Et c'est ainsi que l'artiste invente ; idéaliste ou réaliste, c'est toujours dans les entrailles de la Nature qu'il faut qu'il plonge pour y voir ce qu'avant lui personne n avait vu et ce que lui seul y peut voir. Car la Nature, telle que l'artiste la voit, n'existe que pour lui, sinon en lui seulement.
Mais recherchons, je le veux bien, la part d'invention do Rodin ; seulement, sur ce mot : "Invention" évitons de nous tromper. Rodin lui-même se défend de jamais inventer. A ses propres yeux, sa seule gloire est de mériter ce titre que les admirateurs de Giotto lui donnèrent : Disciple de la Nature. Or, c'est tout juste dans la proportion de sa docilité, de sa fidélité, que le disciple de "la Nature" est inventeur. Inventer, ce n'est pas faire quelque chose avec rien, c'est produire à la lumière la merveille qui, cachée dans les ténèbres de la matière ou de l'esprit, était jusqu'alors comme si elle n'était pas.
L'oeuvre de Rodin est une œuvre, à la fois, de révolte et de piété.
Révolte sereine et piété ardente.
Il s'est affranchi, il a libéré son art de mille sujétions, artificielles, mais très fortes, qui représentent, par une transposition rigoureusement exacte, la correspondance du mensonge social au mensonge académique.