Comment vivre parmi les autres ?
Au croisement de nombreuses disciplines (biologie, philosophie, géographie, géopolitique, éthique, éthologie ...),
Baptiste Morizot nous parle de diplomatie inter-espèce et nous invite à repenser nos rapports aux vivants non humains et plus largement à la vie.
Lorsque des éleveurs s'insurgent contre l'attaque de leurs troupeaux par les loups et proposent d'éradiquer les loups, l'auteur nous propose ici une nouvelle façon de cohabiter avec les loups en établissant avec eux une relation nouvelle dite diplomatique.
L'idée pourrait surprendre tant elle est éloignée des deux principaux courants de pensée. le premier, le plus ancien, est le grand partage qui repose sur la séparation des humains et de la Nature où les sociétés humaines se sont extraites de la Nature et la Nature qui se retrouve comme une réserve de moyens où le progrès consiste à mieux s'approprier cette Nature.
Le second est récent et caractéristique d'un certain anthropocène qui prétend que nous sommes dans entrés dans un monde « post-nature »/hybride où la Nature ne serait plus discernable de nous, mais coconstruite par l'activité des humains, si bien que plus rien nous n'est inaccessible/étranger. Se retrouve ainsi abolit l'intact et l'isolé, le sauvage.
Pour concilier ce paradoxe de nature sauvage intacte et la cohabitation nécessaire, que la « cohabitation diplomatique » prend tout son sens.
Cette relation diplomatique repose essentiellement sur la négociation inter-espèce qui en est le coeur. Pour cela, il suffit que l'interlocuteur « soit social, territorial, intelligent. Il n'est même pas nécessaire qu'il veuille négocier. Il suffit qu'il sache recevoir des messages ».
Pour que cette négociation soit efficiente, l'auteur décrypte pour nous les comportements du loup et propose des stratégies concrètes pour une meilleure cohabitation avec les loups, comme par exemple en dissuadant une meute de s'aventurer dans des pâturages en déployant d'invisibles frontières d'odeurs mimant la présence d'une meute rivale.
Ce livre est fort intéressant puisqu'il développe une véritable réflexion écologique appliquée au champ politique incluant les animaux. Il n'est plus question d'une confrontation dualiste entre deux pôles séparés et antagonistes (nature et humains), ni même d'hybridation mais plutôt de cohabitation entre des humains et d'autres cohabitants non humains qui sont parmi nous mais « par eux-mêmes ».
Il raconte ainsi quel type de relation envisager envers des êtres qui ne sont plus seulement des ressources, ou des choses, et qui sont entrelacés à nous de manière indiscernable, mais sans y perdre leurs altérités.
Ce genre de pensée me semble donc adapté aux conflits qui nécessitent de négocier avec les vivants non humains et ne permet sans doute pas d'appréhender tous les enjeux écologiques issus de l'activité humaine.