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EAN : 9782864328858
192 pages
Verdier (25/08/2016)
3.54/5   25 notes
Résumé :
Un homme décide de fuir la sombre et douloureuse gangue qui lui tient lieu d’existence. Il renonce à tout.
Après une longue errance en voiture, il finit par trouver refuge dans un hôtel au bord de la mer où il vit caché.
La touffeur de l’été enflamme l’air. De petits feux explosent, çà et là, au long de la côte. Une nuit, un épouvantable incendie menace l’hôtel. L’homme parvient à se sauver sur une falaise désertique d’où il observe le terrible spectac... >Voir plus
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"En ce temps-là, j'étais complétement malheureux. Dans ma vie j'avais tout faux, j'avais tout raté. J'étais seul. Je l'avais compris tout à coup, par une nuit de pluie battante où je n'arrivais pas à dormir et ça m'avait anéanti. Il n'y avait pas de liberté autour de moi, il n'y avait pas d'amour. Tout. n'était qu'aridité, asservissement vide, la vie ressemblait à la mort."

Ainsi débute "Les incendiés" où l'on va assister au retournement total de la situation de cet homme grâce à la rencontre d'une femme qui lui apparaît lors d'un incendie :
"Elle ne disait rien, elle me regardait simplement, paisiblement, ses yeux et son visage illuminés par l'éclat du feu, avec cette confiance totale qui peut naître entre des êtres qui se trouvent face à un incendie même s'ils ne se sont pas vus auparavant dans leur vie." Et elle lui demandera alors dans un murmure : "Veux-tu brûler avec moi ?"

Les Incendiés vont être la réponse à cette question, le récit d'une passion déchirante née entre cet homme et cette femme qui se réalise dans une longue fusion ignée, flamboyante. La femme aux dents d'or est à la fois Lilith et Eve, elle est esclave et reine. Ils s'unissent dans une frénésie et un déchainement tels qu'ils atteindront une dimension cosmique, un point de fusion semblable à celui des étoiles qui peut aboutir à la destruction du cycle infernal de l'esclavage séculaire qui méne le monde et qui a été grandissant jusqu'à notre société pervertie et assassine.
Ils communiqueront leur embrasement au monde nocturne des morts et dans une ultime déflagration parviendront à la liberté que donne l'acceptation de la brûlure de la Vie.
J'ai pensé à la fin de cette lecture à ce beau passage tiré du Gai savoir de Nietzsche
"Oui, je sais d'où je viens
Inassouvi comme la flamme
J'arde pour me consumer.
Ce que je tiens devient lumière
Charbon ce que je délaisse :
Car je suis flamme assurément."

Un livre incandescent, violent et poétique.

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La Feuille Volante n° 1120
Les incendiésAntonio Moresco – Éditions Verdier.
Traduit de l'italien par Laurent Lombard.

Dès la première ligne, le ton est donné : le pessimisme face au monde absurde dans lequel le narrateur dont nous ne saurons rien sauf qu'il a été soldat et qu'il circule armé, tente d'exister. Il dénonce l'absence d'amour, l'inexistence de la liberté, la prédominance du mensonge entre les hommes et les femmes, la réalité de la mort, son échec personnel. Ayant ainsi pris conscience de la déliquescence générale, il s'est naturellement coupé de ce monde « foutu » qu'il quitte et la solitude volontaire qui en résulte le plonge dans un abîme de réflexions délétères. C'est la période des grandes migrations vacancières et il décide lui aussi de quitter la ville, de rejoindre le bord de la mer où les corps à demi dénudés des femmes offerts à sa vue font naître en lui des fantasmes très forts. L'hôtel où il réside s'enflamme et, réfugié sur une falaise hors de portée du brasier il rencontre une femme, slave, blonde aux dents d'or qui lui avoue avoir mis le feu pour lui, puis, comme une vision, elle disparaît.  Elle ne reviendra que dans son rêve, un peu comme si elle évoquait à elle seule toutes celles qu'il avait croisées ou étreintes, comme si elle devenait obsédante, envoûtante même. Les termes sont intensément érotiques et sa solitude volontaire est souvent troublée par la vue d'une femme, la même que celle de l'incendie. Il se souvient des passantes qu'il a simplement aperçues, des détails de leur visage et de leur corps, parle de l'émoi qu'elles ont suscité. L'image du feu est associée à la passion amoureuse et l'épilogue « flamboyant » vient conforter cette impression, mais aussi à l'acte sexuel évoqué avec force détails pornographiques voire scatologiques et lié à l'or de la denture comme un symbole impossible à atteindre. Il y a en permanence ce mélange d'émotions subtiles et d'évocations crues, un peu comme si le narrateur, dégoûté de cette vie, se réfugiait dans le rêve et dans ses souvenirs.  Dans les images de cette femme qu'il rencontre physiquement ensuite, il y a cette notion de dépaysement, d'éphémère rencontre, cette douceur et cette violence dans l'étreinte, ce mystère et cet esclavage qui les entourent, dans une sorte de halo fugace où se conjuguent recherches et découvertes, quête effrénée de cette compagne face à la fragilité de la vie, faiblesse de l'enfant et maturité de l'adulte, obsession du corps féminin et de l'amour bestial et délirant, conçus sans doute comme une addiction pour échapper à l'absurde de l'existence et aussi à la mort. Il se souvient alors de la vision nocturne d'un couple enlacé mais dont l'homme menaçait sa partenaire d'un pistolet, une arme létale qui va revenir dans le texte, une histoire de femme tellement mystérieuse qu'on se demande si tout cela n'appartient pas au rêve !

Tout au long de ce roman déjanté et gore, j'ai ressenti un réel malaise entre la poursuite de cette femme belle et désirable, comme un fantôme énigmatique dont la sensualité n'a d'égal que sa volonté de tuer, le besoin d'amour de cet homme désespéré mais présenté comme irrésistible, ces corps féminins désirables, cette violence aveugle et maffieuse, cette luxure distillée à chaque page dans une atmosphère d'esclavage, de soumission, de crainte et de destruction définitive de cette société à laquelle le narrateur et sa compagne n'échappent que sous la forme de morts-vivants. Pourtant, telle n'avait pas été mon impression lors d'une rencontre avec Antonio Moresco et Laurent Lombard, l'auteur ayant eu des propos apaisés avec une image presque effacée. le cheminement du narrateur avec sa compagne parmi les morts qui ne le sont pas tout à fait, n'est par ailleurs pas sans évoquer la descente de Dante aux enfers. Devant les frustrations sexuelles et l'obsession de la mort de l'auteur à travers d'improbables combats meurtriers de vivants contre des morts, j'ai été partagé entre la sincérité de la confession de son érotomanie et sa fascination pour une certaine violence armée, je me suis interrogé sur l'exorcisme de l'écriture, le refoulement et la culpabilisation. J'ai pensé que ce parti-pris de rejet était peut-être lié à son parcours personnel et littéraire difficile et tortueux, entre séminariste, ouvrier prolétaire et activiste politique. Même si l'épilogue vient donner un certain espoir en forme de conclusion à ce roman dérangeant et peut-être une réponse à ses interrogations et à ses angoisses, je n'ai que très peu goûté son style cru et le déroulement déconcertant de cette fiction, même si, par certains côtés, je suis moi aussi admirateur de la beauté des femmes et que je déplore, de plus en plus cette société sans repère ni boussole qui est la nôtre, surtout actuellement.

Je suis peut-être passé à côté de quelque chose qui par moments a des connotations épiques mais surtout apocalyptiques et orgiaques et à d'autres périodes présente des côtés étrangement oniriques, entre désespoir et obsession, violence, destruction et amour fou, le tout aux marches de la réalité. Je n'ai peut-être rien compris à ce récit tressé avec une une prose narrative allégorique et fantastique, élément d'un triptyque romanesque que l'auteur lui-même présente comme le mouvement d'une symphonie. L'auteur a pourtant fait l'objet d'un colloque en Sorbonne en 2015 et est considéré comme un grand écrivain italien. J'ai en tout cas eu une pensée pour le traducteur de ces textes et la difficulté qu'il a pu avoir entre « traduction et trahison » [« dradure-tradire » comme le disent si bien nos amis Italiens].

C'est ma deuxième approche de l'oeuvre de Moresco qui fait suite à « Fable d'amour » (La Feuille Volante n°993) et qui m'a laissé quelque peu dubitatif.

© Hervé GAUTIER – Mars 2017. [http://hervegautier.e-monsite.com]
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Antonio Moresco est auteur contemporain Italien, riche d'émotion où se côtoie romanesque et fantastique avec un soupçon d'amertume sociétale. Dans son roman Fable d'amour de 2013 publié et traduit en français en 2015, ce duo antagoniste du fantastique et de l'amour dans un monde brutale permet de lier avec justesse et tendresse les sentiments amoureux entre les humains perdus dans un monde qu'il gangrène à leur ainsi.
Les incendiés, son dernier opus entrecroise ses thèmes favoris, ceux qu'il affectionne au plus profond de son âme, d'un passé multiple, d'une enfance modeste où la religion et la politique auront une part privilégiée puis la multitude de petits travaux avant de glisser par la passion de l'écriture.
Les incendiés comme Fable d'amour caresse avec passion la solitude amoureuse de deux êtres solitaires dans une union charnelle fusionnelle s'enfiévrant dans le cocon de leur libido sans fin.
Ce monde D'Antonio Moresco reste cruel, seul l'amour affronte la mort avec délice et fantasmagorie, un road movie moderne apocalyptique, les morts, les fusillades, les poursuites, les corps en concupiscences s'enchainent comme un caléidoscope psychédélique.
Ces deux êtres traversent la vie dans le tumulte absorbant de leur sentiment, accrochés dans le mutisme d'une vie antérieur, une douceur se palpe dans cet amour tourbillonnant tel un tsunami dévastant le monde en le submergeant de cette attraction universelle.
Ils sont dans l'osmose de leur fusion charnelle, Antonio Moresco distille la chair avec érotisme cannibale, une morsure de la peau, un scanner des viscères, dissèque de l'intérieur les corps, la mastication, la digestion, la défécation, l'horloge de l'homme devient sa vision, une machine vivante d'os, de peaux, d'organes….
La société est une enclave de l'asservissement, l'homme esclave de son esclavage, chacun prisonnier de l'un, maitre de l'autre, comme une oscillation de la liberté impossible, l'esclavage est l'outil de la domination humaine, un monde privé d'indépendance, le rouage immuable de l'homme tel le Mythe de Sisyphe, l'absurdité de la vie.
Un roman léger comme un baume pour cicatriser de la morosité du moment, une histoire d'amour où l'érotisme se marie avec la féerie des corps. Antonio Moresco aime la puissance du corps à corps, celle interdite de la sodomie souvent décrite comme un puissant filtre d'amour charnel.
La création du monde est-elle celle d'un incendie entre deux corps, la fusion d'un amour éternel ?
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La brûlure bouleversante de l'amour dans un monde en feu. Incandescent et fantastique.

Antonio Moresco, dans les trois romans que nous avons la chance de pouvoir lire en français grâce aux éditions Verdier et aux traductions merveilleuses de Laurent Lombard, place ses personnages d'emblée dans des situations de perdition et de questionnements extrêmes : solitaire, dans une grande souffrance inexprimée et coupé du monde pour le personnage central de «La petite lumière», sans domicile, perclus de douleur et de saleté pour celui de «Fable d'amour».

Dans «Les incendiés», roman publié en 2010 et en français en août 2016, le narrateur est désespéré, en perdition en même temps que ce qui l'entoure, totalement seul dans un monde «entièrement foutu».

Cet homme anonyme dont on ne saura presque rien si ce n'est qu'il a été soldat, comprend brutalement un jour qu'il doit changer sa vie. Il s'enfuit en voiture de son domicile, roule sans but avant de se terrer dans un hôtel en bord de mer. Les hommes et des femmes qu'il y croise lui apparaissent comme des animaux blessés, avec leurs orifices comme des blessures vers leurs intérieurs fétides, dans un monde trop sec, où les incendies menacent, la sécheresse des coeurs et du climat semblant ici se confondre.

La suite sur mon blog ici :
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Pas facile de parler de ce livre surprenant. Antonio Moresco flirte avec la réalité et l'onirisme puissance 10. Même postulat de départ que dans « Fable d'Amour ». Un homme d'âge mûr est sauvé par une belle jeune femme.

« En ce temps-là, j'étais complètement malheureux. Dans ma vie j'avais tout faux, j'avais tout raté. J'étais seul. Je l'avais compris tout à coup, par une nuit de pluie battante où je n'arrivais pas à dormir, et ça m'avait anéanti. Il n'y avait pas de liberté autour de moi, il n'y avait pas d'amour. Tout n'était qu'aridité, asservissement, vide, la vie ressemblait à la mort. » Suite à ce triste constat, le narrateur s'enfuit et se retrouve dans une cité balnéaire. Des incendies éclatent tout autour jusqu'au jour où c'est l'hôtel qui brûle. L'homme s'enfuit avec les autres jusqu'à une falaise « C'est alors qu'une chose inimaginable s'est produite. » Une femme s'est arrêtée près de lui « Regarde… J'ai incendié le monde pour toi ! a murmuré l'instant d'après une vois à l'accent étranger. » Puis elle disparait comme elle est venue. Il n'aura de cesse de la retrouver. Cette femme aux dents en or l'obsède jusque dans ses rêves. Ils se cherchent, se trouvent, se perdent. Un soir, elle le conduit dans le domaine du Maître. L'apparition est une des esclaves, oui c'est ainsi que le chasseur d'esclaves appellent les personnes qui l'entourent et le servent. Son rôle auprès du Maître n'a rien de sexuel, « Je ne mâche pas la nourriture, il m'a dit tout à coup, approchant tout près de moi sa tête tandis que je le regardais sans broncher pétrifié. C'est elle qui mâche pour moi. Je ne prends la nourriture que d'elle. Tout ce qui entre dans ma bouche est d'abord passé par sa bouche. » Lieu de débauche, de sexe, de trafics, de drogue, de mafias, de perversion. « Des truands, des blanchisseurs d'argent, des mafieux, des requins de la finance, des politiques, des pétroliers, des oligarques, qui cherchent dans la merde leur petite place dans le monde » Un monde violent où le chasseur d'esclaves est le dominant et le maître absolu, où la soumission est la règle d'or. le narrateur et la jeune femme périront ensemble après une débauche d'armes à feu, de tirs, de morts (dont, peut-être, le chasseur d'esclaves) et se retrouvent à la morgue d'où ils s'échappent pour partir en voyage de noces en Croatie. Les amoureux circulent à travers un paysage très semblable à la normale, sauf qu'il y fait toujours nuit.

- « Ils sont où les vivants ? je lui ai demandé. Dans quel monde on est ?

- Dans le monde des morts.

- Mais il n'y a plus de vivants ?

- Bien sûr qu'il y en a !

- Alors pourquoi on ne les voit pas ?

- Parce qu'on est de l'autre côté, parce qu'on est morts.

- Mais le monde est toujours le même !

- C'est le même, mais il est de l'autre côté.

- Donc on ne verra pus les vivants ?

- Oh si… on les verra, à la fin ! »

Ils roulent en direction de la Tchétchénie via La Croatie, la Serbie entraînant derrière une file de voitures aux phares allumés qui grossit au fur et à mesure qu'ils avancent. « alors que grandissait toujours plus la galaxie des lumières qui flottaient dans la nuit, de tous ces morts qui se remettaient en route derrière nous » .Je traverse, avec la horde, les pays ravagés par les guerres menées par la Russie pour rasseoir sa domination. Là, ils déclarent la guerre aux vivants. Des pages d'une bataille dantesque « Nos rangs augmentaient de plus en plus, se nourrissant toujours de nouveaux morts ».

Antonio Moresco flirte avec l'au-delà, réussit le tour de force de rendre possible l'invraisemblable dans un langage cru, violent, sans interdit, quelque fois choquant. Aucun filtre n'épargne le lecteur, rien n'est épargné aux personnages. Il dénonce la toute puissance de l'argent qui emprisonne les plus faibles. Il dénonce les ravages, les horreurs de la guerre.

Un roman foisonnant, où le délire est très réel, où l'auteur dénonce l'esclavagisme qui ne porte pas son nom, le pognon des gros qui emprisonne les faibles, les petits, un monde sous la domination des puissants « Des gens comme moi tirent les ficelles du monde, pour un moment, encore pour un moment, jusqu'à ce qu'on fabrique les esclaves en série, je vous l'ai dit, et puis les esclaves s'autoproduirons tous seuls, ils s'autoproduisent déjà, et alors ce sera la fin de l'esclavage et de la vie, il n'y aura plus de vie parce qu'il n'y aura plus d'esclavage, il n'y aura plus rien ». Un livre traversé par l'éclat d'un immense amour.

Comment, moi qui n'aime pas les zombies, les films d'horreur ai-je pu être si favorablement impressionnée par ce livre ? L'écriture, le style d'Antonio Moresco ! Je ne pouvais lâcher le livre, happée, hypnotisée par les mots.
Lien : https://zazymut.over-blog.co..
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Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
Je suis Russe, j’ai fait mes premières armes avec les gars de Solntsevo, j’ai été bien formé. Mais je suis aussi l’héritier des pillards afghans qui sillonnaient les montagnes et les déserts en attaquant les caravanes et en réduisant à l’état d’esclaves des hommes, des femmes, des enfants, à qui ils coupaient le nez, les oreilles… Tout le monde fait la grimace en entendant ça. Mais qu’est-ce qui se passe aujourd’hui ? Il n’y a jamais eu dans le monde autant d’esclavage que maintenant, dans le marché mondial du travail, entre les nations et les races, dans la criminalité, dans l’économie, dans la politique. Ils courent tous vers moi en me suppliant de les prendre pour esclaves. Et demain ? Qu’est-ce que vous croyez ? De nouvelles formes d’esclavage se préparent, qui feront pâlir celles d’aujourd’hui. Alors ils n’auront même plus besoin de soumettre et de dresser les esclaves, ils les fabriqueront, ils les cloneront et les dupliqueront directement, par stocks entiers, tout le monde voudra avoir son esclave, même les esclaves. On doit déjà en fabriquer quelque part, qu’est-ce que vous croyez ? (...) le monde entier, toute la vie, ne tient que parce qu’il y a l’esclavage. La vie est esclave de la mort, la mort de la vie, les femmes sont esclaves des hommes et les hommes des femmes, le cerveau est esclave du cœur qui pompe le sang et le cœur du cerveau, l’intestin est esclave de l’estomac et l’estomac de l’intestin, le trou du cul est esclave de la bouche et la bouche du trou du cul, les khui… comment vous les appelez, vous ? ah, oui, les bites ! Les bites sont esclaves des pizdy… des chattes, les chattes des bites, les chiens sont esclaves des hommes et les hommes des chiens, et nous tous on est esclaves de l’oxygène qu’il y a dans l’atmosphère… Sans l’esclavage il n’y aurait pas de vie, et les systèmes politiques, économiques, religieux, culturels n’existeraient pas. Les hommes ont peur du chaos et la seule chose qui les sauve du chaos c’est l’esclavage et les chaînes de l’esclavage, parce qu’ils ne sont pas libres, parce qu’ils ne peuvent l’être, parce qu’ils ont peur de vivre, plus encore que d’être esclaves du chaos…
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Regarde…, j’ai incendié le monde pour toi ! a murmuré l’instant d’après une voix à l’accent étranger.
Et d’un large geste de ses mains et de ses beaux bras, si souples et si blancs, elle m’a montré l’amphithéâtre de la côte en flammes.
Tout autour le feu, et nous deux, là, inconnus jusqu’à l’instant d’avant, l’un près de l’autre, au cœur de la flamme, là où la flamme ne brûle pas.
C’est difficile à faire comprendre avec des mots. Ça ne vous est jamais arrivé de rencontrer une personne inconnue, dans un moment de la vie où vous n’étiez plus présents à vous-mêmes, où vous ne coïncidiez plus avec vous-mêmes, et d’éprouver pour elle un bouleversant sentiment de proximité et de fusion, comme si pendant un instant s’était ouverte, on ne sait où, une fissure qui vous a fait voir une réalité complètement différente, que vous aviez sous les yeux mais que vous n’arriviez pas à voir jusqu’à l’instant d’avant ?
— Tu veux brûler avec moi ? elle a murmuré encore, tout à coup, approchant infiniment près son indescriptible visage blanc animé par le feu.
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Je ne saurais dire comment ça a débuté. Les rêves n'ont ni début ni fin, si d'ailleurs début et fin existent.
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On marchait, toujours enlacés devant la batterie d'ascenseurs, et tout était éclairé, y compris les cages béantes des ascenseurs, les couloirs feutrés, toutes les chambres de l'hôtel, à chaque étage, me semblait-il, vu l'éblouissement qui s'était créé autour de nous, et sans doute que le chauffeur n'avait pas allumé que le hall mais l'ensemble de cet énorme bâtiment en manoeuvrant dans le noir un interrupteur général qui éclairait d'un coup tout l'hôtel.
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-Pourquoi tu as incendié la côte ? j'ai essayé de lui dire, parce que j'avais toujours en tête l'image de son visage tel que je l'avais vu la première fois dans le noir, illuminé par l'éclat du feu.
-Parce que je voulais brûler avec toi !
-Et pourquoi précisément avec moi ?
-Parce que j'ai compris que tu étais aussi désespéré que moi.
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