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Critique de pleasantf


Ce court roman très ambigu s'avère assez complexe et pour cette raison propice aux commentaires.

Il est construit comme un récit de souvenir. Dans le prologue, Spitzgartner, le narrateur, dont le nom n'est dévoilé qu'une fois aux 9/10e du récit, annonce qu'il revient dans la ville africaine (plusieurs indices disséminés dans le livre laissent penser qu'il s'agit de Tanger) où 30 ans auparavant il a laissé sa jeunesse et a souffert les pires années de sa vie. le roman est le récit des évènements vécus à cette époque. Soit dit en passant, il est intéressant de retrouver dans ce court prologue le penchant de Morand pour les symboles de la modernité : la vitesse , l'avion, les gratte-ciels, l'asphalte.

Le narrateur rencontre Clotilde, femme dont le mari est absent et qui devient sa maîtresse. Alors que le couple s'enfonce dans une passion sexuelle fort agréable quoiqu' envahissante, le narrateur est intrigué par les secrets qui entourent Clotilde. Elle exprime de curieux murmures pendant son sommeil et semble trouver un plaisir plus intense devant des images d'enfants que dans les bras de Spitzgartner. le goût de Clotilde pour les enfants finit par s'exprimer ouvertement et exerce une véritable fascination sur son amant. Par désir de lui plaire, il emprunte le chemin de la pédophilie mais quitte précipitamment le pays et sa maîtresse à la demande des autorités. le narrateur poursuit sa carrière en Asie et il y rencontre par hasard un colonel qui s'avère être le mari de Clotilde. le livre se finit par un dernier souvenir, celui d'une réception mondaine à New York où ont lieu de glaciales retrouvailles avec Clotilde.

Dès la première description de Clotilde s'annoncent l'ambigüité et le mystère qui entourent le personnage : cette femme est à la fois laide et belle. Qui est-elle vraiment ? Morand livre deux clés de compréhension de son récit : l'épigraphe liminaire tiré du Faust 2 de Goethe (‘simple j'ai troublé le monde, double bien davantage') et évidemment le titre du roman qui invité à se pencher sur la déesse Hécate. Celle-ci est elle-même une déesse ambigüe : dans les temps anciens, une déesse aux larges pouvoirs mais plutôt bienfaisante, qui a laissé peu à peu la place à une représentation plus sombre, plus lunaire, d‘une déesse des ténèbres, accompagnée de chiens affamés, dont il fallait se méfier. Je pense que l'Hécate à laquelle il faut penser est celle du Macbeth de Shakespeare, pièce sur le Mal, à laquelle fait écho le mythe de Faust, qui vend son âme au diable. Clotilde est une Hécate qui est source de désordre et d'illusion pour ceux qui la rencontrent, une étincelle qui au bout d'une mèche lente va déclencher le vice et des forces obscures qui perturbent la paix intérieure. Peu importe qu'elle soit elle-même auteur des actes dont la soupçonne son amant.

Le court dialogue entre Spitzgartner et le mari de Clotilde à la fin du livre illustre cette lecture que je fais du roman. le mari vit en Extrême-Orient dans une sorte d'exil dont il attend le terme. Cet exil est pour lui le prix à payer pour ses mauvaises actions, ses ‘souillures du corps et de l'âme'. Sorti de l'illusion, le seul chemin qui s'offre à lui est celui de la Connaissance.
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