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Critique de BazaR


J'avais envie de lire cet essai depuis… la fabuleuse série Les Tudors ? Peut-être avant. J'ai lu une biographie de Thomas More depuis. Avouons-le : ma mémoire a effacé la plupart de ce que j'ai lu, snif !

Qu'est-ce que j'en ai pensé, au global ? Eh bien que cette Utopie ne correspond pas complètement à l'idée que je me fais d'une utopie.
Ma vision – qui est assez vague, soyons honnête – associe l'idée d'utopie à une sorte de bien absolu, ultime. Une limite inatteignable, dont on peut cependant espérer se rapprocher. Thomas More a carrément créé le concept. Cependant ce qu'il décrit, si cela possède de nombreuses caractéristiques qu'on pourrait donner à une société idéale, n'est pas exempt d'écueils. Je l'imagine en train de galérer pour apporter une maximum cohérence à son concept et enrager de ne pas pouvoir supprimer des « incohérences ». Mais on sait depuis Gödel que même les systèmes de logique mathématique contiennent nécessairement des « écueils ». Alors devait-on demander à l'auteur d'atteindre la « perfection » ?

A mon humble avis, l'effort mérite un A+ si on compare sa création aux sociétés de son temps, de tous les temps même. Thomas More n'est pas qualifié d'humaniste en vain. La société de l'île d'Utopie, découverte du côté du Nouveau Monde et décrite par le navigateur Raphaël Hythlodée, cherche à tendre vers une égalité optimale. Pour cela, il est nécessaire de renoncer à la propriété, à l'argent, à l'orgueil personnel. de nombreux éléments font penser au communisme. Les habitants ne sont pas présentés comme des Bisounours toujours heureux et aimant leur prochain. Ils ont des failles humaines mais dont l'éducation et la loi parvient à limiter la plupart des effets néfastes. Ces failles, d'ailleurs, paraissent bien faibles lorsqu'elles sont comparées à celles des hommes de ce début du XVIe siècle. L'attaque est violente contre les nobles accapareurs et esclavagistes, contre les prêtres oisifs, contre les courtisans mielleux et contre les orgueilleux de tout poil. More imagine que les Utopiens vivent selon des préceptes à la fois stoïciens, pour la raison qui les guide, et épicuriens (pour le plaisir et la volupté qui doit faire partie de l'existence. C'est très fort.

Mais c'est peut-être à cause de ce plat pays d'égalité que les aspérités m'ont sauté aux yeux comme si elles étaient des montagnes (et là j'imagine que chacun y verra les aspérités qu'il veut).
L'esclavage existe en Utopie, même s'il est réservé aux criminels. Tiens, le crime existe en Utopie. Il faut donc des lois qui restreignent un minimum. Donc la « liberté personnelle » en tant qu'absolu n'est pas au menu. Les guerres existent en Utopie, même si les Utopiens essaient d'y mettre le plus d'humanité possible et d'éviter les tueries. Certains passages montrent tout de même par moment une volonté de mise à mort sans appel. Les Utopiens sont colonialistes, même si les peuples qu'ils rencontrent se satisfont le plus souvent du système politique proposé (sinon : carnage).
L'adultère est puni très brutalement. L'athéisme est une horreur absolue. Les classes existent (les lettrés parmi lesquels on choisit les gouvernants. Cependant pour être choisi, il ne faut pas penser au pouvoir tous les matins en se rasant). L'esprit de compétition existe.
La femme n'est pas beaucoup plus libre qu'ailleurs, soumise à son mari. Les jeunes gens qui veulent se marier doivent se dénuder entièrement l'un devant l'autre car on ne saurait négliger le plaisir des sens. Et pourtant More dit ailleurs qu'un époux apprécie son épouse surtout pour son esprit.
Les Utopiens sont tolérants envers les religions. Mais dès qu'ils sont informés de la religion catholique, ils sont fascinés. Pouvait-on les imaginer différemment ? Thomas More est un homme de son temps. Certaines choses qu'on a remis en question ici et maintenant lui sont tout naturel.

J'ai apprécié qu'à la fin Thomas More, qui écoute patiemment les descriptions de Raphaël, dise qu'il ne peut consentir à tout ce qu'il a entendu, mais qu'il y a là une foule de choses qu'il aimerait voir établies en Occident. Cela résume ce que j'ai pensé du texte : une proposition d'amélioration de l'existant mais dont l'auteur lui-même n'est pas entièrement convaincu. More a conscience de l'aspect imparfait de sa construction. La perfection n'appartient qu'à Dieu, aurait-il probablement dit.
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