Une autre découverte pour laquelle je remercie la Fnac, mais qui me laisse sur une impression mitigée. Autant la forme m'a séduite, autant je suis restée sur ma faim en ce qui concerne le fond.
J'ai beaucoup aimé l'écriture de l'auteure, une écriture poétique et précise à la fois, qui excelle à décrire la nature, et les sentiments qu'elle inspire à ses personnages, tout autant que la ville, ses bruits, et la sensation d'étouffement qu'elle va engendrer chez la narratrice.
J'ai beaucoup aimé la première partie du livre, jusqu'au moment où la narratrice se retrouve seule. Ses sentiments, son ressenti dans sa vie passée et celle qu'elle découvre dans la maison sont très bien traduits en mots par l'auteure. Celle-ci dénonce avec beaucoup de justesse, la dépendance qu'entraine notre société de consommation, les besoins toujours plus importants que crée la vie en société. Elle y oppose le quasi dénuement de la vie en autarcie dans cette maison forestière, où la nature pourvoit aux besoins essentiels de ces femmes. Et le soulagement éprouvé par la narratrice à vivre ainsi simplement, en suivant le rythme de la nature.
A la moitié du roman j'ai eu l'impression de basculer dans un livre différent et je n'ai pas perçu ce que voulait nous transmettre l'auteure. Il reste à la fin beaucoup de questions non répondues. J'aurai pu ignorer ce manque de sens pour moi si j'avais été plus "embarquée" dans l'histoire, ce qui n'a pas été le cas, je suis restée spectatrice. Je n'ai pas réussi à adhérer à l'aspect onirique du texte, ne sachant plus distinguer la frontière entre rêve et réalité, et l'épilogue ne m'a pas apporté les réponses espérées.
Peut-être n'était-ce pas le bon moment pour moi, peut-être n'est-ce pas le genre de livre à lire avec une contrainte temporelle. Je suis curieuse de découvrir d'autres avis sur ce roman.
Lu dans le cadre du jury du prix FNAC
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Un beau livre court et original qui fait, à mon sens, honneur à la #Rentrée Littéraire.
C'est avec une poétique singulière, délicate, sensible que la narratrice déroule le fil des événements qu'elle vit tout au long du roman, certains sont pour le moins étranges et tiennent d'une véritable altérité.
un beau jour, la jeune femme décide de fuir en moto, une vie citadine pour laquelle elle ne se sent pas faite ; la routine au travail, l'ennui, les exigences des clients, la pression, la fatigue, les artifices de la société consumériste, la sursollicitation des sens, de l'attention ont raison de sa résistance.
Comme le moineau qu'elle suit, elle veut se sentir libre, elle fuit la ville et ses contraintes mais voilà que l'accident survient.
Le récit devient quelque peu elliptique entre le moment de la survenue de l'accident et le moment où elle se retrouve dans une maison isolée, en forêt, un lieu qu'elle nomme "ici", ce qui nous tient en haleine, elle se retrouve malgré elle dans cette sorte de cabane, où deux autres femmes, deux personnages aussi étranges qu'accueillants cohabitent, leur relation se passe de mots, le langage articulé a disparu.
La communication entre les trois personnages est non verbale mais toutefois harmonieuse, laissant s'exprimer le langage du corps et des sens, se développe alors une sorte de sororité de fait.
Toutefois, Les comportements paraissent étranges et décalés, s'écartant de l'ordinaire et surtout de la norme, confinant parfois à la folie.
La nature, dans le récit, est omniprésente, la faune et la flore jouxtent les personnages .
La nature les nourrit aussi, les trois femmes font avec, s'adaptent et s'accommodent fort bien de ce qu'elle peut leur offrir.
Le récit entremêle également comportements humains et animaux, qui se confondent parfois jusqu'à la fusion finale.
On s'interroge sur ces va-et-vient entre animalité et humanité.
S'opère alors une harmonie entre les personnages et les éléments qui les entourent.
Un récit où le rêve rejoint la réalité, l'onirisme côtoie le fantastique.
Tout au long de la lecture on s'interroge sur la réalité des événements, sur la part de soi et celle des autres, sur l'identité de la narratrice...
Qui est-elle vraiment ? Qui sont ses deux femmes qu'elle rencontre ?
Une réponse est donnée dans l'épilogue, donnant un sens à ce qui a pu égarer le lecteur...La fin reste toutefois ouverte.
Ce roman rend un hommage vibrant à la nature, interroge sur la part d'animalité que nous recélons en nous, il contient une critique de notre société consumériste, on se demande finalement si l'être humain n'est pas en train de devoir revenir à l'animalité originelle ou du moins s'il n'est pas urgent de changer la donne entre une nature au plus près de l'humain et dont il a besoin et une civilisation décadente qui le mènerait à sa perte.
Un beau récit qui interpelle, nous appelle, nous surprend, nous bouscule, pointe du doigt la décadence de nos sociétés, tout en nous permettant de rêver, roman qui ne tombe pas dans les écueils de la dystopie.
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Relancer le feu ; préparer trois tasses de chicorée. Celle de Jeanne, en porcelaine fine parsemée de hérons bleus, belle comme un vase. Celle de Stella, ébréchée et parcourue d'un fil de craquelure marron, maintes fois recollée. Enfin, ma tasse au bord doré; délicate et bourgeoise, décorée de fines roses en bouquets.
Un premier halo matinal indique qu'il [le soleil] se hisse laborieusement derrière les sommets, puis il fait une brève apparition au mitan, un soleil pâle qui ne rechauffe que le regard, avant de se remettre à décliner, de plus en plus atone, comme à bout de forces d'avoir survécu à une nouvelle journée.
Ma raison extravague et bondit en de folles poursuites. Prise d'étourdissements, je me suis allongée sur un tapis de brindilles. Je ferme les yeux ; j'ai toujours rêvé d'une ile ... Enfant, je m'imaginais déesse d'un royaume de nacre et de corail, peuplé d'animaux fantastiques et d'oiseaux m'adorant. Je me rêvais sirène entourée de chimères auxquelles les dragons prêtaient serment. Je tropicalisais la genèse et ses mythes, dans un foisonnement iconoclaste de plumes, d'anges et de pangolins. Mon Paradis à moi était romantique, païen et intranquille, un mont Olympe envahi du fourmillement palpitant du vivant, inscrit sous le signe d'un Pan revenu d'exil. Une île.
La nuit dehors est bleu foncé. J'ai été réveillée par un léger craquement sur le plancher. À tâtons je tends le bras pour vérifier si le creux à côté de moi est là. Je sens sous ma main l’ovale imprimé de la couverture en laine, encore tiède. La petite animale a dormi près de moi, collée à ma hanche, pour la troisième fois.
Alors que je m'extasiais un jour de grand vent des bourrasques qui manquaient m'envoyer à terre, me coupant le souffle et me gonflant d'allégresse, ces hôtes de passages m'avaient appris, amusés, qu'ils possédaient un terme pour ça : s'enventer, littéralement aller avec le vent. Je m'étais sentie vivifiée jusqu'aux poumons par l'idée qu'il existe un mot pour décrire ce sentiment qui vous fait courir en bord de mer ou en forêt, vous fondre dans le grand vent qui revigore et apporte la consolation.
Deuxième épisode consacré à la rentrée littéraire 2022.
Laure, Erika, Julien et Rozenn, libraires à Dialogues, vous aident à faire votre choix et vous présentent leurs derniers coups de coeur.
Bibliographie :
- La sauvagière, de Corinne Morel Darleux (éd. Dalva)
https://www.librairiedialogues.fr/livre/20911182-la-sauvagiere-corinne-morel-darleux-dalva
- Plutôt couler en beauté que flotter sans grâce, de Corinne Morel Darleux (éd. Libertalia)
https://www.librairiedialogues.fr/livre/15457452-plutot-couler-en-beaute-que-flotter-sans-grace--corinne-morel-darleux-libertalia
- Les orages, de Sylvain Prudhomme (éd. Folio)
https://www.librairiedialogues.fr/livre/20897376-les-orages-sylvain-prudhomme-folio
- Sa préférée, de Sarah Jollien-Fardel (éd. Sabine Wespieser)
https://www.librairiedialogues.fr/livre/20894185-sa-preferee-sarah-jollien-fardel-sabine-wespieser-editeur
- le Lâche, de Jarred Mc Ginnis (éd. Métailié)
https://www.librairiedialogues.fr/livre/20910804-le-lache-jarred-mcginnis-anne-marie-metailie
- Les Enfants sont calmes, de Kevin Wilson (éd. Robert Laffont)
https://www.librairiedialogues.fr/livre/20925732-les-enfants-sont-calmes-kevin-wilson-robert-laffont
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