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Critique de Luniver


« L'enfer est pavé de bonnes intentions. » Ce petit essai de Thomas More en fournit une parfaite illustration. Dans l'île d'Utopie, on a évité les problèmes qui rongent la société anglaise de son époque, mais le prix à payer est d'en ajouter de pires à chaque fois.

Le premier exemple se pose avec la peine de mort pour le vol, peine jugée beaucoup trop sévère par rapport à la gravité. Solution proposée : l'esclavage. Admettons. Comment faire pour maintenir les esclaves en place ? En punissant de mort toute personne qui reçoit de l'argent d'un esclave (ceci pour éviter qu'il ne soit tenté d'accumuler des biens en douce), et en punissant de mort tout esclave qui porte la main sur une arme. Passer de la peine capitale pour un délit à la mise à mort pour des actes anodins et sans danger pour personne, je ne suis pas certain qu'on y ait vraiment gagné au change !

Les contradictions de ce genre sont tellement nombreuses, que je me suis demandé qui critiquait vraiment l'auteur : la société anglaise, ou ceux qui prétendent pouvoir faire mieux ? À chaque fois qu'une vertu est attribuée à la société d'Utopie, les exemples qui suivent prouvent exactement l'inverse. Comment empêcher les conspirations contre la liberté ? En condamnant à la peine de mort ceux qui discutent des affaires publiques en dehors du Sénat. Comment gérer la surpopulation ? En s'accaparant les terres d'autres peuples après les en avoir chassé. Après tout, à Utopie, on crée des sociétés bien plus morales que les autres, donc c'est tout à fait légitime. On a aussi la guerre en détestation : on ne la fait jamais. Ou uniquement pour se défendre. Ou pour défendre ses alliés. Ou pour renverser un tyran, ou pour laver une injure, ou pour se venger d'un pillage. La liberté de culte est bien sûr assurée, même si ceux qui ne croient pas en la vie éternelle, dans laquelle « des châtiments sont préparés au crime et des récompenses à la vertu  », perdent le statut de citoyen, et ont l'interdiction de professer leurs idées en public. « Les malheureux affligés de maux incurables reçoivent toutes les consolations, toutes les assiduités, tous les soulagements moraux et physiques capables de leur rendre la vie supportable. » On leur conseille en effet de se laisser mourir de faim le plus vite possible.

S'il reste quelques critiques intéressantes malgré tout, elles sont vite noyées par ces abondantes contradictions. Il est difficile pour moi de prendre ce texte au sérieux.
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