Martha sait que les enfants n'aiment pas imaginer la sexualité de leurs parents, encore moins celle de leurs grands-parents. Mais quelle sexualité, d'abord ?
- Oui, [je vais avoir la visite de] l'homme idéal, mon Sam, comme toi. Mais qui en plus aime lire.
- C'est quoi, l'homme idéal ?
- A vrai dire, il n'existe pas. Il faudrait parler de « l'homme parfait pour moi ». Ce n'est pas un absolu.
- Donc, pour toi, c'était pépé ?
- Je l'aimais mais il avait ses défauts. Il pouvait être dépressif, morose, renfermé, silencieux...
- Mais tu es restée avec lui.
- Il était brillant, drôle, boute-en-train... éblouissant !
- Dr Jekyll et Mr Hyde ?
- Oui. Il y a toujours plusieurs facettes chez tout le monde. Toi non plus, tu n'es pas toujours de bonne humeur, ni moi. Pépé a eu une enfance tragique qui a laissé des traces. Mais quand il entrait dans une pièce, le soleil se levait pour moi.
- Tu ne t'es jamais sentie flouée ?
- Ça m'est arrivé. Je fantasmais sur un mari qui aurait été mi-Fred Astaire entrant dans une pièce en dansant, mi-Einstein, mi-Freud, mi-Moïse...
- Ça fait beaucoup de moitiés, mamie.
- C'est bien le problème ! On ne peut pas tout avoir dans un seul homme.
(p. 161-162)
Sam a pris un peu goût à la lecture, car il a découvert que les livres vous emmènent loin de la réalité, ou tout près de la réalité, mais par pages interposées.
(p. 167)
Elle est contente quand les enfants viennent, mais encore plus contente quand ils partent. En cinq minutes de leur présence, son "ordre", qui n'est autre que son immense pagaille à elle, se trouve démoli. (p. 11)
Elle a enseigné toutes les classes, de la maternelle au CM2, mais c'est cette dernière qu'elle aimait le plus. Les enfants étaient encore jeunes et d'une grande fraîcheur tout en étant assez mûrs pour aborder tous les sujets.
C'était parfois rude, même si elle avait des enfants plutôt sages dans un quartier huppé. Les riches aussi ont leurs problèmes.
Elle se demande encore où elle a puisé l'énergie pour tenir pendant quarante ans. Ca fait seulement huit ans qu'elle ne connaît plus les réveils de bonne heure et les journées surchargées.
Tu n'aimes pas lire ? C'est que tu n'as pas encore rencontré LE livre qui te parle personnellement. Pour enrichir ta vie, pour connaître le monde, rencontrer des gens et vivre des situations nouvelles, rien ne vaut la lecture. Les livres sont des boîtes à outils. Chaque histoire que tu lis te change d'une façon ou d'une autre. Tu deviens un apprenti de la condition humaine.
Elle avait pourtant sa routine : déjeuner à 13 heures en écoutant le journal de France Inter. Sa journée était rythmée par les émissions de radio. Elle connaît tous les journalistes, les humoristes, les animateurs. La radio est " son éducation permanente", son université du troisième âge, et son divertissement.
Depuis qu'elle ne s'en cache plus, Martha a déménagé son ordinateur à la cuisine et elle tape ses messages en faisant la cuisine. Si elle entend le "pingggggg" bien-aimé quand elle épluche les carottes, elle lâche tout, s'essuie les mains et lit le message.
(p. 145)
- Tu m'as toujours accusée d'être une mauvaise mère.
- En grand-mère, tu t'es améliorée.
(p. 9)
Les grands-mères sont une denrée périssable. (p.184)
Quand elle était seule, Martha ne faisait pas les courses tous les jours. Rien ne la pressait. C'est le plus grand luxe : prendre son temps. Étendre le linge, repasser, ranger, tout est supportable quand on le fait à son gré. (p.44)