Pourquoi toujours se complaire dans de vieilles lectures puisque aujourd'hui l'on semble si bien installé à l'ombre d'un code barre ?
"1900" est un livre de Paul Morand.
Il a été écrit en 1930 et réédité, revu, augmenté et précédé d'une nouvelle préface en 1942.
Lorsqu'il s'avère qu'elle laisse échapper quelques relents de soufre, la personnalité d'un auteur engage-t-elle forcément la valeur de son livre ?
Si j'osais, je me poserais bien parfois une question ou deux.
Mais que Dieu me savonne, et qu'Octave Mirbeau me pardonne, l'homme de droite, lorsqu'il possède une belle plume, a parfois des choses à dire, ou à écrire ...
"1900" n'est pas un livre d'Histoire.
C'est le témoignage vif et vivant d'un siècle qui finit, et d'un autre qui commence.
On a dit que le XIXème siècle finissait en 1914.
Paul Morand n'est pas de cet avis et c'est le propos de son ouvrage.
Il s'agit de comprendre l'époque, d'en saisir la complexité.
Pour lui, "1900" voudrait passer pour dangereux.
Alors qu'il enrage d'être bourgeois" !
Au nom de l'ordre public, en 1871, la bourgeoisie a asséné au prolétariat un coup qui lui a assuré pour longtemps la sécurité.
Pourtant les "gauches" entreprennent la lutte contre "le sabre et le goupillon", et les nationalistes demandent la suppression du Parlement.
"1900", c'est la patrie en danger, la république en péril, mais c'est aussi l'exposition universelle avec ses 50 entrées et sa porte monumentale ...
C'est les premières courses automobiles, l'arrivée de l'électricité et du téléphone ...
C'est le duel aussi, événement parisien nullement secret dont le "Gil Blas", sous le titre "Échanges de gifles", donne, dès le lendemain, un compte-rendu succin mais circonstancié !
C'est la littérature, la musique, et n'en serait-il pour preuve que "La Petite Illustration", le Théâtre ...
Les descriptions s'enchaînent sans jamais amener l'ennui.
Le ton est vif.
Le propos est vrai, authentique mais n'a ni tact, ni timidité.
Il se replace dans une chaude actualité où se déchaînent encore toutes les passions.
Et il plane au dessus de lui comme une aigreur indéfinissable, comme le regret que ce début de siècle ait finalement amené la guerre.
Je suis entré avec méfiance dans ce livre.
J'en suis sorti avec le regret que déjà il soit fini ...
Commenter  J’apprécie         411
Quel écrivain délicieux dans l'évocation des multiples facettes de la société de 1900, de ses modes et des hommes et femmes qui donnaient le la. On y découvre aussi l'exposition universelle à travers les souvenirs de l'auteur qui à l'époque avait 12 ans. le chapitre consacré aux débuts de l'automobile est particulièrement amusant.
Ce livre est aussi celui d'un moraliste qui porte un jugement sévère sur cette époque.
Commenter  J’apprécie         00
Le français, à la fois guerrier et antimilitariste, est souvent religieux et anticlérical ; c'est de tradition ; tradition royale au XVIIème siècle, littéraire au XVIIIème siècle et politique au XIXème ...
« Notre littérature est donc, au moment de l’Exposition, l’image de la France elle-même : divisée par la politique intérieure, et visitée par le monde entier, qui y converse en toutes les langues. Les nations fabriquent de l’or brut et l’apportent pour être frappé à notre Monnaie. Les idées qui circulent alors, la France ne leur a pas donné naissance ; mais, à son habitude, elle les a classées, réparties, rendues portatives et redistribuées. La France « explique le coup » plutôt qu’elle ne le porte (ou bien elle ne le porte qu’indirectement, par sa façon pénétrante, aiguë, d’exposer les pensées des autres). Ainsi entre-t-elle, à sa façon, plusieurs fois par siècle en conversation avec l’univers ».
Été 1900. Fête normande. Costumes anciens du pays de Caux.
On inaugure à Rouen la statue de Maupassant.
La diaphane Mlle Moreno dit des vers.
Le rameur musclé de La Grenouillère qui descendit seul, à l'aviron, la Seine de Paris à Rouen, le chasseur de bécasses, le beau buveur des manoirs cauchois, Maupassant, est maintenant figé pour l'éternité au centre du square Solférino.
Il y a si peu de temps encore, il attendait en voiture, à la gare de Rouen, Daudet, Zola, les Goncourt pour les emmener déjeuner chez Flaubert à Croisset ... Peu d'années ont suffi les voilà sous terre.
Ils sont encore plus grands couchés que debout.
Reste Zola ; dans dix-huit mois ce sera son tour ...
L'enquête sur le socialisme, menée par Huret à la fin du XIXème siècle, concluait ainsi :
"Le pape est socialiste, Guillaume II est socialiste, Maurice Barrès est socialiste, M. de Bleichroeder est socialiste.
Nini-patte-en-l'air est socialiste.
Plus on a de rentes, plus on ne fait rien, plus on joue au poker, plus on five-O'clocke, plus on s'habille chez Redfern, plus on se coiffe chez Lenthéric, plus on est socialiste ...
1900 est un fils à papa, fier de ses idées avancées ...
Retrouvez les derniers épisodes de la cinquième saison de la P'tite Librairie sur la plateforme france.tv :
https://www.france.tv/france-5/la-p-tite-librairie/
N'oubliez pas de vous abonner et d'activer les notifications pour ne rater aucune des vidéos de la P'tite Librairie.
Savez-vous quel livre est le meilleur guide si vous voulez visiter New York ? Et même si vous ne partez pas en voyage, il vous transportera jusque là-bas ?
« New York » de Paul Morand, c'est à lire en poche chez GF.