Fermé la nuit est le pendant masculin d'
Ouvert la nuit (six nouvelles sur six personnages de femme) avec quatre nouvelles qui toutes, nous restitue l'ambiance des années 20 dans divers lieux. Dans toutes
Paul Morand s'est plus ou moins inspiré de personnages bien réels, ce qui fait que ces nouvelles ont une forte coloration d'époque.
La nuit de Portofino Kulm, la plus longue des nouvelles, centrée sur le personnage d'O'Patah, irlandais excentrique, se déroule en fait en quatre lieux, d'abord
New York, puis Dublin et Venise, pour finir à Portofino. A travers le opinions d'O'Patah sur le patriotisme l'auteur exprime ses propres opinions, ses convictions pacifistes.
La nuit de Charlottenburg rend apparemment très bien l'atmosphère du Berlin des années 20 tout en ayant une petite tendance à coller au stéréotype perçu en France à l'époque : influence orientale, slave, communiste, romantisme, courants influencés par l'orient (psychanalyse et expressionnisme sont perçus comme d'origine juive ou russe). C'est un peu caricatural (mais il dénonce aussi l'hypocrisie des Français), tout en étant assez proche de récits de voyageurs de l'époque (ambiance des cafés, cabarets et casinos).
La nuit de Babylone est une scène de la vie politique, inspirée de la démission réelle d'un politique suite à un scandale. Elle met en scène la nouvelle génération d'hommes politiques de l'époque, jeunes et auxquels l'expérience de la guerre rend insupportables les lenteurs politiques parlementaires.
La nuit de
Putney est centrée sur Habib, fils d'un berger libanais, devenu la coqueluche de toutes les femmes de la bonne société londonienne. Ce personnage de charlatan,
Paul Morand l'admire pour sa réussite, sa façon de saisir sa chance, et le méprise à la fois, pour sa vulgarité et sa vantardise. Dans ce texte on voit percer des changements sociétaux, sur la vague de la peur du vieillissement et de la mort.
Le style de
Morand est remarquable avec des descriptions jamais ennuyeuses, pleines de détails précis, d'images étonnantes, et avec des phrases au rythme calculé. La lecture est un régal et c'est une belle plongée dans ces années-là.