Soyons
Il n’y aura pas de poème. Seulement l’hiver en grippe, le hurlement
des neiges poudreuses, la nuit déchiquetée, on casse des miroirs
près du fleuve, un gémissement glacial, la fracture du corps sensible,
on tournoie, on déferle, passage de la comète, son déchirement,
révélation des ferveurs prises en pain, et puis une torche au loin,
un œil de braise, le tissu nouveau sous l’écorchure. Pas de poème.
Il y aura seulement la relation aussi exacte que possible de ce mo-
ment : un oiseau commença de chanter dans la montagne. Tu sai-
sis ma main et l’enfouis avec la tienne dans la grande poche de ton
manteau.
Rien
Il n’y a rien. Rien sinon ce peu de jour qui vient
avec le jour, que l’ombre au flanc de la montagne.
Il n’y a rien. Que le vent de solitude, les petites
vagues quand on dort. On voit un enfant qui naît,
un enfant qui meurt. Puis après, rien, plus rien.
Rien que l’incroyable Voie Lactée, rien que l’arbre
qui pousse en montant. Quand on pense qu’il pour-
rait y avoir tout. Il pourrait y avoir des éveils, des
élans, des lenteurs sous les eaux, des giclements,
des vénus montées sur des bêtes blondes ; il pour-
rait y avoir des maisons ouvertes, des gens assis
dans des parcs, des amoncellements légers, qui
font rire. Mais rien. Il n’y a rien. Sauf ce tremble-
ment qui ressemble à une soif. Un regard peut-
être va luire dans un visage.
Pierre Morency propose une réflexion sur la vie intérieure à travers différents thèmes : l'argent, les enfants, le couple, la prière, le pardon, la vérité. Tissant des liens entre les grands thèmes de la vie, il nous engage à choisir nos vérités personnelles pour écrire notre propre définition du monde.