C'est un pavé, c'est une somme, c'est le roman-fresque qui a fait la réputation de la grande écrivaine
Elsa Morante auprès des générations suivantes.
Mais
La Storia, c'est bien plus que ça…
Le parti pris de baser chaque section sur la grande histoire de la deuxième guerre mondiale avant de revenir au récit m'a tout d'abord étonnée, éloignée de celui-ci. Et puis, ces vies modestes et ordinaires, celle d'Iduzza et de ses fils, pris dans la tourmente du régime fasciste et de l'occupation allemande, puis de la libération, très vite, prennent le dessus.
La généalogie de cette institutrice à moitié juive, son effacement, donnent un départ sombre à cette Storia, d'autant que celle-ci concorde avec la conception violente et honteuse de son cadet, Useppe. Ce petit enfant d'abord dissimulé pour échapper aux SS autant qu'aux jugements du voisinage, va pourtant se révéler comme un rayon de soleil pour tous ceux qui l'entourent, depuis son aîné Nino jusqu'à la famille des Mille qui partagent leur cachette, en passant par le sombre Carlo Vivaldi ou la maigre Carulina.
Elsa Morante donne à voir la terrible réalité du quotidien des petites gens confrontées à une grande Storia qui les broie sans vergogne, et à la fois la beauté de la vie simple et des sentiments familiaux et amicaux. Elle n'évite parfois pas des raccourcis qui m'ont choquée, comme de relier la laideur avec un destin de prostituée, sans doute typiques de son époque.
Elsa Morante a dressé une épopée picaresque où les enfants, parfois projetés dans la vie adulte sans en avoir la maturité, comme Carulina ou Nino, tiennent debout un monde qui s'écroule, avec le soutien et l'affection des animaux, merveilleux Blitz, Rossella et Bella, qui ne regardent pas les faiblesses et tromperies de leurs maîtres, mais gardent un optimisme et une fidélité à toute épreuve, jusqu'au bout.
J'aurais aimé pouvoir fractionner ma lecture comme je l'ai fait avec les trois tomes des Misérables. Aussi y ai-je trouvé des longueurs, qui ne m'ont pas empêchée d'être très remuée par cette famille et leur entourage, particulièrement par le petit Useppe. Tout en reliant en permanence les soubresauts de
la Storia mondiale avec ces destins minuscules et attachants.