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3,6

sur 672 notes
Cet ouvrage du XVIe siècle, à l'origine d'un nouveau genre littéraire, est composé de deux parties bien distinctes : le livre premier, qui est — en gros — une critique assez juste et assez justifiée du régime monarchique anglais et, partant, européen, puis d'un livre second, qui constitue la véritable innovation littéraire, en proposant, par le biais de la fiction, ce qui est, en réalité, un projet de réforme politique.

Thomas More était un érudit, humaniste, conseiller du roi, etc. et tous les autres titres ronflants que l'on peut ou veut y accoler, mais c'était aussi et surtout un juriste et un fervent pratiquant du christianisme catholique, qui a longuement hésité à entrer dans les ordres (la question du protestantisme ne se posait pas encore à son époque car il était contemporain de Luther).

Cette double influence — juriste et ferveur religieuse — transparaît à peu près partout dans L'Utopie, pour le meilleur et... pour le pire (notamment la longue et ennuyeuse partie religieuse à la fin du livre second). Sous couvert de prétendre être le récit d'un voyageur ayant vécu un certain temps sur cette lointaine île en forme de croissant de lune qu'est Utopie, Thomas More explicite ses propres aspirations sociales dans ce qui n'est, ni plus ni moins, qu'un manifeste politique.

Je le suis à 100 % lorsqu'il fustige la conduite vénale et malhonnête de l'état par les monarques en place (il avait personnellement côtoyé Henri VII et écrit son livre sous Henri VIII, qui le fera mettre à mort par la suite, mais pour des raisons autres, notamment matrimoniales). Globalement, si l'on les recontextualise, je suis à peu près d'accord avec lui sur les critiques, c'est-à-dire sur le livre premier.

En revanche, dès lors que Thomas More se met en peine de chercher des solutions, j'ai parfois le sentiment de lire le programme politique version ultra hard core d'un bon vieux dictateur à la Staline, d'une pétromonarchie ou d'une république bananière des plus féroces. Prenons un exemple. Voyons, voyons... deux adultères consécutifs ? Bing ! peine de mort, rien que ça ! (Et ce n'est qu'un exemple prélevé parmi beaucoup d'autres.)

En gros, ce qu'il nous propose, c'est une vie communautaire et monacale où tout, absolument tout, est réglementé, où la liberté n'existe plus, où l'on vit dans une sorte d'open space permanent, où toute déviance est sanctionnée d'exil, d'esclavage ou de peine de mort, où l'état ne s'interdit pas de faire de l'ingérence à l'étranger, et tout ça, à chaque fois « pour la bonne cause ».

Vous naissez, vous vous éduquez d'une certaine façon (décidée par une autorité supérieure), vous apprenez un métier, vous bossez sans créer de problème, vous vous mariez, vous procréez juste ce qu'il faut, vous êtes loyal(e) en tout, vous avez les loisirs autorisés, c'est-à-dire, juste la possibilité de lire sur votre temps libre, pour toute chose, vous vous en référez à ceux qui auront été désignés comme « sages » et, bien entendu, vous avez une pratique religieuse irréprochable.

Je ne sais pas pour vous, mais en ce qui me concerne, ce projet de société ne me fait pas plus saliver que ça, c'est même plutôt l'inverse. Au prétexte d'éradiquer le vice, on éradique à peu près tout ce qui fait le sel de la vie à mes yeux (tuez-les tous et Dieu reconnaîtra les siens), d'où mon appréciation assez mitigée (voire un peu en-dessous).

Bien entendu, d'un point de vue historique et des idées, c'est une lecture intéressante, mais, selon moi, cette utopie est déjà, en soi, une sorte de dystopie à la 1984, à laquelle, je ne me sens aucune volonté de souscrire, sauf quand elle dénonce les excès d'un système monarchique inique, tel qu'il pouvait l'être en Angleterre et en Europe au début du XVIe siècle. Nonobstant, gardez à l'esprit que cet avis — cette utopie — n'étant que mien, il ne signifie manifestement pas grand-chose.
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J'avais envie de lire cet essai depuis… la fabuleuse série Les Tudors ? Peut-être avant. J'ai lu une biographie de Thomas More depuis. Avouons-le : ma mémoire a effacé la plupart de ce que j'ai lu, snif !

Qu'est-ce que j'en ai pensé, au global ? Eh bien que cette Utopie ne correspond pas complètement à l'idée que je me fais d'une utopie.
Ma vision – qui est assez vague, soyons honnête – associe l'idée d'utopie à une sorte de bien absolu, ultime. Une limite inatteignable, dont on peut cependant espérer se rapprocher. Thomas More a carrément créé le concept. Cependant ce qu'il décrit, si cela possède de nombreuses caractéristiques qu'on pourrait donner à une société idéale, n'est pas exempt d'écueils. Je l'imagine en train de galérer pour apporter une maximum cohérence à son concept et enrager de ne pas pouvoir supprimer des « incohérences ». Mais on sait depuis Gödel que même les systèmes de logique mathématique contiennent nécessairement des « écueils ». Alors devait-on demander à l'auteur d'atteindre la « perfection » ?

A mon humble avis, l'effort mérite un A+ si on compare sa création aux sociétés de son temps, de tous les temps même. Thomas More n'est pas qualifié d'humaniste en vain. La société de l'île d'Utopie, découverte du côté du Nouveau Monde et décrite par le navigateur Raphaël Hythlodée, cherche à tendre vers une égalité optimale. Pour cela, il est nécessaire de renoncer à la propriété, à l'argent, à l'orgueil personnel. de nombreux éléments font penser au communisme. Les habitants ne sont pas présentés comme des Bisounours toujours heureux et aimant leur prochain. Ils ont des failles humaines mais dont l'éducation et la loi parvient à limiter la plupart des effets néfastes. Ces failles, d'ailleurs, paraissent bien faibles lorsqu'elles sont comparées à celles des hommes de ce début du XVIe siècle. L'attaque est violente contre les nobles accapareurs et esclavagistes, contre les prêtres oisifs, contre les courtisans mielleux et contre les orgueilleux de tout poil. More imagine que les Utopiens vivent selon des préceptes à la fois stoïciens, pour la raison qui les guide, et épicuriens (pour le plaisir et la volupté qui doit faire partie de l'existence. C'est très fort.

Mais c'est peut-être à cause de ce plat pays d'égalité que les aspérités m'ont sauté aux yeux comme si elles étaient des montagnes (et là j'imagine que chacun y verra les aspérités qu'il veut).
L'esclavage existe en Utopie, même s'il est réservé aux criminels. Tiens, le crime existe en Utopie. Il faut donc des lois qui restreignent un minimum. Donc la « liberté personnelle » en tant qu'absolu n'est pas au menu. Les guerres existent en Utopie, même si les Utopiens essaient d'y mettre le plus d'humanité possible et d'éviter les tueries. Certains passages montrent tout de même par moment une volonté de mise à mort sans appel. Les Utopiens sont colonialistes, même si les peuples qu'ils rencontrent se satisfont le plus souvent du système politique proposé (sinon : carnage).
L'adultère est puni très brutalement. L'athéisme est une horreur absolue. Les classes existent (les lettrés parmi lesquels on choisit les gouvernants. Cependant pour être choisi, il ne faut pas penser au pouvoir tous les matins en se rasant). L'esprit de compétition existe.
La femme n'est pas beaucoup plus libre qu'ailleurs, soumise à son mari. Les jeunes gens qui veulent se marier doivent se dénuder entièrement l'un devant l'autre car on ne saurait négliger le plaisir des sens. Et pourtant More dit ailleurs qu'un époux apprécie son épouse surtout pour son esprit.
Les Utopiens sont tolérants envers les religions. Mais dès qu'ils sont informés de la religion catholique, ils sont fascinés. Pouvait-on les imaginer différemment ? Thomas More est un homme de son temps. Certaines choses qu'on a remis en question ici et maintenant lui sont tout naturel.

J'ai apprécié qu'à la fin Thomas More, qui écoute patiemment les descriptions de Raphaël, dise qu'il ne peut consentir à tout ce qu'il a entendu, mais qu'il y a là une foule de choses qu'il aimerait voir établies en Occident. Cela résume ce que j'ai pensé du texte : une proposition d'amélioration de l'existant mais dont l'auteur lui-même n'est pas entièrement convaincu. More a conscience de l'aspect imparfait de sa construction. La perfection n'appartient qu'à Dieu, aurait-il probablement dit.
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Waouh ! La république dont je rêve !
En 1516, Thomas More, juriste, historien, philosophe, humaniste, théologien et homme politique anglais, publie ce petit livre, " L'Utopie" . le mot « utopie » est formé à partir du grec ou-topos, qui signifie en aucun lieu ou bien lieu du bonheur. More, dégoûté des parasites qui pullulent dans les royaumes ( princes, nobles, valets, moines, vagabonds, mendiants, voleurs, etc... ) imagine, à l'apogée des voyages outre atlantique, une rencontre avec un homme, Raphael, qui a échoué dans ce "nouveau" pays, Utopie, et qui en rapporte les moeurs...
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J'ai acheté ce livre à la suite d'une question à "Tout le monde veut prendre sa place".
C'est un ouvrage philosophico-politique dense, où chaque phrase compte. Mais quel bonheur ! Ca fait longtemps que je me demande pourquoi les sociétés vivent avec du "pouvoir" ( des princes ) qui avive l'orgueil, et de l'argent qui stimule l'avidité, deux gros défauts, "péchés capitaux" qui entraînent compétitions cruelles pour le pouvoir et la richesse, sans compter les "personnes de bonne naissance", au détriment des laissés pour compte.
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En Utopie, les maîtres éduquent avant d'instruire, les anciens sont respectés, tout le monde, femmes et hommes, travaillent la terre ou l'artisanat, l'or ne vaut rien, les gens ne possèdent pas leur maison, puisque tout est à tout le monde... comme pour les Zadistes ? le gouvernement, démocratiquement élu sur des principes moraux, donne aux citoyens selon ils ont besoin. C'est le socialisme avant l'heure. Staline en a fait un mauvais usage, puisqu'il est responsable de millions de morts. En Utopie, il y a très peu de condamnés, puisqu'il y a très peu de lois, surtout non "chicanées", mais essentielles, basées sur l'orgueil, l'avidité et la paresse. Ces trois sortes de personnes sont dépossédées et deviennent, pour leur plus grande honte, esclaves des citoyens libres qui sont la grande majorité, et qui sont heureux !
Mais, emballé par le concept, je raconte trop !
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Pourquoi ce système ne fonctionne-t-il pas ? Parce que, je pense, les doux philosophes n'ont toujours pas réussi à dominer par la raison les personnes orgueilleuses et avides, capables d'arriver à leurs fins par tous les moyens.
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Bon, j'espère que les lectrices ne bondiront pas à la lecture de certaines mesures prises pour les femmes en cette époque reculée. Cependant, je note que More les fait toutes travailler, et celles qui veulent guerroyer contre l'ennemi le peuvent, des mesures très modernes.
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More n'a pas eu de chance de vivre sous Henry VIII, "le plus mauvais roi d'Angleterre" selon Harriet Castor, une des biographes de ce roi.... Et zou, More y est passé, en 1535.
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« L'enfer est pavé de bonnes intentions. » Ce petit essai de Thomas More en fournit une parfaite illustration. Dans l'île d'Utopie, on a évité les problèmes qui rongent la société anglaise de son époque, mais le prix à payer est d'en ajouter de pires à chaque fois.

Le premier exemple se pose avec la peine de mort pour le vol, peine jugée beaucoup trop sévère par rapport à la gravité. Solution proposée : l'esclavage. Admettons. Comment faire pour maintenir les esclaves en place ? En punissant de mort toute personne qui reçoit de l'argent d'un esclave (ceci pour éviter qu'il ne soit tenté d'accumuler des biens en douce), et en punissant de mort tout esclave qui porte la main sur une arme. Passer de la peine capitale pour un délit à la mise à mort pour des actes anodins et sans danger pour personne, je ne suis pas certain qu'on y ait vraiment gagné au change !

Les contradictions de ce genre sont tellement nombreuses, que je me suis demandé qui critiquait vraiment l'auteur : la société anglaise, ou ceux qui prétendent pouvoir faire mieux ? À chaque fois qu'une vertu est attribuée à la société d'Utopie, les exemples qui suivent prouvent exactement l'inverse. Comment empêcher les conspirations contre la liberté ? En condamnant à la peine de mort ceux qui discutent des affaires publiques en dehors du Sénat. Comment gérer la surpopulation ? En s'accaparant les terres d'autres peuples après les en avoir chassé. Après tout, à Utopie, on crée des sociétés bien plus morales que les autres, donc c'est tout à fait légitime. On a aussi la guerre en détestation : on ne la fait jamais. Ou uniquement pour se défendre. Ou pour défendre ses alliés. Ou pour renverser un tyran, ou pour laver une injure, ou pour se venger d'un pillage. La liberté de culte est bien sûr assurée, même si ceux qui ne croient pas en la vie éternelle, dans laquelle « des châtiments sont préparés au crime et des récompenses à la vertu  », perdent le statut de citoyen, et ont l'interdiction de professer leurs idées en public. « Les malheureux affligés de maux incurables reçoivent toutes les consolations, toutes les assiduités, tous les soulagements moraux et physiques capables de leur rendre la vie supportable. » On leur conseille en effet de se laisser mourir de faim le plus vite possible.

S'il reste quelques critiques intéressantes malgré tout, elles sont vite noyées par ces abondantes contradictions. Il est difficile pour moi de prendre ce texte au sérieux.
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L'utopie


Du grec signifiant "endroit heureux", l'Utopie est un pays idéal décrit par Raphaël Hythlodée, qui a pu observer son organisation au cours de ses nombreux voyages.

Fondée sur une base collectiviste, puisque la propriété n'existe pas, la vie dans cette société présente certains avantages : 6 heures de travail quotidien (en comparaison en France en 1840, la durée légale du travail hebdomadaire était de 78 heures!), assurance de manger à sa faim, et d'être correctement vêtu, absence de peine de mort (à l'époque en Angleterre un simple larcin suffisait pour être pendu), pas de guerre (l'état se sert de ses richesses pour rémunérer des mercenaires étrangers en cas d'attaque), la liberté de religion. En contrepartie, la vie quotidienne évoque celle d'une communauté monastique quant à la rigidité des horaires et l'absence de toute fantaisie que ce soir dans les repas (collectif), les horaires et les loisirs très restrictifs ( pas de jeux, pas de chasse). le plaisir est de deux ordres : l'absence de souffrance, résultant souvent de l'assoupissement d'un besoin, ou le plaisir des sens comme celui,procure par la musique.

Peu de références à l'éducation, hormis la nécessité de formater les jeunes esprits dans le sens d'un sens moral en harmonie avec les préceptes de la vie,en société.

C'est donc une société très totalitaire, et assez peu fantaisiste que nous propose cet humaniste, en réponse aux terribles conditions de vie ayant cours en Angleterre à cette époque. Conscient des limites de sa théorie, il termine le récit sur une incertitude quant à la viabilité d'un tel projet. D'autant que l'auteur lorsqu'il rédige le texte à sûrement connaissance de l'Eloge de la Folie de son main Erasme, et qu'il devrait être conscient du rôle de grain de sable que ce travers des humains risquerait de jouer dans une telle organisation

Cet ouvrage a été considère comme les prémisses de la sociologie. Il n'aura pas porté bonheur à son auteur puisque celui ci, après avoir accédé à la charge de Chancelier du Royaume, tombera en disgrâce pour son refus de reconnaître le mariage du roi et d'Anne Boleyn, et condamné à mort.
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Je vais me fendre d'un petit commentaire pour signaler que je viens enfin de lire complètement cet essai qui a laissé une trace dans l'histoire de l'humanité.
On pourrait tirer de cet ouvrage mille et une citations qui résonneraient tellement aujourd'hui encore...
Sa société qui porte le nom devenu universel est tellement impossible à réaliser qu'il n'a certainement jamais pensé qu'elle fût même souhaitable. Cet ami d'Erasme a imaginé un contre-monde destiné à dénoncer le notre (je le mets au présent car peu de choses ont changé réellement en profondeur).
Avec l'humour d'un intellectuel se permettant au pied de l'échafaud de dire, je cite : « Je vous en prie, Monsieur le lieutenant, aidez-moi à monter ; pour la descente, je me débrouillerai… » il dénonce, par un jeu exagéré de lumière, la noirceur des gouvernements des hommes.
De ce fait, il trahit les puissants et donc est mis à mort. Décapité.
Je retiendrai à titre personnel de ma lecture que, même si nos maîtres cherchent à nous en convaincre, nous ne vivons pas dans une république.
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… Ou quand un homme habile à raconter des histoires nous parle d'un pays qui n'existe pas. Pensez donc, un pays dont la capitale est baignée par un fleuve qui n'a pas d'eau. Tout ceci ne semble pas bien sérieux. Semble-t-il que que nous soyons incités à percer les secrets de cet étrange récit.

Qui est-il ce mystérieux conteur ? Un marin, qui en ces temps de Grandes Découvertes voyageât avec celui qui donnât son nom au Nouveau Monde. Mais Raphaël Hythloday allât bien plus loin, puisqu'il revint par la Chine. Sur sa route, il croisât donc ce pays qui n'existe pas : L'île d'Utopie dont le nom évoque pour nous aujourd'hui un idéal impossible à atteindre.
Mais bien avant de parler de cet extraordinaire pays, il s'emploie à juger des moeurs de l'Angleterre à l'aune de son expérience personnelle. On pourrai juger sa vindicte décousue : Les Magistrats, les ovins et les Ministres... encouragement à l'insurrection et aux pratiques mahométanes. Encore une fois approchons-nous. Aux Magistrats, cet arpenteur d'une Terre tout juste considérée comme ronde reproche le traitement du sort des voleurs : La pendaison. Elle ne satisfait personne, et surtout pas les victimes qui pourraient préférer réparation du préjudice. Aux moutons, il reproche la plus-value que rapporte leur laine à leur propriétaire qui étendent donc les pâturages au détriment des exploitations vivrières et de leurs métayers... qui n'ont plus d'autre choix que le vol pour vivre. Quand aux conseils des Monarques,, ils ne proposent qu'au soucis de leurs propres ambitions ou qu'au soucis de conserver leur si enviable position.
Ne vaut-il ainsi mieux un pays imaginaire bien administré qu'une terre inique bien réelle ?

Utopie est une industrieuse civilisation principalement tournée vers l'agricole soucis de procurer à tout un chacun les moyens de sa substance. Préoccupation inscrite dans l'activité de tout citoyen urbain ou rural qui doit un temps de service aux champs. Les besoins matériels primaires comblés, les habitants trouvent les joies simples... Dans le plaisir de la bonne santé et dans les loisirs consacrés à l'étude. Bien sûr les plus libertaliens pourront objecter : A confier à tout un chacun une tâche, à obliger tous à vivre en communauté, l' État – aussi démocratique que soit son mode de désignation – nie l'individualisme et la liberté. le conformisme généralisé de la société utopienne n'est que le produit d'un endoctrinement de ses habitants. La renonciation de la propriété privée est un leurre idéologique.
Mais tout de même : Une place pour chacun, un labeur qui ne soit pas abrutissant car effectué par tous et donc mieux distribué, un respect des aînés pour les plus jeunes et inversement, un soucis de juste répartition de l'effort collectif pour satisfaire aux besoins – certes minimum – de tous : N'est-ce-pas une proposition à regarder plus en détail ?

Utopie ! Me direz-vous... Mais n'est-ce-pas exactement pour cela que le mot existe ? Ne le dit-on pas " principe d'espérance" ?
Car sa racine grecque porte à débat. " L'Île de nulle-part " pouvant se transcrire aussi " l'Île heureuse "…
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« L’utopie », quelle idée de lire ce vieux bouquin en 2018 !
Aux yeux de Thomas MORE, ce qui doit fonder la société, c’est la liberté de l’humain, l’existence d’un cadre, d’un minimum de lois pour que toutes puissent être portées à la connaissance et à la compréhension de chacun, sans confiscation de la Justice par quelques compétences strictement réservées aux hommes dit de Loi. Il faut aussi une éducation à l’altruisme, à la gestion du patrimoine commun qu’est la Terre, la société Utopia qu’il convient de développer, entretenir et léguer en bon état aux générations futures.
Parfois, c’est vrai, lourdement chargé de morale et pétri d’intentions d’opposer aux systèmes Anglais et européen de l’époque un modèle qui puisse renouveler la gestion politique des sociétés, le texte de Thomas MORE offre une réponse aux questions que se posent les penseurs de 1516… Est-il pour autant non-significatif pour notre 21e siècle ? Non ! Les luttes de pouvoir existent encore chez nous, l’ordre moral souffre de plus de coups de canif donné au contrat qui devrait lier tout dirigeant et le peuple qu’il prétend servir. Les guerres, la misère, la pauvreté, les castes sociales sont toujours d’actualité et constituent autant de freins à l’avènement d’une démocratie bénéfique à tout un chacun.
Je me devais donc de relire « L’utopie » de Thomas MORE, texte étudié une première fois lors de mes études en Humanités Générales et tenter d’opérer un lien avec un livre de ma pile, « L’individu ingouvernable » de Roland GORI, 2015. Ces lectures seront à mettre en perspective avec d’autres, plus anciennes, qui ont laissé des traces dans mon processus de réflexion sur la gestion publique, «Note sur la suppression des partis politiques » de Simone WEIL et « Contre les élections » de David VAN REYBROUCK). Mon désir reste constant : étoffer ma pensée pour me construire une opinion étayée et porter un regard intelligent sur le modèle de gestion politico-économico-sociale de notre société avec, toujours en toile de fond, la question de notre humanité.
Ce regard, je le souhaite critique, je n’accepte pas l’idée que d’autres puissent penser à ma place et m’imposer un modèle de société que je n’aie réfléchi avant de l’accepter. Je le voudrais aussi bienveillant, je ne souhaite absolument pas critiquer, démolir ou réduire à néant toute affirmation pour le simple plaisir d’exercer un droit d’expression qui ne peut d’ailleurs exister sans réflexion, prise de recul et a priori un peu de neutralité.
Que lis-je, aujourd’hui, dans « l’Utopie » de Thomas MORE ? L’auteur aborde la question de la politique par le biais de la violence, non justifiée à ses yeux, de l’Etat à l’encontre de la petite délinquance… Celle des couches sociales les plus pauvres qui ne voient d’autre solution pour vivre, survivre, que les menus larcins envers lesquels une certaine Justice veut se montrer impitoyable et prête à faire preuve d’une violence n’ayant aucun rapport avec la gravité des fautes commises. Cette justice, selon Thomas MORE, est celle du pouvoir en place, des nantis, adeptes du repli sur soi plutôt que de l’ouverture à l’autre et de la solidarité….
Je dois bien l’avouer, certaines images, très récentes, me sautent aux yeux quand je lis ce texte qui, malgré la patine du temps qui n’en facilite pas la lecture, m’apparaît comme le révélateur, quasi au sens photographique du terme, de la dérive actuelle de nos politiques, migratoires entre autres. Je mesure, 600 ans après, l’ouverture d’esprit qui a marqué son écriture.
Globalement, je suis d’accord avec son interpellation à rêver un autre monde en matière égalité hommes/femmes (même si je sens, chez Thomas MORE, des relents de machisme inacceptables). D’accord aussi avec l’appel à la liberté religieuse (même si la méritocratie y a une large part dans le binôme récompense et châtiment éternels). D’accord, bien sûr, avec la nécessité du respect de chacun et la nécessité de donner aux gens la possibilité d’accéder démocratiquement, sans confiscation de pouvoir, à la prise de décisions politiques, à la gestion de la richesse de l’état, à la lutte contre la propriété au-delà des besoins, à la nécessité de viser des relations établies dans la fidélité, la prise en charge des personnes dans le besoin, le questionnement d’une société de production qui couvre le nécessaire sans appât du gain, surtout s’il est confisqué par quelques-uns qui le plus souvent n’exécutent pas la tâche eux-mêmes. Je reste plus critique par rapport à l’étatisation de l’esclavage (même si je reconnais que le modèle MORE était déjà, en soi, une révolution). Ci et là, je pourrais pinailler et détruire encore quelques idées … mais elles seraient, le plus souvent, tirées de leur contexte et mes attaques ne serviraient pas la recherche honnête de compréhension du texte.
Je m’en tiendrai donc à cet élan vers un monde plus juste, moins brutal, plus harmonieux et plus solidaire.
Utopique ? Oui, certes. Le terme ‘utopie’ lui-même est une invention de l’auteur et la signification semblerait tourner pour lui autour des notions de ‘nulle part’ et de lieu de bonheur’. Ce qui, on le conviendra, est curieux puisque ‘nulle part’ deviendrait alors un ‘lieu’ ! On est donc dans le rêve… et c’est très bien ainsi. Car, in fine, il appartient à l’Homme de transformer ses rêves en projets, de se doter des conditions nécessaires et indispensables pour que les projets aboutissent. Merveilleux défi à relever car, même si le texte ne correspond plus guère à nos styles d’écriture ou de lecture actuels, il me faut reconnaître que cet essai philosophique, cet entretien platonicien, ce récit mythique, bien qu’empoussiéré par le temps, est une belle opportunité pour pointer certains dysfonctionnements d’aujourd’hui et réfléchir à une approche revisitée de la gestion de la ‘Res publica’ !

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La conversation a lieu dans un jardin, entre amis.

Raphaël, un portugais ayant navigué avec Amerigo Vespucci, raconte ce qu'il a vu en terre étrangère, selon la tradition des relations de voyage, ces textes propres aux siècles d'exploration, ces journaux, ces cartographies, ces reliques d'une époque où les hommes partaient en quête de la terra incognita, des Iles Fortunées, du Nouveau Monde. Il ne raconte pas quelque chose d'extraordinaire, dans le sens où le voyage ne se veut pas imaginaire. Au contraire, il nous parle d'institutions, de civilisations et l'homme les compare, ces moeurs venues d'ailleurs, avec celles de la Vieille Europe. Son discours séduit ses auditeurs qui lui recommandent de faire profiter les rois de sa philosophie. En effet, Raphaël propose diverses réformes importées d'ailleurs, qui seraient utiles à la société, utiles et agréables. Raphaël rétorque que les rois n'écoutent pas les philosophes ; principalement parce que l'amour-propre règne chez les princes.

L'éloge de l'amitié, de l'entente parfaite entre les hommes, les amène néanmoins, dans l'intimité du jardin, à considérer l'image d'une société idéale.

Raphaël s'attache à la description de l'île d'Utopie. Une île non située sur la carte, un non-lieu. Une île tranquille, préservée par la disposition de la nature, des attaques de l'extérieur. Il nous présente l'agencement des villes, leurs rapports entre elles, comment tout s'ordonne, comment tout s'équilibre, à la perfection. Tout est planifié, tout est agencé, à l'avance, par les institutions. L'agriculture est la mère nourricière de l'Utopie, aussi est-elle respectée, et chaque citoyen y contribue. Toutes les habitations ont d'ailleurs un jardin, et c'est l'occupation préférée des habitants après le dîner. L'artisanat ne produit que l'utile. Tout superflu est méprisé. Aussi n'y a-t-il rien pour démarquer les habitants des autres (sauf de rares exceptions considérées comme nécessaires) ; la pourpre, les soieries, les pierreries n'ont pas lieu d'être, sauf pour les petits enfants, et le plus amusant, c'est que l'or est attribué aux esclaves, parce qu'on façonne leurs chaînes avec. Il me semble en effet que l'or et l'argent nous enchaînent.

L'Utopie est une terre d'abondance, comme les Iles Fortunées. Ils remplissent leurs greniers et donnent généreusement le superflu à leurs voisins. Ils se satisfont de peu, le mode de vie étant minimaliste. Ils vivent sans argent, du moins dans leurs terres. L'argent ne sert qu'aux transactions avec l'extérieur. Personnellement, je regrette que l'Utopie ne fonctionne que retranchée sur elle-même dans le sens où elle fait nécessairement des concessions dès qu'il s'agit de ses rapports avec l'étranger. Sinon, il y a de belles idées, que j'aimerais voir réalisées en réalité. Enfin, "je le souhaite plus que je ne l'espère".
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Combien, aujourd'hui lisent des utopies – et leur contraire : les dystopies – sans se soucier qu'un jour, en pleine Renaissance, un humaniste nommé Thomas More écrivit cette histoire, dont le titre est devenu à ce point commun qu'on en oublie d'où il vient ? C'est la rançon de certains écrivains que d'abandonner des bouts de leur oeuvre ou d'eux-mêmes au langage courant : tel enfant gouailleur parisien est désormais un « Gavroche » quand les dilemmes auront toujours quelque chose de cornélien !
L'Utopie de More est la recherche d'une société harmonieuse et morale. Elle porte la marque du rigorisme de son auteur – rigorisme qui lui valut d'être décapité pour avoir refusé de prêter serment à un acte du Parlement anglais qui rejetait l'autorité du pape – et ne ressemble en rien aux utopies libertaires de la seconde moitié du XXe siècle. Ne nous y trompons pas : à Utopie, on ne jouit pas sans entrave !
Ainsi, cette utopie originelle – inspirée des textes antiques, dont Platon et sa cité idéale –, comme toutes celles qui suivront, a ses limites, prescrites par sa loi. Car étant entendu que l'utopie est un « pays imaginaire où un gouvernement idéal règne sur un peuple heureux » (Le Petit Robert), par ailleurs qu'elle « ne tient pas compte de la réalité » du monde multiple et des particularités de chacun, ladite utopie de More apparaît à bien des égards comme une tyrannie du bonheur et isolationniste à souhait. Selon le fondateur de l'île d'Utopie, pou vivre heureux vivons cachés, ce qui est…une utopie ! Pour preuve, c'est un navigateur qui révèle, après l'avoir découverte, l'existence de l'île, c'est-à-dire un homme qui cherche de nouveaux horizons, ce qui est dans la « nature » humaine.
L'Utopie de Thomas More avait l'ambition, à travers une fiction, de proposer ce fameux gouvernement idéal que les hommes recherchent. Mais étant entendu que l'idéal du voisin n'est pas le mien, cela rend difficile, dans la réalité, le consensus utopique, en ce sens qu'une société est faite d'accords et de désaccords entre les individus qui la composent. Serait-ce alors un rêve impossible, si rêve il y a ?
Au-delà de ces considérations politiques, ce que ne prévoyait peut-être pas l'auteur c'est que son texte deviendrait la première pierre d'un genre littéraire qui n'a, depuis, cessé de croître et multiplier. Là est le génie de More, créer un monde imaginaire cohérent, dissimulé aux désordres du monde : tout un programme romanesque !
Une oeuvre déconcertante de fluidité, écrite il y a cinq siècles, et constitutive de la culture occidentale.
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