Le capitalisme est violent, brutal, sans pitié et meurtrier. Si vous n'en êtes pas convaincu, ce roman va tenter de vous en persuader. Enfin, ce n'est pas le but premier de
Market Forces, mais son postulat de base. le monde décrit par
Richard Morgan, l'auteur d'Altered Carbon (trilogie également parue chez Bragelonne, puis déclinée en série chez Netflix), est un monde dans lequel les « requins » de la finance ont gagné en Grande-Bretagne. Les grandes compagnies font la loi. Un classique des oeuvres de science-fiction, qu'on retrouve en partie dans cette division en deux mondes : le riche, avec ses cités luxueuses, et ses zones, vastes banlieues où aucune force de l'ordre ne fait respecter la loi. Cette séparation était visible, de façon très schématique dans la série américaine Incorporated (de David & Alex Pastor – 2017).
Schématique, cet adjectif convient aussi parfaitement à ce roman.
Richard Morgan n'est pas connu pour faire dans la dentelle et ce roman (qui date de 2004) en est un parfait exemple. Les méchants sont de grosses brutes alcoolisées au dernier degré, amateurs de violence, n'hésitant pas à tuer quand ils doivent faire place nette ou prouver leur virilité (même les femmes, malgré le problème étymologique). Leur seule raison d'être est de faire des bénéfices. Ce genre de personnages est, lui aussi, très habituel, que ce soit en science-fiction, mais aussi dans la littérature en générale. Ou sur écrans. Les séries évoquant le monde de la finance en sont remplis. La série européenne Devils en est un bon exemple, avec le personnage joué par Patrick Dempsey, que personne n'a envie d'avoir pour ennemi. Je parle beaucoup d'écrans dans cette critique concernant une oeuvre littéraire. C'est normal :
Market Forces devait être un scénario avant d'être un roman. Et cela se ressent dans la narration, hyper rapide, avec des actions qui s'enchainent, des scènes violentes décrites de façon cinématographique, quelques rapides passages psychologiques. Et, tout de même, quelques scènes d'activisme avec le beau-père du héros, Chris, révolutionnaire sans espoir. D'ailleurs, à la fin du roman, l'auteur propose une rapide bibliographie où l'on trouve aussi bien du Noah Chomsky (mais où ne trouve-t-on pas du Chomsky?) que du
Joseph Stiglitz ou du
Michael Moore. Est-ce une simple caution morale ou
Richard Morgan est-il convaincu des horreurs du capitalisme sauvage, je ne saurais dire. Mais s'il y croit, il est fort dommage qu'il ne soit pas capable de mieux pour réveiller les consciences. Car
Richard Morgan utilise la grosse Bertha, pas moins.
Market Forces nous propose un portrait au vitriol de ce que pourrait devenir la société britannique si elle laissait la City prendre le pouvoir : les grandes sociétés dirigent ouvertement les révolutions et les dictatures des pays autrefois dits « sous-développés », vastes terrains de jeux des marchés financiers pour engranger le maximum de bénéfices. Et donc, sans aucune pitié pour les habitants, qui ne valent rien, qui ne sont même pas considérés comme des êtres humains. Un problème ? On envoie des snipers, voire des bombes. Et tant pis pour les dégâts collatéraux. Mais la violence ne touche pas que les pays lointains puisque les conflits, entre employés de ces grandes firmes, se résolvent à coup de combats par voiture interposés. de vrais cowboys du bitume, descendants de Mad Max ! de vrais « héros » de jeux vidéos ! On peut pendant quelques pages se dire que cela va décoller, mais non ! Car si le constat présente des traces de vérité, que de caricatures, que de schématisme ! Il faudrait vraiment que cet auteur apprenne la finesse et réfléchisse davantage avant de pondre un roman agréable à lire au début, mais uniquement si on veut passer un moment de détente sans n'avoir aucune exigence psychologique, sans espérer de retournement salvateur, mais plutôt une descente lente et pénible aux enfers.
Market Forces est, en définitive, un pavé qui finit par devenir plus que longuet et laisse, à la fin, un goût amer au fond de la bouche. Pas ma tasse de thé !
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