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EAN : 9782918490555
Wildproject Editions (26/03/2016)
4.49/5   36 notes
Résumé :
Il s’agit avant tout d’un problème géopolitique : réagir au retour spontané du loup en France, et à sa dispersion dans une campagne que la déprise rurale rend presque à son passé de « Gaule chevelue ». Le retour du loup interroge notre capacité à coexister avec la biodiversité qui nous fonde – à inventer de nouvelles formes de diplomatie.
Notre sens de la propriété et des frontières relève d’un « sens du territoire » que nous avons en commun avec d’autres ani... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Comment vivre parmi les autres ?

Au croisement de nombreuses disciplines (biologie, philosophie, géographie, géopolitique, éthique, éthologie ...), Baptiste Morizot nous parle de diplomatie inter-espèce et nous invite à repenser nos rapports aux vivants non humains et plus largement à la vie.

Lorsque des éleveurs s'insurgent contre l'attaque de leurs troupeaux par les loups et proposent d'éradiquer les loups, l'auteur nous propose ici une nouvelle façon de cohabiter avec les loups en établissant avec eux une relation nouvelle dite diplomatique.

L'idée pourrait surprendre tant elle est éloignée des deux principaux courants de pensée. le premier, le plus ancien, est le grand partage qui repose sur la séparation des humains et de la Nature où les sociétés humaines se sont extraites de la Nature et la Nature qui se retrouve comme une réserve de moyens où le progrès consiste à mieux s'approprier cette Nature.

Le second est récent et caractéristique d'un certain anthropocène qui prétend que nous sommes dans entrés dans un monde « post-nature »/hybride où la Nature ne serait plus discernable de nous, mais coconstruite par l'activité des humains, si bien que plus rien nous n'est inaccessible/étranger. Se retrouve ainsi abolit l'intact et l'isolé, le sauvage.

Pour concilier ce paradoxe de nature sauvage intacte et la cohabitation nécessaire, que la « cohabitation diplomatique » prend tout son sens.

Cette relation diplomatique repose essentiellement sur la négociation inter-espèce qui en est le coeur. Pour cela, il suffit que l'interlocuteur « soit social, territorial, intelligent. Il n'est même pas nécessaire qu'il veuille négocier. Il suffit qu'il sache recevoir des messages ».

Pour que cette négociation soit efficiente, l'auteur décrypte pour nous les comportements du loup et propose des stratégies concrètes pour une meilleure cohabitation avec les loups, comme par exemple en dissuadant une meute de s'aventurer dans des pâturages en déployant d'invisibles frontières d'odeurs mimant la présence d'une meute rivale.

Ce livre est fort intéressant puisqu'il développe une véritable réflexion écologique appliquée au champ politique incluant les animaux. Il n'est plus question d'une confrontation dualiste entre deux pôles séparés et antagonistes (nature et humains), ni même d'hybridation mais plutôt de cohabitation entre des humains et d'autres cohabitants non humains qui sont parmi nous mais « par eux-mêmes ».

Il raconte ainsi quel type de relation envisager envers des êtres qui ne sont plus seulement des ressources, ou des choses, et qui sont entrelacés à nous de manière indiscernable, mais sans y perdre leurs altérités.

Ce genre de pensée me semble donc adapté aux conflits qui nécessitent de négocier avec les vivants non humains et ne permet sans doute pas d'appréhender tous les enjeux écologiques issus de l'activité humaine.
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Il est très dur de critiquer ce livre.
Tout d'abord parce que je suis tout à fait d'accord avec lui, et qu'il y met des mots sur ce que je crois, ressens, pense depuis longtemps.
Il met des arguments, des propos scientifiques, des articles, des expériences, des exemples.
Ensuite parce que le livre rebrasse toute la philosophie de la nature et de l'homme.
Et puis parce que ce livre parle du loup.

Tous ces sujets, en partant du dernier, sont très clivant dans les débats aujourd'hui. Surtout le dernier en fait, peu de gens s'intéressent à leur rapport à la nature...
Malheureusement ce sont les personnes qui déjà se questionnent qui vont lire ce livre et tomber dessus.

Néanmoins il faut dire pourquoi j'ai aimé cet ouvrage:
Morizot est un pisteur de loup, un philosophe et un enseignant (je suppose, à l'université d'Aix Marseille).
Ces différentes approches lui permettent d'aborder les questions complexes dont je viens de parler sous différents angles et avec un rapport différent. le loup, finalement, n'est qu'un prétexte. Même s'il constitue le point de départ, ce qui est le plus important dans l'ouvrage c'est la démarche: replacer le problème dans la globalité du vivant, contextualiser au maximum, prendre en compte le loup, penser comme lui, essayer de voir pourquoi il agit ainsi sans y plaquer un anthropocentrisme délétère et un irénisme néfaste lui aussi. D'ou le titre, "diplomate" car sachant penser comme un autre, l'homme (et le loup !) peut trouver des solutions profitables à tous. C'est sur cette pratique scientifique et cette approche philosophique qu'insiste surtout l'auteur dans le livre, et c'est ça qui est important pour moi. Il parle d'éthologie, de grands penseurs comme Leopold, Liebenberg, des passeurs entre les mondes qui n'en sont qu'un: la nature, c'est nous, ou plutôt nous sommes un peu de la nature.
Il nous demande d'ouvrir l'oeil, de nous rendre compte de l'imbrication des choses, des êtres, des interdépendances fructueuses qui existent et qui, loin 'enfermer, libèrent !

Un ouvrage fondateur dans ce style, pour moi, très important et qui donne envie d'en lire plus !
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Le retour spontané du loup en France pose, depuis 1992, plusieurs problèmes dont le plus évident concerne les bergers et éleveurs. Les troupeaux de ces derniers sont directement impactés par la pression du prédateur.

Toutefois sans un traitement géopolitique de cette question, le débat risque de se cristalliser longtemps dans des postures, trop souvent radicales, entre deux camps que tout éloigne. Pro-loups et anti-loups ne cessent de s'invectiver et de faire valoir leur propre vision de la société. Et il s'agit bien de cela : le loup, depuis son retour près de nous, nous interroge sur la façon que nous avons de vivre ensemble et d'envisager notre avenir. Considérant le « vivre ensemble » comme acceptation de l'altérité fut-elle humaine ou animale.

Finalement, nous nous trouvons en concurrence sur un territoire avec un animal discret mais chargé d'une longue et tumultueuse histoire dans ses relations avec l'Homme. Car si Loup et Homme ont toujours coexisté, la pugnacité du second est venue à bout de la voracité et de la prudence du premier en le faisant disparaître du territoire français au début du XX° siècle.

Pour Baptiste Morizot, seule la diplomatie pourrait nous permettre, que l'on soit pour ou contre, ou que l'on soit responsable politique, d'approcher des solutions acceptables pour tous : écologistes, bergers, éleveurs, responsable politiques ou simple citoyen. Cette diplomatie s'inscrit naturellement dans une compétence « animale » que nous avons développé au fil du temps. le loup garou ne serait-il pas un de ces diplomates ?



Faisant appel à de nombreuses images de « diplomates », Charles Darwin, Konrad Lorenz, Aldo Leopold, Saint François, Temple Grandin, deux chasseurs amérindiens…



D'une lecture riche et complexe, cet essai de philosophie animale, nous donne des éléments indispensables pour notre compréhension du vivant et l'acceptation de nos puissances et impuissances à appréhender nos relations avec notre environnement, fut-il aussi sensible et dangereux que peut-être le loup.
Lien : http://legenepietlargousier...
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Un ouvrage assez ardu à lire, tant l'auteur brasse des concepts et un vocabulaire propres à la discipline philosophique, et passionnant par son propos : comprendre comment notre pays en est arrivé à de telles difficultés à réussir à cohabiter avec les loups, depuis leur retour en France.
Baptiste MORIZOT mobilise de nombreux champs : historique, sociologique, éthologique... J'ai retrouvé avec plaisir sa passion pour le pistage, qu'il relie ici avec le développement d'une forme particulière d'intelligence, s'appuyant sur la démarche hypothético-déductive, qu'il associe à la probable méthode de chasse, par épuisement des proies, que pratiquaient nos ancêtres.
Baptiste MORIZOT fait également référence à de nombreux chercheurs, dont il brosse d'intéressants portraits, et qui lui semblent montrer la voie d'une nécessaire diplomatie avec les loups (et non LE loup, essentialisé à tort comme prédateur cruel), dans leur diversité et en tenant compte de leur adaptabilité.
Puisse ce travail participer à une sortie par le haut de la situation bloquée que vivent populations rurales impactées et population lupine en expansion...

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Avant que les blancs n'arrivent avec leur idée de domestique, dit l'Indien, il n'y avait pas de sauvage. C'est cette idée qui crée son envers. Avant la domestication, s'il n'y avait pas de sauvage, quel était alors le nom de la vie, quelles étaient son allure et ses lignes de force ? (p. 82)
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critiques presse (2)
Actualitte
27 février 2018
Agrégé et docteur en philosophie, Baptiste Morizot est maître de conférences à l’université d’Aix-Marseille. Son écosensibilité l’a mené sur la piste des loups revenus sur le territoire national.
Lire la critique sur le site : Actualitte
LaViedesIdees
14 septembre 2017
Devrions-nous entretenir des relations plus diplomatiques avec les animaux ? C’est ce à quoi Baptiste Morizot nous invite, qui prend le “retour du loup” comme occasion de réflexion philosophique.
Lire la critique sur le site : LaViedesIdees
Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
On voit comment l'histoire complexe de notre rapport au vivant obscurcit qu'on peut faire du sens de nos interactions concrètes avec l'animal : ici le "surplus killing". néanmoins, si l'on ressaisit les acquis de l'enquête, il appartient que c'est la sélection artificielle qui est en grande partie la cause de l'asymétrie éco-éthologique dans la relation entre loups et brebis, à l'origine du surplus killing. Le loup et la brebis domestiquée sont des systèmes éthologiques qui ne se composent pas en équilibre, mais se décomposent mutuellement. Reste que les éleveurs actuels ne peuvent ni ne doivent être tenus pour responsable des effets du pastoralisme néolithique : nous avons fait des brebis sans défense, il faut les aimer ainsi. Conséquemment, il faut trouver des solutions adaptées pour une cohabitation effective avec le loup. Certaines espèces de moutons rustiques, pourtant, se défendent mieux face aux loups. Et les parcours techniques agropastoraux, lorsqu'ils sont intelligemment pensés pour être adaptés à la présence du loup (troupeaux plus petits, gardiennage accentué, parcage nocturne,dispositifs de défense....), sont capables, grâce à dix mille ans d'expériences accumulées, de rendre la prédation tolérable pour le pastoralisme, et de détourner massivement l'attention des loups vers les proies sauvages. Ce sont ces techniques, négligées depuis l'éradication des loups au 20° siècle, qui méritent d'être exhumées, pour repenser un pastoralisme résilient. L'éthologue Jean Marc Landry conclut : " Face au loup, il est nécessaire d'instaurer un système de prévention qui casse ce comportement de surplus killing afin de limiter les dégâts" (Landry, 2006, p207). Des expérimentations d'éthologie diplomatique qui trouveraient le moyen de limiter ce phénomène réduiraient en effet significativement les pertes liées au loup, et leur inflation émotionnelle. C'est l'archétype d'une mission diplomatique. (p83)
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Cet anthropocène appelle une autre relation aux communautés biotiques , aux assemblages écologiques d'espèces qui sont en marge des relations économiques dominantes de l'exploitation ou de la production, et donc peu codés en termes de ressource, auparavant appelées sauvages, ou nuisibles. Il s'agit aujourd'hui de les recoder comme des cohabitants, ou des convives, sachant que nous ne sommes pas l'hôte, mais aussi des convives. Nous sommes tous, nous et eux, hétérotrophes et autotrophes, invités à la table du soleil, puisqu'il fournit toute énergie ici-bas. Dévorer du soleil est le problème écologique originel de tout vivant. Mais lorsque l'éco-évolution a dispersé les flux génétiques en espèces infiniment variées, disposées à s'entre-manger, combinées dans des niches multiples mais superposées sur le même espace, le problème éco-évolutif est devenu de partager du soleil. De ce point de vue, les loups, les cerfs, les hêtraies, peut être même les systèmes écologiques, sont pris dans des relations constitutives : ils sont des partenaires diplomatiques qui cohabitent avec nous depuis leur géopolitique propre, dans cette entreprise immémoriale des vivants pris dans l'éco-évolution. (p88)
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Il s’agit avant tout d’un problème géopolitique : réagir au retour spontané du loup en France, et à sa dispersion dans une campagne que la déprise rurale rend presque à son passé de « Gaule chevelue ». Le problème du loup a évolué à bas bruit. En 1992, un couple de loups italiens part en exploration, et fait royaume dans le vallon de Mollières, au nord de Nice, dans les Alpes du Sud. Ils reportent une partie de leur prédation sur les troupeaux de moutons peu protégés des Alpes Maritimes. Le conflit avec les éleveurs commence. Les loups dispersants partent fonder de nouveaux royaumes. Ils voyagent de nuit, passent les autoroutes, traversent les fleuves à la nage, invisibles d’être inconcevables. Un jour, le loup est aperçu dans les Vosges. Il vient du Mercantour. Un jour, on l’aperçoit dans le massif du Madres, loin dans les Pyrénées. Il est à Canjuers, dans la vallée de Bargème. Il est dans le Jura, dans le Massif central. Dans la Meuse. Un jour il est ici. « Le loup est là » disent à l’abri des cafés les forestiers et les ermites. Le loup est là. Le cri murmuré se répand et résonne d’affût en affût, de clocher en clocher, jusque aux abords des grandes villes. Des deux loups présents en 1992, la campagne française est parsemée, suivant les comptages officiels, de plus de 300 loups en 2015. Les populations sont difficilement localisées, quantifiées, référencées. Car le loup a cette particularité d’être présent comme invisible – sauf pour les éleveurs, dont les troupeaux subissent les attaques récurrentes. La saisie par les bergers et éleveurs du levier médiatique transforme le silence en problème politique.
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Or, du point de vue du loup, dans l’exo-rationalité lupine, à quoi sommes-nous assimilables, nous humains défendant les troupeaux ? Probablement à quelque chose comme une meute puissante. Qui occupe actuellement ce territoire. Et à qui ne pas se frotter. Mettre en place des marquages odoriférants portant l’odeur d’une meute assez nombreuse et effrayante pour tenir les loups à distance des activités humaines est donc paradoxalement un signal perspectiviste honnête. Il s’agit d’un dialogue perspectiviste, dans lequel nous agissons de telle sorte qu’ils nous voient comme il faudrait nous voir pour qu’une cohabitation pacifique soit possible. Les biofences ne trompent pas : elles nous font dormir à visage découvert.
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Le problème revient ici à déterminer ce que l'écologie fait à l'évolution.
Il faut transformer en profondeur notre compréhension philosophique du vecteur évolutif, grâce à l'écologie scientifique, pour passer de l'idée de survie du plus apte pensée en termes de performance, à l'idée de survie du mieux relaté.
Qui a la meilleure fitness ? Nous avançons ici que ce serait le variant qui est constitué des meilleures relations, des meilleures transactions, celui qui est le mieux intégré dans le réseau de relations écologiques complexes (mutualismes, commensalismes, facilita-tions, prédations soutenables). C'est celui qui a le rapport le plus harmonieux à la pérennité de ses proies, la meilleure entente avec ses rivaux, le rapport le plus généreux avec ses mutualistes, le moins toxique avec ses parasites, le moins destructeur pour ses hôtes, le plus respectueux avec ses facilitateurs; voilà qui «survit », c'est-à-dire dispose, à terme, de la meilleure reproduction différentielle. Il faut un concept élargi de salubrité de la relation, qui vise, par comparaison dans chaque type d'interaction écologique, la plus mutuellement profitable, dès lors que l'exclusion compétitive ou l'extinction de ses proies ou de ses parasites n'est pas la meilleure option pour une population. Un variant cerf qui dominerait tout loup détruirait par Pullulation la forêt qui le nourrit, et donc sa descendance : un variant loup qui surclasserait systématiquement les cerfs lors de la chasse éteindrait ses proies, et donc sa descendance.
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Pour changer les choses, il faut se munir d'un arsenal de pensée. Si possible clair et que l'on peut mettre en pratique. Et si, pour cela, on réconciliait la poésie, la philosophie et la vie au grand air ?
« Manières d'être vivant », de Baptiste Morizot, c'est un récit publié aux éditions Actes Sud.
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