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EAN : 9782290337684
124 pages
J'ai lu (13/10/2003)
3.6/5   672 notes
Résumé :
Chancelier du roi Henri VIII, Thomas More se désole des mœurs de son temps : corruption, abus, racket sont monnaie courante dans une société féodale sur le déclin. Il rêve d’un autre monde, d’une république exemplaire, où la propriété individuelle et l’argent seraient abolis et les citoyens gouvernés par la raison et la vertu…
Publié en 1516, ce texte brosse le tableau d’une société anglaise décadente pour mieux introduire le lecteur à un univers débarrassé d... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (70) Voir plus Ajouter une critique
3,6

sur 672 notes
Cet ouvrage du XVIe siècle, à l'origine d'un nouveau genre littéraire, est composé de deux parties bien distinctes : le livre premier, qui est — en gros — une critique assez juste et assez justifiée du régime monarchique anglais et, partant, européen, puis d'un livre second, qui constitue la véritable innovation littéraire, en proposant, par le biais de la fiction, ce qui est, en réalité, un projet de réforme politique.

Thomas More était un érudit, humaniste, conseiller du roi, etc. et tous les autres titres ronflants que l'on peut ou veut y accoler, mais c'était aussi et surtout un juriste et un fervent pratiquant du christianisme catholique, qui a longuement hésité à entrer dans les ordres (la question du protestantisme ne se posait pas encore à son époque car il était contemporain de Luther).

Cette double influence — juriste et ferveur religieuse — transparaît à peu près partout dans L'Utopie, pour le meilleur et... pour le pire (notamment la longue et ennuyeuse partie religieuse à la fin du livre second). Sous couvert de prétendre être le récit d'un voyageur ayant vécu un certain temps sur cette lointaine île en forme de croissant de lune qu'est Utopie, Thomas More explicite ses propres aspirations sociales dans ce qui n'est, ni plus ni moins, qu'un manifeste politique.

Je le suis à 100 % lorsqu'il fustige la conduite vénale et malhonnête de l'état par les monarques en place (il avait personnellement côtoyé Henri VII et écrit son livre sous Henri VIII, qui le fera mettre à mort par la suite, mais pour des raisons autres, notamment matrimoniales). Globalement, si l'on les recontextualise, je suis à peu près d'accord avec lui sur les critiques, c'est-à-dire sur le livre premier.

En revanche, dès lors que Thomas More se met en peine de chercher des solutions, j'ai parfois le sentiment de lire le programme politique version ultra hard core d'un bon vieux dictateur à la Staline, d'une pétromonarchie ou d'une république bananière des plus féroces. Prenons un exemple. Voyons, voyons... deux adultères consécutifs ? Bing ! peine de mort, rien que ça ! (Et ce n'est qu'un exemple prélevé parmi beaucoup d'autres.)

En gros, ce qu'il nous propose, c'est une vie communautaire et monacale où tout, absolument tout, est réglementé, où la liberté n'existe plus, où l'on vit dans une sorte d'open space permanent, où toute déviance est sanctionnée d'exil, d'esclavage ou de peine de mort, où l'état ne s'interdit pas de faire de l'ingérence à l'étranger, et tout ça, à chaque fois « pour la bonne cause ».

Vous naissez, vous vous éduquez d'une certaine façon (décidée par une autorité supérieure), vous apprenez un métier, vous bossez sans créer de problème, vous vous mariez, vous procréez juste ce qu'il faut, vous êtes loyal(e) en tout, vous avez les loisirs autorisés, c'est-à-dire, juste la possibilité de lire sur votre temps libre, pour toute chose, vous vous en référez à ceux qui auront été désignés comme « sages » et, bien entendu, vous avez une pratique religieuse irréprochable.

Je ne sais pas pour vous, mais en ce qui me concerne, ce projet de société ne me fait pas plus saliver que ça, c'est même plutôt l'inverse. Au prétexte d'éradiquer le vice, on éradique à peu près tout ce qui fait le sel de la vie à mes yeux (tuez-les tous et Dieu reconnaîtra les siens), d'où mon appréciation assez mitigée (voire un peu en-dessous).

Bien entendu, d'un point de vue historique et des idées, c'est une lecture intéressante, mais, selon moi, cette utopie est déjà, en soi, une sorte de dystopie à la 1984, à laquelle, je ne me sens aucune volonté de souscrire, sauf quand elle dénonce les excès d'un système monarchique inique, tel qu'il pouvait l'être en Angleterre et en Europe au début du XVIe siècle. Nonobstant, gardez à l'esprit que cet avis — cette utopie — n'étant que mien, il ne signifie manifestement pas grand-chose.
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J'avais envie de lire cet essai depuis… la fabuleuse série Les Tudors ? Peut-être avant. J'ai lu une biographie de Thomas More depuis. Avouons-le : ma mémoire a effacé la plupart de ce que j'ai lu, snif !

Qu'est-ce que j'en ai pensé, au global ? Eh bien que cette Utopie ne correspond pas complètement à l'idée que je me fais d'une utopie.
Ma vision – qui est assez vague, soyons honnête – associe l'idée d'utopie à une sorte de bien absolu, ultime. Une limite inatteignable, dont on peut cependant espérer se rapprocher. Thomas More a carrément créé le concept. Cependant ce qu'il décrit, si cela possède de nombreuses caractéristiques qu'on pourrait donner à une société idéale, n'est pas exempt d'écueils. Je l'imagine en train de galérer pour apporter une maximum cohérence à son concept et enrager de ne pas pouvoir supprimer des « incohérences ». Mais on sait depuis Gödel que même les systèmes de logique mathématique contiennent nécessairement des « écueils ». Alors devait-on demander à l'auteur d'atteindre la « perfection » ?

A mon humble avis, l'effort mérite un A+ si on compare sa création aux sociétés de son temps, de tous les temps même. Thomas More n'est pas qualifié d'humaniste en vain. La société de l'île d'Utopie, découverte du côté du Nouveau Monde et décrite par le navigateur Raphaël Hythlodée, cherche à tendre vers une égalité optimale. Pour cela, il est nécessaire de renoncer à la propriété, à l'argent, à l'orgueil personnel. de nombreux éléments font penser au communisme. Les habitants ne sont pas présentés comme des Bisounours toujours heureux et aimant leur prochain. Ils ont des failles humaines mais dont l'éducation et la loi parvient à limiter la plupart des effets néfastes. Ces failles, d'ailleurs, paraissent bien faibles lorsqu'elles sont comparées à celles des hommes de ce début du XVIe siècle. L'attaque est violente contre les nobles accapareurs et esclavagistes, contre les prêtres oisifs, contre les courtisans mielleux et contre les orgueilleux de tout poil. More imagine que les Utopiens vivent selon des préceptes à la fois stoïciens, pour la raison qui les guide, et épicuriens (pour le plaisir et la volupté qui doit faire partie de l'existence. C'est très fort.

Mais c'est peut-être à cause de ce plat pays d'égalité que les aspérités m'ont sauté aux yeux comme si elles étaient des montagnes (et là j'imagine que chacun y verra les aspérités qu'il veut).
L'esclavage existe en Utopie, même s'il est réservé aux criminels. Tiens, le crime existe en Utopie. Il faut donc des lois qui restreignent un minimum. Donc la « liberté personnelle » en tant qu'absolu n'est pas au menu. Les guerres existent en Utopie, même si les Utopiens essaient d'y mettre le plus d'humanité possible et d'éviter les tueries. Certains passages montrent tout de même par moment une volonté de mise à mort sans appel. Les Utopiens sont colonialistes, même si les peuples qu'ils rencontrent se satisfont le plus souvent du système politique proposé (sinon : carnage).
L'adultère est puni très brutalement. L'athéisme est une horreur absolue. Les classes existent (les lettrés parmi lesquels on choisit les gouvernants. Cependant pour être choisi, il ne faut pas penser au pouvoir tous les matins en se rasant). L'esprit de compétition existe.
La femme n'est pas beaucoup plus libre qu'ailleurs, soumise à son mari. Les jeunes gens qui veulent se marier doivent se dénuder entièrement l'un devant l'autre car on ne saurait négliger le plaisir des sens. Et pourtant More dit ailleurs qu'un époux apprécie son épouse surtout pour son esprit.
Les Utopiens sont tolérants envers les religions. Mais dès qu'ils sont informés de la religion catholique, ils sont fascinés. Pouvait-on les imaginer différemment ? Thomas More est un homme de son temps. Certaines choses qu'on a remis en question ici et maintenant lui sont tout naturel.

J'ai apprécié qu'à la fin Thomas More, qui écoute patiemment les descriptions de Raphaël, dise qu'il ne peut consentir à tout ce qu'il a entendu, mais qu'il y a là une foule de choses qu'il aimerait voir établies en Occident. Cela résume ce que j'ai pensé du texte : une proposition d'amélioration de l'existant mais dont l'auteur lui-même n'est pas entièrement convaincu. More a conscience de l'aspect imparfait de sa construction. La perfection n'appartient qu'à Dieu, aurait-il probablement dit.
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Waouh ! La république dont je rêve !
En 1516, Thomas More, juriste, historien, philosophe, humaniste, théologien et homme politique anglais, publie ce petit livre, " L'Utopie" . le mot « utopie » est formé à partir du grec ou-topos, qui signifie en aucun lieu ou bien lieu du bonheur. More, dégoûté des parasites qui pullulent dans les royaumes ( princes, nobles, valets, moines, vagabonds, mendiants, voleurs, etc... ) imagine, à l'apogée des voyages outre atlantique, une rencontre avec un homme, Raphael, qui a échoué dans ce "nouveau" pays, Utopie, et qui en rapporte les moeurs...
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J'ai acheté ce livre à la suite d'une question à "Tout le monde veut prendre sa place".
C'est un ouvrage philosophico-politique dense, où chaque phrase compte. Mais quel bonheur ! Ca fait longtemps que je me demande pourquoi les sociétés vivent avec du "pouvoir" ( des princes ) qui avive l'orgueil, et de l'argent qui stimule l'avidité, deux gros défauts, "péchés capitaux" qui entraînent compétitions cruelles pour le pouvoir et la richesse, sans compter les "personnes de bonne naissance", au détriment des laissés pour compte.
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En Utopie, les maîtres éduquent avant d'instruire, les anciens sont respectés, tout le monde, femmes et hommes, travaillent la terre ou l'artisanat, l'or ne vaut rien, les gens ne possèdent pas leur maison, puisque tout est à tout le monde... comme pour les Zadistes ? le gouvernement, démocratiquement élu sur des principes moraux, donne aux citoyens selon ils ont besoin. C'est le socialisme avant l'heure. Staline en a fait un mauvais usage, puisqu'il est responsable de millions de morts. En Utopie, il y a très peu de condamnés, puisqu'il y a très peu de lois, surtout non "chicanées", mais essentielles, basées sur l'orgueil, l'avidité et la paresse. Ces trois sortes de personnes sont dépossédées et deviennent, pour leur plus grande honte, esclaves des citoyens libres qui sont la grande majorité, et qui sont heureux !
Mais, emballé par le concept, je raconte trop !
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Pourquoi ce système ne fonctionne-t-il pas ? Parce que, je pense, les doux philosophes n'ont toujours pas réussi à dominer par la raison les personnes orgueilleuses et avides, capables d'arriver à leurs fins par tous les moyens.
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Bon, j'espère que les lectrices ne bondiront pas à la lecture de certaines mesures prises pour les femmes en cette époque reculée. Cependant, je note que More les fait toutes travailler, et celles qui veulent guerroyer contre l'ennemi le peuvent, des mesures très modernes.
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More n'a pas eu de chance de vivre sous Henry VIII, "le plus mauvais roi d'Angleterre" selon Harriet Castor, une des biographes de ce roi.... Et zou, More y est passé, en 1535.
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« L'enfer est pavé de bonnes intentions. » Ce petit essai de Thomas More en fournit une parfaite illustration. Dans l'île d'Utopie, on a évité les problèmes qui rongent la société anglaise de son époque, mais le prix à payer est d'en ajouter de pires à chaque fois.

Le premier exemple se pose avec la peine de mort pour le vol, peine jugée beaucoup trop sévère par rapport à la gravité. Solution proposée : l'esclavage. Admettons. Comment faire pour maintenir les esclaves en place ? En punissant de mort toute personne qui reçoit de l'argent d'un esclave (ceci pour éviter qu'il ne soit tenté d'accumuler des biens en douce), et en punissant de mort tout esclave qui porte la main sur une arme. Passer de la peine capitale pour un délit à la mise à mort pour des actes anodins et sans danger pour personne, je ne suis pas certain qu'on y ait vraiment gagné au change !

Les contradictions de ce genre sont tellement nombreuses, que je me suis demandé qui critiquait vraiment l'auteur : la société anglaise, ou ceux qui prétendent pouvoir faire mieux ? À chaque fois qu'une vertu est attribuée à la société d'Utopie, les exemples qui suivent prouvent exactement l'inverse. Comment empêcher les conspirations contre la liberté ? En condamnant à la peine de mort ceux qui discutent des affaires publiques en dehors du Sénat. Comment gérer la surpopulation ? En s'accaparant les terres d'autres peuples après les en avoir chassé. Après tout, à Utopie, on crée des sociétés bien plus morales que les autres, donc c'est tout à fait légitime. On a aussi la guerre en détestation : on ne la fait jamais. Ou uniquement pour se défendre. Ou pour défendre ses alliés. Ou pour renverser un tyran, ou pour laver une injure, ou pour se venger d'un pillage. La liberté de culte est bien sûr assurée, même si ceux qui ne croient pas en la vie éternelle, dans laquelle « des châtiments sont préparés au crime et des récompenses à la vertu  », perdent le statut de citoyen, et ont l'interdiction de professer leurs idées en public. « Les malheureux affligés de maux incurables reçoivent toutes les consolations, toutes les assiduités, tous les soulagements moraux et physiques capables de leur rendre la vie supportable. » On leur conseille en effet de se laisser mourir de faim le plus vite possible.

S'il reste quelques critiques intéressantes malgré tout, elles sont vite noyées par ces abondantes contradictions. Il est difficile pour moi de prendre ce texte au sérieux.
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L'utopie


Du grec signifiant "endroit heureux", l'Utopie est un pays idéal décrit par Raphaël Hythlodée, qui a pu observer son organisation au cours de ses nombreux voyages.

Fondée sur une base collectiviste, puisque la propriété n'existe pas, la vie dans cette société présente certains avantages : 6 heures de travail quotidien (en comparaison en France en 1840, la durée légale du travail hebdomadaire était de 78 heures!), assurance de manger à sa faim, et d'être correctement vêtu, absence de peine de mort (à l'époque en Angleterre un simple larcin suffisait pour être pendu), pas de guerre (l'état se sert de ses richesses pour rémunérer des mercenaires étrangers en cas d'attaque), la liberté de religion. En contrepartie, la vie quotidienne évoque celle d'une communauté monastique quant à la rigidité des horaires et l'absence de toute fantaisie que ce soir dans les repas (collectif), les horaires et les loisirs très restrictifs ( pas de jeux, pas de chasse). le plaisir est de deux ordres : l'absence de souffrance, résultant souvent de l'assoupissement d'un besoin, ou le plaisir des sens comme celui,procure par la musique.

Peu de références à l'éducation, hormis la nécessité de formater les jeunes esprits dans le sens d'un sens moral en harmonie avec les préceptes de la vie,en société.

C'est donc une société très totalitaire, et assez peu fantaisiste que nous propose cet humaniste, en réponse aux terribles conditions de vie ayant cours en Angleterre à cette époque. Conscient des limites de sa théorie, il termine le récit sur une incertitude quant à la viabilité d'un tel projet. D'autant que l'auteur lorsqu'il rédige le texte à sûrement connaissance de l'Eloge de la Folie de son main Erasme, et qu'il devrait être conscient du rôle de grain de sable que ce travers des humains risquerait de jouer dans une telle organisation

Cet ouvrage a été considère comme les prémisses de la sociologie. Il n'aura pas porté bonheur à son auteur puisque celui ci, après avoir accédé à la charge de Chancelier du Royaume, tombera en disgrâce pour son refus de reconnaître le mariage du roi et d'Anne Boleyn, et condamné à mort.
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critiques presse (1)
Liberation
16 juillet 2012
Les vacances de l’esprit devraient toujours passer par un voyage en Utopie.
Lire la critique sur le site : Liberation
Citations et extraits (161) Voir plus Ajouter une citation
Il existe une foule de nobles qui passent leur vie à ne rien faire , frelons nourris du labeur d'autrui , et qui , de plus , pour accroitre leurs revenus , tondent jusqu'au vif les métayers de leurs terres . Ils ne concoivent pas d'autre façon de faire des économies , prodigues pour tout le reste jusqu'à se réduire à la mendicité . Ils trainent de plus avec eux des escortes de fainéànts qui n'ont jamais appris aucun métier capable de leur donner leur pain .
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Mais l'orgueil, passion féroce, reine et mère de toute plaie sociale, oppose une résistance invincible à cette conversion des peuples.
L'orgueil ne mesure pas le bonheur sur le bien-être personnel, mais sur l'étendue des peines d'autrui.
L'orgueil ne voudrait pas même devenir Dieu, s'il ne lui restait plus de malheureux à insulter et à traiter en esclaves, si le luxe de son bonheur ne devait plus être relevé par les angoisses de la misère, si l'étalage de ses richesses ne devait plus torturer l'indigence et allumer son désespoir.
L'orgueil est un serpent d'enfer, qui s'est glissé dans le coeur des hommes, qui les aveugle par son venin, et qui les fait reculer loin du sentier d'une vie meilleure. Ce reptile s'attache de trop près à leurs chairs pour qu'on puisse facilement l'en arracher.

NDL : c'est pour moi une des plus belles citations que je lis. On sent toute la colère de Thomas More contre ce fléau, l'orgueil. On comprend pourquoi le pays Utopia n'est qu'une utopie.
Cette description de l'orgueil de 1516 me fait penser au comportement des pervers narcissiques, que Marie Farnce Hirigoyen a si bien définis. C'est quasi est la même chose.
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Qu'arrive-t-il donc au sein de ces conseils, où règne l'envie, la vanité et l'intérêt ? Quelqu'un cherche-t-il à appuyer une opinion raisonnable sur l'histoire des temps passés, ou les usages des autres pays ? Tous les auditeurs en sont comme étourdis et renversés ; leur amour-propre s'alarme, comme s'ils allaient perdre leur réputation de sagesse, et passer pour des imbéciles. Ils se creusent la cervelle, jusqu'à ce qu'ils aient trouvé un argument contradictoire, et si leur mémoire et leur logique sont en défaut, ils se retranchent dans ce lieu commun : "Nos pères ont pensé et fait ainsi ; eh ! plût à Dieu que nous égalions la sagesse de nos pères !" Puis ils s'assoient en se rengorgeant, comme s'ils venaient de prononcer un oracle.
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N’est-elle pas inique et ingrate la société qui prodigue tant de biens (...) à des joailliers, à des oisifs, ou à ces artisans de luxe qui ne savent que flatter et asservir des voluptés frivoles quand, d’autre part, elle n’a ni coeur ni souci pour le laboureur, le charbonnier, le manoeuvre, le charretier, l’ouvrier, sans lesquels il n’existerait pas de société. Dans son cruel égoïsme, elle abuse de la vigueur de leur jeunesse pour tirer d’eux le plus de travail et de profit ; et dès qu’ils faiblissent sous le poids de l’âge ou de la maladie (...), elle oublie leurs nombreuses veilles, leurs nombreux et importants services, elle les récompense en les laissant mourir de faim. (...) En Utopie, au contraire où tout appartient à tous, personne ne peut manquer de rien, une fois que les greniers publics sont remplis. Car la fortune de l’État n’est jamais injustement distribuée en ce pays. L’on n’y voit ni pauvre ni mendiant et quoique personne n’ait rien à soi, cependant tout le monde est riche. Est-il en effet de plus belle richesse que de vivre joyeux et tranquille sans inquiétude ni souci ? Est-il un sort plus heureux que celui de ne pas trembler pour son existence ?
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La plupart des gens ignorent les lettres ; beaucoup les méprisent. Un barbare rejette comme abrupt tout ce qui n'est pas franchement barbare. Les demi-savants méprisent comme vulgaire tout ce qui n'abonde pas en termes oubliés. Il en est qui n'aiment que l'ancien. Les plus nombreux ne se plaisent qu'à leurs propres ouvrages. L'un est si austère qu'il n'admet aucune plaisanterie ; un autre a si peu d'esprit qu'il ne supporte aucun badinage. Il en est de si fermés à toute ironie qu'un persiflage les fait fuir, comme un homme mordu par un chien enragé quand il voit de l'eau. D'autres sont capricieux au point que, debout, ils cessent de louer ce qu'assis ils ont approuvé. D'autres tiennent leurs assises dans les cabarets et, entre deux pots, décident du talent des auteurs, prononçant péremptoirement condamnation au gré de leurs humeur, ébouriffant les écrits d'un auteur comme pour lui arracher les cheveux un à un, tandis qu'eux-mêmes sont bien tranquillement à l'abri des flèches, les bons apôtres, tondus et rasés comme des lutteurs pour ne pas laisser un poil en prise à l'adversaire. Il en est encore de si malgracieux qu'ils trouvent un grand plaisir à lire une œuvre sans en savoir plus de gré à l'auteur, semblables à ces invités sans éducation qui, généreusement traités à une table abondante, s'en retournent rassasiées sans un mot de remerciement pour l'hôte.
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