Citations sur Le don de Lorenzo, enfant de Camargue (8)
Après tout, même si on ne supportait pas les Allemands, ce ne sont pas eux qui ont détruit le manège. Ce n’était pas un acte de guerre, ni dû à l’Occupation. C’est un arbre qui l’a écrasé, et un arbre français ! Ce géant de Caporal était là. Il a vu le manège en miettes. Il veutnous aider à lui redonner vie. C’est un geste bienveillant, de réconciliation. Voilà ce que j’en pense.
(page 226)
Chaque fois que je voyais ces oiseaux, mon moral remontait, car si beau que fût cet endroit, il était également désolé et inhospitalier, surtout quand le vent hurlait et rugissait, ce qui arrivait parfois pendant des jours et des jours. Tout ce que je pouvais faire alors c'était me recroqueviller sous ma tente et espérer de toutes mes forces qu'il ne m'emporte pas.
(page 20)
Sainte Sarah ne pouvait pas me réconforter, cependant, parce que je ne croyais plus en elle comme avant. Je continuai quand même à la prier, chaque nuit, plus par espoir que parce que j'avais la foi. En y repensant, maintenant, je me dis qu'elle m'a aidée à ne pas abandonner toute espérance. Aujourd'hui encore, Vincent, j'aimerais comprendre quand l'espoir devient foi, et ce qu'est la foi sans l'espoir. (p. 256)
- Je suis désolé pour ce qui est arrivé.
- Ce n'est pas la peine de vous excuser, répondit mon père, toujours sans le regarder. C'est le mistral, le vent, qui a fait ça. Il est plus fort que vous ne l'êtes, plus fort que nous tous. Vous et les gens de votre espèce, vous êtes responsables de beaucoup de choses, mais pas de ça, vous n'êtes pas responsables du mistral.
- Je comprends, monsieur, dit le militaire allemand. Mais si vous voulez que nous vous aidions à nettoyer...
- Je vous remercie de votre proposition, mais nous pouvons nous débrouiller sans votre aide, répondit froidement mon père. (Et cette fois, il le regarda d'un air plein de défi.) Si vous voulez vraiment nous aider, alors vous devriez peut-être emmener vos soldats et rentrer chez vous. (p. 114-115)
- Il y a tant de choses, dans tout ce qui nous arrive, Vincent, dans ce qui fait que nos vies sont ce qu'elles sont, qui dépendent du hasard, comme on dit en français. Les familles et l'époque où nous sommes nés, les endroits où nous vivons. Rien que le hasard. (p. 46-47)
- Flam flam ! Nége ! criait-il. Nège ! ZIa Zia ! [...] Val ! Val ! Val ! criait sans arrêt Lorenzo.
Je n'avais aucune idée de ce que cela pouvait signifier. Sa mère, qui était arrivée, tout essoufflée, tenta de me l'expliquer.
- Cheval, dit-elle. Il veut dire "cheval". Il aime prononcer des morceaux de mots, pour certaines raisons que je ne comprends pas. Il ne dit pas souvent les paroles en entier. Simplement des syllabes, n'est-ce pas, Renzo ? "Renzo" pour "Lorenzo", "nège" pour "manège", et "val" pour "cheval".
- Gardez-le, Cap. Vous avez veillé sur nous, sainte Sarah et vous. Maintenant, elle veillera sur vous. Gardez-le !
Il le prit sans un mot et partit. Je regrettai aussitôt de le lui avoir donné. Mais ensuite je regrettai de l'avoir regretté. Je savais bien, au fond, qu'il en aurait plus besoin que moi. C'est à ce moment-là, je pense, que ma foi est devenue plus forte que mon espoir.
Aujourd'hui encore, Vincent, j'aimerais comprendre quand l'espoir devient foi, et ce qu'est la foi sans espoir.