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Claude Poncet (Traducteur)
EAN : 9782070361847
192 pages
Gallimard (16/11/1972)
3.71/5   158 notes
Résumé :
Je pouvais maintenant la voir grimper la pente du coteau, vers l'aire sur laquelle surgissait la masse arrondie des meules. Elle s'agrippait aux buissons, penchée en avant, glissant et trébuchant, et dans son visage tendu et avide, aux yeux dilatés, dans les gestes de son corps, je reconnus de nouveau sa ressemblance avec une chèvre qui grimpe pour brouter. Et puis, comme elle arrivait en haut de la montée, une silhouette d'homme sortit de l'ombre, se pencha, la pri... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (21) Voir plus Ajouter une critique
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Roman d'amour et de création littéraire, les deux étroitement mêlés, L'amour conjugal porte une réflexion sur la beauté, le sentiment amoureux, Alberto Moravia glissant, avec son écriture raffinée, indolente et précise dans le détail, de nombreux faux-semblants dans l'histoire d'une tranche de vie d'un couple, Silvio et Léda.

Lui tente d'écrire un roman où il mettrait en place une histoire d'amour modélisée sur la leur, elle, l'encourage en le privant notamment de rapports sexuels durant son travail d'écriture afin qu'il puisse s'adonner tout entier à sa création.

Moravia prend tout son temps pour installer ses personnages, avec des descriptions détaillées de la beauté de Léda, mais aussi de ses imperfections dans ses mimiques, il situe l'histoire dans la chaleur estivale de la Toscane où le couple erre, le soir, le long d'improbables sentiers qui les conduisent chacun dans des directions opposées, elle, vers celle d'un adultère inéluctable, lui, vers le renforcement de son égoïsme et l'apparition inopinée de la jalousie.

C'est à Silvio que Moravia confie la narration de cet épisode de la vie de ce couple, c'est donc Silvio qui exprime ses propres sentiments, qu'il s'agisse des imperfections de son histoire d'amour ou de l'échec dans l'écriture de son roman. Ainsi, c'est toujours le point de vue de l'homme qui est développé, pour celui de la femme, Silvio doit se contenter de suppositions, d'extrapolations qui le conduisent vers un délire dans le sauvetage de son couple.

Au coeur de ce huis clos conjugal, s'insère un troisième personnage, celui qui sera l'amant d'une nuit, peut-être de plusieurs, Moravia opposant sans les développer trop cette fois, la répugnance du barbier et le besoin sexuel de Léda.

Le dialogue final, au dernier chapitre, entre Léda et Silvio, est très puissant, un vrai dialogue de faux sourds, où le livre raté, comme, semble-t-il, leur amour, devient une planche d'un salut hypothétique de celui-ci.
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Sylvio veut écrire un roman, un roman sur l’amour conjugal. Pour réaliser son projet, il s’installe en Toscane avec Léda, son épouse aimée. Mais le soutien de celle-ci ne suffit pas à nourrir son inspiration. Sûr de l’amour de sa femme, il imagine alors l’abstinence charnelle comme pendant de sa puissance créative et lui propose de faire chambre à part. Mais Silvio pense Léda soumise et éthérée là où elle est impétueuse et animale. Une erreur de jugement qui va lui faire connaitre les affres de la jalousie, d’objet utile à son épanouissement elle deviendra sujet agissant pour elle et par conséquent contre lui.

L’amour conjugal ou l’attachement indéfectible, concept bourgeois raillé divinement par un Moravia ironique et malicieux.

Lien : http://livreapreslivre.blogs..
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Ce court roman, au style élégant, est plein de faux-semblants.
Un narrateur, Silvio, y raconte à la première personne un épisode de sa vie conjugale : sa tentative d'écrire un roman, intitulé "L'amour conjugal". Avec une jubilation sadique, Alberto Moravia va critiquer ce roman avorté en lui adressant les critiques mêmes que son oeuvre pourrait parfois recevoir.
Roman sur la création littéraire, "L'amour conjugal" est avant tout un roman sur l'amour, le couple, la trahison, la vérité.

Silvio est confit dans ses convictions. Sa philosophie de l'amour est celle d'une bourgeoisie que Moravia, sa vie durant, n'aura cessé de railler et de combattre. Silvio s'imagine que l'amour est acquis pour toujours, protégé de l'atteinte du temps par la sacralité de l'union conjugale. Comme dans l'amour courtois, cet amour là est séparé de la sexualité : Silvio décide, d'un commun accord avec Léda, de rester chaste le temps que durera la rédaction de son livre. Il découvrira à ses dépens que la sexualité ne se laisse pas si facilement réprimer : sa femme, si belle, si distinguée, est irrépressiblement attirée par Antonio, le barbier, un coureur de jupons, veule et laid.

Alberto Moravia est né en 1907. Il épousa Elsa Morante (née en 1912), la quitta en 1962 - mais n'en divorça jamais - pour vivre avec Dacia Maraini (née en 1937) puis avec Carmen Llera (née en 1953).
Dans ses romans, les hommes sont des benêts et les femmes des idiotes lascives dominées par leurs instincts.
Pas sûr qu'un tel personnage s'attire les louanges des associations féministes.
Il n'en reste pas moins un diablement bon écrivain !
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Dans ce court roman, Alberto Moravia va parler d'amour bien sûr, mais aussi de désir et de création littéraire : l'amour, le désir, éros et l'inspiration de l'artiste, du créateur.

Silvio est le ‘créateur', ou du moins se voudrait créateur, écrivain. Au début du roman c'est un homme riche, oisif, mondain, critique littéraire à ses heures qui a épousé Léda, une femme très belle qu'il se plaît à nous décrire minutieusement, jusqu'à nous révéler sa laideur lorsqu'elle grimace d'une certaine façon. Est-ce annonciateur d'une des facettes de la personnalité de Léda, c'est la question que le lecteur se pose en début de roman.

Silvio se met en tête d'écrire lui-même un roman, de créer, et pour ce faire, se retire dans une villa en Toscane avec Léda qui l'encourage dans ses vélléités d'écrivain. Silvio décide d'écrire un roman sur l'amour conjugal, belle mise en abyme ! Cependant après quelques semaines il pense que son inspiration, son énergie créatrice est amoindrie, sinon tarie par une vie sexuelle nocturne intense. Ce qui est pour le moins étrange car d'ordinaire la création est souvent alliée à éros, les muses sont plutôt la force d'inspiration des artistes. Il est encouragé par Léda qui voudrait que l'écrivain qui est en lui se révèle, elle accepte donc de pratiquer l'abstinence le temps de la rédaction de son roman. Tout se déroule à merveille et Silvio semble avoir trouvé un rythme et un nouveau souffle littéraire jusqu'à ce que Léda se plaigne des avances sexuelles à peine voilées du barbier qui vient raser Silvio quotidiennement.

C'est un récit introspectif sur la création, l'inspiration, le jugement que l'on porte sur son oeuvre. Une belle mise en abyme d'un écrivain qui écrit sur un écrivain qui écrit une oeuvre sur l'amour conjugal. Toutefois si l'amour et la création sont au centre du roman, l'infidélité et le pardon font aussi partie de l'Amour Conjugal dans ce récit un peu triste où les illusions de Silvio sur la valeur de son oeuvre tombent en même temps que celles sur la perfection de son mariage.
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Alors que l'automne tire ses dernières cartouches avant que l'hiver ne nous achève, partons faire un tour du côté de la Toscane, en 1949, date à laquelle Alberto Moravia publie “L'amour conjugal”, dissection en parallèle du couple et de la création littéraire. Silvio, le narrateur, a épousé Léda et nourrit de sérieuses ambitions littéraires : simple critique, il se rêve auteur. Silvio se persuadant que la création doit s'affranchir de son attachement physique à Léda, un pacte sera donc noué : bien que retirés tous deux dans une grande bâtisse de Toscane, Silvio et Léda feront chambre à part le temps que le premier finisse son oeuvre. Laquelle semble avancer à grand pas. Soudainement, Léda s'en prend à Silvio : son barbier, Antonio, aurait profité d'une coupe de cheveux pour tenter d'abuser d'elle. La suite… lors de votre lecture, bien entendu..

L'Amour Conjugal” ou l'histoire d'un couple imparfait : une passion qui cède parfois la place à une “bonne volonté” blessant l'ego ; deux personnages friables, faillibles, malgré l'apparente force liée à leur position sociale ou à la dureté potentielle de leur regard. Une rencontre et une destinée tracés pour l'un, une intermittence des comportements pour l'autre ; une sincérité jamais (ou presque) démentie pour les deux. On ne peut dire, et c'est une des forces du roman, que le casting de départ était idyllique ; on ne peut dire pour autant, et c'est également une force, que le ver était, dès l'origine, dans le fruit. Non plus. Tant mieux.

L'oeuvre se construit, peu à peu, entre littérature et sentiments, entre aveuglement et révélation, comme si finalement, l'amour conjugal, radeau frêle ou salvateur ballotté par les contextes, était une question de perception. Tordant avec bonheur le cou aux figures imposées de l'amour-passion ou de l'amour-soutien, Moravia met le doigt (et l'enfonce) sur un amour égoïste tributaire de l'amour-propre de chacune de ses parties. Tordant le cou à une bourgeoisie sûre d'elle-même (Silvio serait-il une relique d'une bourgeoisie comtienne de l'avant 1914 aux prétentions artistiques ?) et incapable, même dans l'intimité de la vie conjugale, d'accepter que cette dernière soit bel et bien un organisme vivant et non une nature morte.

Pour autant, on ne saurait tresser des lauriers à l'auteur sans critiquer une certaine complaisance envers sa propre intelligence. Délaissant de manière coupable sa dramaturgie en plein milieu du roman, il le laisse faire du surplace et néglige d'incarner les atermoiements de son personnage principal dans des actes. Il préfère alors se réfugier dans un registre didactique au risque de la répétition : ces chapitres parfois brillants, parfois patauds semblent ne contenter qu'un auteur soucieux de bien faire comprendre son propos, quitte à le désenchanter et/ou ôter une partie du plaisir de la lecture. Alors oui, on peut également (une fois la lecture achevée) voir dans ces incartades le reflet de l'enfermement de Silvio dans son rôle du “Silvio qui peut (et veut) tout comprendre et rationaliser”. Mais il n'empêche que cela nuit à la fluidité de l'oeuvre ; du moins est-ce l'avis de l'humble auteur de cette chronique.

Ce n'est qu'après le deuxième tiers que le récit retrouve de son allant et que les qualités de conteur de Moravia s'épanchent à nouveau dans un terrain d'expression qui leur est plus favorable. Reprenant les rênes de l'action, on y voit que l'ego littéraire déçu et déchu de Silvio se double de la déconstruction de l'image d'une Léda évanescente, ailleurs ; la déconstruction de la “Léda selon Silvio” pour enfin voir émerger Léda, la femme qui agit et qui n'est plus expliquée. Car c'est en réalité la montée en vitalité, en incarnation de Léda qui est l'élément majeur de l'oeuvre ; de simple objet littéraire dépeint comme une nature morte par son (wanna-be ?)auteur de mari (et l'auteur du roman), de sorte de muse aux humeurs changeantes, elle devient sujet d'action, être humain de chair, de boue et de sang. La mise en abyme devient défavorable au créateur que se veut Silvio alors qu'émerge la suprématie de l'humain, du vécu sur la machinerie rationnelle : Silvio serait-il une sorte de Jean de Florette qui aurait troqué ses théories sur les lapins pour celles sur les êtres, les hommes, les femmes et le couple ? Il reste donc beaucoup à apprendre.

C'est donc sur cette critique de la connaissance a priori que s'achève cette oeuvre, qui, sans être la meilleure de son auteur, constitue néanmoins une excellente introduction – à la fois courte, facile d'accès et élégante – à son univers ainsi qu'une critique solide d'une bourgeoisie compassée.

T.M.
Lien : http://madamedub.com/WordPre..
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Citations et extraits (46) Voir plus Ajouter une citation
Je pouvais maintenant la voir grimper la pente du coteau, vers l’aire sur laquelle surgissait la masse arrondie des meules. Elle s’agrippait aux buissons, penchée en avant, glissant et trébuchant, et dans son visage tendu et avide, aux yeux dilatés, dans les gestes de son corps, je reconnus de nouveau sa ressemblance avec une chèvre qui grimpe pour brouter. Et puis, comme elle arrivait en haut de la montée, une silhouette d’homme sortit de l’ombre, se pencha, la prit par le bras et la tira presque de tout son poids... Cette fois je compris tout.
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"Dans cette vaste chambre obscure, les fenêtres grandes ouvertes sur la nuit agreste au silence profond, rarement interrompu par quelque cri d'oiseau, notre amour s'embrasait tout de suite et flambait longtemps, muet, clair, vif comme la flamme de ces vieilles lampes à huile qui illuminaient autrefois ces pièces ténébreuses."
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Je sentais que j'aimais ma femme chaque jour davantage, mon sentiment s'alimentant et se renforçant chaque soir de celui du soir précédent; et elle, de son côté, ne semblait jamais épuiser le trésor de sa tendre et sensuelle complaisance. Ce sont ces nuits qui pour la première et peut-être la dernière fois de ma vie me firent pénétrer le sens de ce que peut être une passion conjugale : ce mélange de dévotion ardente et de légitime luxure, de possession exclusive et sans limite et de joie confiante née de cette possession même. Pour la première fois, j'éprouvai le sentiment d'être le maître, sentiment que les hommes appliquent parfois indiscrètement aux rapports conjugaux, disant "me femme", comme ils disent "ma maison", "mon chien", "mon automobile".
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Il faut tout d’abord que je parle de ma femme. Aimer, cela veut dire, entre bien d’autres choses, trouver du charme à regarder et à considérer la personne aimée. Et trouver du charme non seulement à la contemplation de sa beauté mais encore de ses défauts, qu’ils soient rares ou non. Dès les premiers jours de mon mariage, j’éprouvai un inexprimable plaisir à regarder Léda (c’est ainsi qu’elle se nomme)...
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Cet air singulier, cette beauté insaisissable qui, tel un reflet de soleil sur un mur, ou l'ombre d'un nuage au-dessus de la mer, pouvait à chaque instant s'effacer, lui venait sans doute de ses cheveux d'un blond métallique, toujours un peu défaits, dont les longues mèches évoquaient l'envol de la peur, la fuite, envol aussi de ses yeux bleus, immenses, légèrement obliques, avec leur pupille dilatée dont le regard humble et flottant suggérait, comme la chevelure, un état d'âme craintif et fuyant.
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Vidéo de Alberto Moravia
15 mai 2023 Rencontre avec l'écrivain italien Alberto Moravia (1907-1990), auteur entre autres du roman «Le Mépris». Il est question des notions de curiosité et d'ennui dans sa vie; des débuts de sa carrière d'écrivain romancier; de la place à la morale et les valeurs sur lesquelles il se base pour réaliser son œuvre littéraire; de sa conviction athéiste; de son engagement dans la cause nucléaire dans le monde, etc. Source : Rencontres, 29 janvier 1985 Animatrice : Denise Bombardier
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