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Critique de thedoc


Rudi et Dallas sont jeunes, sont beaux et ils s'aiment. Ils travaillent tous les deux, comme beaucoup d'autres dans leur petite ville, dans une usine, la « Kos ». La « Kos », c'est un surnom pour la Plastikos. On y tient à cette usine dans la région, c'est le gagne-pain de nombreuses familles. On s'y accroche tellement d'ailleurs qu'un soir de St Sylvestre, les ouvriers n'hésitent pas à risquer leurs vies pour sauver d'une inondation tout le matériel. Ouf, la production peut continuer…
Mais le sort s'acharne sur la Kos lorsque deux ans plus tard, le couperet tombe. La fermeture de l'usine est annoncée. Un obscur groupe financier – allemand d'abord, puis nord-américain - a décidé de se débarrasser de la Kos après en avoir récupéré les actifs. Rudy, Dallas et tous les salariés de l'usine décident de se battre contre cette fermeture. Pour sauver leur emploi, pour sauver leurs conditions de vie, pour sauver leur existence.

Gérard Mordillat nous offre ici un roman social, populaire et terriblement actuel. Pas de tableau manichéen, juste des hommes et des femmes, les « vivants », qui se battent pour leur dignité. Plutôt que de s'appesantir sur les « gros patrons », l'auteur préfère suivre pas à pas ces héros ordinaires (sans en faire des saints) qui subissent ce plan social comme une bombe dans leur vie personnelle. Car c'est effectivement le cas. Avec Rudy et Dallas, on voit combien le travail est intimement lié à leur destin personnel, combien le travail façonne leur vie. On se bat pour lui et en même temps, on continue à s'aimer, à se déchirer, à espérer. le travail appartient à la vie de tous les jours. Alors quand on n'en a plus ?...
Derrière chaque fermeture d'usine, derrière chaque licenciement économique ou redressement judiciaire se trouvent des hommes et des femmes dont la vie se trouve bouleversée, voire parfois anéantie, lorsqu'on leur retire leur emploi. Or, pour ces lointains actionnaires qui signent des papiers, manipulent des sommes d'argent colossales et qui prennent des décisions en suivant le cours de la bourse, que représentent ces personnes ? Rien si ce n'est des pions, des poussières dans les rouages de la mondialisation. Une armée s'élève contre eux et pourtant, tout est déjà joué. Pour ces décideurs des hautes sphères, demain sera un jour de plus. Pour ces gens sans emploi, demain rimera avec inquiétude. Et c'est cela la violence implacable de notre société actuelle : le pouvoir cynique, anonyme et indifférent des détenteurs du capital et la totale vulnérabilité de ceux qui leur sont soumis.

Emouvant et passionnant, les « Vivants et les morts » nous plonge donc au plus près d'une réalité sociale qui ne cesse de s'aggraver. le style incisif, les nombreux dialogues et les courts chapitres font oublier les 650 pages. Loin de la litanie quotidienne des plans sociaux que les médiaux déversent mécaniquement chaque jour, le lecteur se retrouve aux côtés de ces salariés, au coeur de leur révolte et de leurs désillusions. La fiction rejoint ici le réel que l'on souhaiterait vraiment autrement.
Un roman à lire d'urgence pour ne plus voir avec des oeillères ce qui se passe dans notre « beau pays ».
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