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Critique de JustAWord


Encore inconnue en France, la canadienne d'origine mexicaine Silvia Moreno-Garcia s'est déjà taillée une belle réputation Outre-Atlantique. C'est avec l'un de ses dernier romans, Mexican Gothic, qu'elle a remporté le prestigieux Bram Stoker Award et le prix Locus du meilleur roman.
Encensée par la presse américaine, Mexican Gothic sort aujourd'hui chez Bragelonne dans une traduction signée Claude Mamier.
L'occasion pour le lecteur de s'aventurer dans High Place dans une atmosphère gothique qui donne la chair de poule.

You're my only hope…
Tout commence par une étrange lettre dans laquelle Catalina, épouse de Virgil Doyle, explique à sa cousine Noemi Taboada qu'on essaye de l'empoisonner et que les fantômes rodent au manoir de High Place.
Envoyée par son père pour tirer la situation au clair, Noemi débarque donc dans l'imposante demeure de la famille Doyle au coeur de la campagne mexicaine, bien loin de l'effervescence mondaine du Mexico des années 50.
Elle y découvre une demeure impressionnante mais qui semble bien loin de sa gloire passée. Les mines d'argent qui ont fait la fortune de la famille Doyle sont désormais fermées et le vieux patriarche, Howard, semble particulièrement diminué.
Quelques jours après son arrivée, Noemi commence à faire des rêves étranges qui tournent de plus en plus aux cauchemars tandis que l'ambiance qui règne à High Place pèse comme une chappe de plomb sur l'enquête de la jeune femme à propos de l'état de santé de sa cousine Catalina qui serait atteinte d'une forme bien étrange de tuberculose…
Tout en atmosphère, Mexican Gothic nous convoque à un voyage aux portes de l'horreur dans un endroit à la fois exotique — la campagne mexicaine — et familier — le manoir hanté anglais. Se revendiquant ouvertement des Hauts de Hurlevent ou de Rebecca, le roman offre une place particulièrement importante à l'impressionnante High Place, un lieu à la fois inquiétant et fascinant pour le lecteur où les secrets s'accumulent.
Des secrets étroitement liés à la famille Doyle et à son histoire, une famille anglaise qui a fait fortune en exploitant les pauvres paysans et miniers mexicains des alentours et qui vit désormais recluse dans un lieu figé où il est interdit de parler pendant les repas, où partir en ville ne semble jamais raisonnable et où le cimetière tout proche rappelle les multiples drames subis/causés par la famille.
Dans ce cadre brumeux, Noemi va affronter un mal qu'elle n'avait jamais imaginé rencontrer un jour.

Le pouvoir change de mains
Brillamment rythmée et construit de façon à distiller de façon très progressivement les indices quant à la véritable nature des lieux et de la famille Doyle, Mexican Gothic est aussi, et peut-être même avant tout, une chronique de femmes.
Des femmes qui prennent conscience de leur propre force et de leur propre détermination pour tenir tête au destin…et aux hommes qui les entourent.
Ce sera le cas de Noemi qui affronte non seulement la glacialité cordiale de Florence mais aussi la violence de plus en plus évidente de Virgil Doyle.
Silvia Moreno-Garcia nous parle d'une époque où la femme n'avait même pas le droit de vote au Mexique, et où elle sert encore « d'objets à marier ».
Noemi est la parfaite incarnation de la jeune femme mondaine qui refuse le jeu qu'on lui impose et se retrouve donc cataloguée comme vulgaire ou insolente. La place de la femme ne se limite plus à osciller entre la docilité et l'hystérie mais bien à prendre les choses en mains, à résister. Que ce soit Noemi, moteur de l'histoire et héroïne du roman, ou sa cousine Catalina qui résiste envers et contre tout malgré sa solitude et son isolement…ou encore Ruth lorsqu'elle décide de prendre les armes pour se libérer de la famille Doyle.
Mexican Gothic est à la fois l'histoire d'une femme qui mûrit dans sa façon de percevoir et de jouer avec les hommes mais aussi celle d'une femme qui refuse l'autorité et l'emprise de l'homme sur sa façon de penser et d'aborder le monde.

Le riche parasite
Au milieu de ça, Silvia Moreno-Garcia délivre un message sur la lutte des classes et l'exploitation des pauvres par les riches, sur l'anonymisation de la souffrance et du sacrifice de ceux qui n'ont rien comparés aux riches qui auront droit au cimetière et aux pierres tombales, pas aux fosses communes.
Dans Mexican Gothic, le riche est un parasite qui se nourrit de l'autre, et l'autrice parvient, littéralement, à le faire paraître comme tel.
C'est aussi une histoire sur une certaine vision de la pureté familiale, sur l'eugénisme et ce qu'engendre l'enfermement sur soi-même, à savoir la cruauté et la haine de l'autre. Sans parler des nombreuses autres déviances de la famille Doyle qu'on laissera aux lecteur le plaisir de découvrir.
Résister à l'ordre établi, qu'il soit patriarcal ou social, c'est finalement le mot d'ordre de ce récit où le mal, insidieux et roublard, ne sera combattu que par la force de caractère de quelques femmes bien décidées à brûler l'ancien monde.

Très bon roman gothico-horrifique, Mexican Gothic est autant une histoire malicieuse sur le contrôle et sur le libre-arbitre qu'une réflexion sur le rôle de la femme et sur ses possibilités. Silvia Moreno-Garcia captive et donne la chair de poule à qui osera faire un détour par High Place…
Lien : https://justaword.fr/mexican..
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