira en même temps qu'elle se découvrira elle-même. Mais pour cela, il lui faudra observer en-dedans, au-dehors et sur les côtés et sa vision sera parfois, peut-être, biaisée par un Oeil qui observe sans comprendre. Apprendra-t-elle ? Comprendra-t-elle ? Se connaîtra-t-elle ? Et si oui, alors il lui faudra garder tout ça quelque part… en Mémoire.

La Crécerelle de Patrick Moran est donc un roman à deux visages, ou devrais-je dire, à deux magies : celle intérieure et l'autre latérale. La magie intérieure vous plongera dans un monde de Sword and Sorcery tinté de Pulp ou de Cyberpunk, dense, sombre, violent, animé par des personnages torturés, cabossés, mais attachants, à la quête impossible. La magie latérale, elle, plus subtile, vous fera voir des parallèles avec le monde réel, soulèvera des questions sur la place de l'individu dans la société, sur la société et la latitude qu'elle se doit de laisser à l'individu pour qu'il continue de vivre comme il l'entend, avec son libre arbitre, sans imposer de lois déshumanisées et liberticides, sur l'évolution naturelle des choses et l'acceptation de ces changements, sur les traditions rigides qui, au fur et à mesure du temps qui passe, deviennent obsolètes et figent le vivant dans des lois qui ne lui correspondent plus.

Je cesse mes folles interprétations ici. Peut-être sont-elles fausses. Peut-être en aurez-vous d'autres. Qu'importe, car c'est la magie d'un roman. C'est la magie de la littérature : sa subjectivité, son inconstance, son chaos.
Alors je ne dirai que ceci : Bravo, monsieur Moran.
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La première chose qui m'a frappé quand j'ai vu ce roman sur la page Facebook des éditions Mnémos, c'est sa magnifique couverture dans le style Art déco, signée Qistina Khalida. de plus, un synopsis plutôt alléchant me laissait présager un futur coup de coeur. Très enthousiaste, je me suis donc rendue dans ma librairie préférée pour réserver ce one-shot le jour même de sa sortie. Malheureusement, après quelques dizaines de pages, la déception a vite pointé son nez.

La Crécerelle, fille du Sud, est autant connue que redoutée. Et qui ferait appel à ses services d'assassins s'exposerait aussi à d'immenses risques. Pourtant, elle ne tue par plaisir mais par obligation car en échange d'une faveur, elle a liée sa vie à une entité qui la dépasse, exigeant toujours et encore plus de sang. Lorsqu'elle se rend dans la cité de Shaz-Narim, elle espère trouver là, dans les tréfonds de la bibliothèque, une réponse à sa libération. Et si son affranchissement provoquait l'ire de son maître?

Cela fait une bonne semaine que j'ai terminé ce roman mais j'ai un peu attendu avant de mettre des mots sur mon ressenti. Surprenant? Oui, c'est certain, ce roman l'est! Dérangeant? Également! Perturbant? Probablement! C’est d’ailleurs la chronique d’Alfaric qui a fait « tilt » dans mon esprit et je n’arrivais pas à mettre un nom sur le malaise que je ressentais durant ma lecture : en fait, l’univers s’inspire très largement de Moorcock et de son cycle Elric que je n’avais pas du tout aimé. De plus, ses quelques longueurs avec des discours philosophiques un peu obscurs et quelques passages surréalistes m'auront tout autant gêné (vous savez à quel point je n'aime pas le surréalisme). Et je me suis demandée à plusieurs occcasions où l'auteur voulait en venir.

Quant à l'héroïne, difficile d'avoir de l'empathie pour elle tant elle semble dénuée de sentiments lorsqu'elle commet ses meurtres. Froide et déterminée, c'est ainsi qu'elle apparaît de prime abord au début du roman. Puis, elle évolue et commence à attirer la sympathie du lecteur quand il découvre sa terrible histoire et la raison pour laquelle elle s'est enchaînée à l'entité de l'Outre-Monde. J'ai également beaucoup aimé le personnage de la Tétragyne qui se fera appeler par la suite Mémoire. Certes, le fait qu'elle soit bibliothécaire n'est pas anodin mais ce sont surtout son rôle de Conscience auprès de la Crécerelle et sa ténacité qui auront définitivement acquis mon respect.

En conclusion, La crécerelle est un roman déroutant : s'il possède un style d'écriture agréable et maîtrisé et des (anti-)héroïnes fortes, d'autres aspects m'ont incommodé. Je citerais ainsi la violence qui émerge de certaines scènes, le côté surréaliste et certaines longueurs dans le récit. Si je n'ai pas vraiment adhéré à ce roman, je pense en revanche, qu'il n'aura aucun mal à trouver son public.
Lien : https://labibliothequedaelin..
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La Crécerelle est un roman de fantasy quelque eu déroutant. Parfois j'étais plongée dans sa lecture, parfois le livre me tombait des mains. Par conséquent, je ne sais réellement qu'en penser… Je ne peux pas dire cependant que je n'ai pas aimé.
L'histoire, lorsque j'ai lu la présentation faite pas Babelio, a tout de suite retenue mon attention. La Crécerelle est une femme violente, la mort incarnée. Elle sème terreur et horreur sur son passage dans les contrées de son monde. Elle est possédée par les forces supérieures du mal lui donnant pour mission de semer la mort. Une entité maléfique qui l'entraîne dans une folie meurtrière et qui déclenchera des catastrophes qui s'enchaîneront, en effet papillon. Mais une rencontre changera sa destinée. Elle s'appelle Mémoire et « délivre » la Crécerelle de son sombre univers.

Après, il me semble que l'histoire n'est guère importante, elle ne porte pas le roman mais il s'agit plutôt de la force et la puissance psychologique des personnages principaux. Et notamment une anti héroïne par excellence : cruelle, sans concession mais emprisonné dans sa propre mission de tueuse en série. Malgré cela, je n'ai ressenti aucune empathie face à ce personnage dur et froid jusqu'à l'arrivée de Mémoire. La destinée de ces deux femmes devient alors le point central du livre. Des femmes qui doivent faire face à un monde sombre en proie aux ténèbres.
Ce qui est également marquant dans ce roman, c'est la description des paysages différents. Patrick Moran arrive parfaitement à nous faire plonger dans son univers « Dark fantasy » avec une tueuse née qui n'est pas non plus sans rappeler l'univers vampirique dans tout ce qu'il a de plus cruel. Pouvoirs magiques, mondes de ténèbres, peuples terrifiants et terrifiés permettent multiples rebondissements. L'auteur surprend parfois, il ne tombe pas dans les clichés du genre, il crée son propre monde.
La Crécerelle est le premier roman de Patrick Moran dans lequel on ressent tout son parcours universitaire sur la littérature médiévale. L'écriture est particulière, très travaillée il me semble, trop peut-être parfois. J'ai ressenti aussi l'influence de l'univers de Lovecraft tout au long de ma lecture. de plus, l'auteur est arrivé à rendre cette quête pour la liberté puissante grâce à son personnage dense et complexe d'anti héroïne.

Un grand bravo aux éditions Mnémos pour la couverture art déco sublime. C'est une véritable réussite, elle est parfaite et attire de suite l'oeil du lecteur.
Une grand merci à Babelio et à Mnémos pour cet ouvrage de qualité même s'il ne fait pas partie de mes coups de coeur, peut-être trop sombre à mon goût et ne correspondant pas à mon humeur du moment.
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critiques presse (1)
Elbakin.net
26 mars 2018
Comme toujours, il faut faire attention avec certains termes employés par les éditeurs, ici “pépite”, qui jouent fatalement sur nos attentes, alors que l’on a mine de rien affaire à un roman sympathique !
Lire la critique sur le site : Elbakin.net
Citations et extraits (20) Voir plus Ajouter une citation
- Ce que je vends est presque aussi léger que l'air, aussi fascinant que le soleil et aussi discret que le souffle d'une jeune fille.
- Vous vendez des idées ? Des projets ? Des promesses ? demande-t-elle. Vous êtes poète, ou politicien ?
Le rire du marchand ressemble à un cri de douleur, brusquement interrompu.
- Pas du tout, dit-il. Je vends des pierres précieuses.
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De manière persistante, au fil des siècles, revient l'hypothèse selon laquelle la réalité ne serait rien d'autre qu'une construction mathématique. L'idée est rarement populaire, et quand elle est énoncée, on l'oublie le plus souvent, et elle va fermenter dans des livres peu lus sans jamais être reprise. Puis, quelques décennies ou siècles plus tard, quelqu'un d’autre va la formuler, dans un contexte différent, avec des caractéristiques qui n'ont pas grand rapport avec la fois précédente ; mais l'hypothèse se perpétue, et continue à infecter les esprit par intermittence.
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L’autre facteur de variété est la quatrième épouse du Publicain, la Tétragyne, qui a la garde la bibliothèque. Le Publicain a cinq épouses et trois époux, et si les époux sont surtout là pour son plaisir personnel – ils ont tous entre quinze et trente ans –, ses épouses remplissent des rôles-clés dans la bonne tenue de son administration. Plus jeune que ses quatre commères, bien qu’arrivée l’avant-dernière, la Tétragyne est chargée d’une tâche moins ostentatoire, mais la tenue de la bibliothèque reste aux yeux du Publicain une responsabilité de premier plan. Pendant que la Protogyne s’occupe des comptes de la maison publique, que la Deutérogyne gère l’infrastructure de la cité, que la Tritogyne fait des bonnes œuvres dans le faubourg et que la Pentagyne s’occupe des relations diplomatiques avec les cités voisines, la cadette classe et reclasse les codex, s’assure que les rouleaux sont bien étiquetés et tente de circonscrire les risques d’incendie. L’humidité des caves n’est pas idéale pour la conservation des ouvrages, mais au moins elle garantit qu’ils ne brûlent pas comme du bois sec.
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Il a la mâchoire carrée commune aux éternels subordonnés qui passent d'une humiliation à la suivante sans broncher, et aux chefs-nés qui infligent lesdites humiliations dans l'idée que c'est ce qui forge le caractère.
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Nous sommes les victimes de crimes que nous avons commis plus tôt, et les bourreaux actuels de ce que nous serons demain. L'humanité se mange elle-même, et la recette de ce festin est la séparation. La roue éternelle est un serpent qui s'ingère lui-même. C'est notre mythe de l'individualité qui nous permet d'occulter ces vérités.
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Patrick Moran - La crécerelle
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