On dirait que plus deux personnes s'aiment, plus les raisons de leurs discordes deviennent absurdes et sans importance. (p. 168)
Mon père ne s’est effectivement pas dirigé vers la grande roue. Il est simplement demeuré en retrait afin d’observer la collision à venir, tout en feignant de regarder les brochures d’un kiosque de fers plats. Car mieux vaut passer pour un coquet douteux que de se mettre entre le taureau et le gringalet en habit de satin sur le point d’être encorné.
Une des plus grandes inquiétudes de mon père a toujours été les voleurs. Depuis ma tendre enfance, lorsqu’on quitte la maison, ne serait-ce que pour une heure, toutes les portes et fenêtres sont barrées, le système d’alarme est activé, et comme il est décrit dans la discussion suivante, mon père ajoute en complément un niveau supplémentaire d’inventivité afin de déjouer les brigands potentiels.
L’automobile est un endroit parfait pour les échanges d’opinions corsés, et mes parents en ont largement profité au cours de leur vie. Le meilleur chemin à prendre, la vitesse, la bonne distance à laisser entre sa propre voiture et le véhicule qui précède, le bruit causé par le rythme des essuie-glaces, l’ouverture et la fermeture de la radio et des fenêtres, sommes-nous ou non «sur les hautes»… La liste de sujets de discorde potentiels est impressionnante.
Être parent est une grosse job. Une job pleine de bonheurs et de belles surprises, mais une job quand même. Cependant, ce n’est pas un emploi, du moins pas en termes techniques. Contrairement à un emploi, on n’a pas à soumettre son C.V. ni à passer à travers un long processus d’entrevues, et encore moins à prouver ses compétences avant d’avoir accès à l’état de parent. Mais si c’était le cas, le premier article de la description de tâches officielle du parent serait: s’inquiéter.
S’inquiéter pour la santé et le bien-être du petit, pour son avenir, pour qu’il ne manque de rien, etc. Et cette inquiétude ne disparaît jamais totalement, ni même en partie je crois.
Ma mère a une habitude qui m’a toujours beaucoup fait rire: elle annonce tout haut ce qu’elle va faire. Elle est la narratrice de sa propre vie.
Un exemple. Tout le monde est assis au salon à écouter la télé ou à lire, et elle déclare:
— Bon ben moi j’vas aller aux toilettes!
Alors elle se lève et quitte vers la salle de bain, et personne d’autre ne dit quoi que ce soit à ce sujet, habitués que nous sommes à ses commentaires aussi spontanés que futiles.
Un livre, contrairement à un spectacle, c’est un objet, ça reste, ça défie les années, ça peut être déposé en preuve devant un juge, on jure de dire la vérité en mettant sa main dessus, on peut s’en servir pour donner un coup sur la tête de son fils, etc. D’un autre côté, mon envie de publier cet ouvrage pourrait très bien se justifier par le nombre de fois où des photos gênantes de moi, jugées «cutes» par ma mère, ont été montrées à la visite sans considération pour ma fierté.
Ces artistes dont on dit que la carrière dure pour plusieurs raisons. Un mélange de talent, de travail acharné, mais également de qualités du cœur qui font que le public les adopte pour la vie.