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Critique de alouett


Joe est un ado pas très à l'aise et solitaire, comme tant d'autres. Il est seul à l'école, seul dans le bus et seul chez lui. Il est aussi le seul à entendre les inquiétudes récurrentes de sa mère à l'égard de leur situation financière catastrophique ; la jeune veuve passe ses journées à se battre pour sauver la maison familiale. En plus, Joe est diabétique. Rien de grave quand on a des sucreries sur soi. Mais aujourd'hui, lors d'une sortie scolaire au cimetière militaire où est enterré son père, les gros bras de sa classe lui chapardent les siennes. Aussi, Joe n'a qu'une idée en tête : retrouver au plus vite l'abri de sa chambre, où il s'est constitué, sous les combles, un univers secure peuplé de ses jouets.

Tout à ses pensées, il n'appréhende pas la crise d'hypoglycémie qui le guette. Déjà, sa vision se trouble et les hallucinations visuelles et auditives font leur apparition. Lorsqu'il a conscience qu'il lui faut d'urgence ingurgiter un soda qu'il trouvera deux étages plus bas dans la cuisine, Joe est déjà dans un état second. Puis, c'est Jack (son rat domestique) qui se met à parler. Ses jouets s'animent et l'interpellent ; pour eux, Joe est « L'enfant qui meurt », une légende qui sauvera Jouetville de la Mort.

Le chemin vers la cuisine est plus périlleux qu'il n'y paraît et Joe s'engager dans une quête pour sauver l'univers de Jouetville… et peut-être aussi son propre univers ?

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Joe l'aventure intérieure est un récit jouant sur la juxtaposition du monde réel du personnage principal et d'un monde onirique en danger dont il peut devenir le sauveur. Il est surement impossible de lire Joe l'aventure intérieure sans avoir en tête deux ou trois références (littéraire, cinématographique…), à l'instar de L'Histoire Sans Fin, de Khatédra… ce thème est devenu un genre à part entière.

En ce qui me concerne, c'est la première fois que j'ai l'occasion de lire un album dont le sujet principal est le diabète. Loin d'en faire quelque chose de rébarbatif, le scénariste accroche son lecteur de manière ludique et surprenante. Qui aurait imaginé une trame fantastique pour développer les symptômes de l'hypoglycémie ?? Grant Morrison innove totalement dans l'angle d'attaque de son sujet, il parvient à sensibiliser (à minima) autant qu'à divertir ; on reconnaît en cela l'influence qu'Alan Moore a sur ses contemporains.

Ce qui m'a réellement séduite, c'est la mise en images réalisée par Sean Murphy… Ce scénario était-il fait pour ce dessinateur ? Je ne sais pas, mais l'harmonie qui se dégage de l'ensemble est… bluffante. J'ai été fascinée par cet univers mi réel mi onirique dès le moment où j'ai aperçu la chambre de Joe… et tous les détails qui y fourmillent.

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L'histoire est haletante et les rares pauses présentes dans le récit renvoient le personnage à son inquiétante réalité et à ses angoisses de mort. Les retours au réel sont furtifs ; ils ont une utilité narrative importante car ils nous permettent de nous repérer dans la maison de Joe et dans le parcours qu'il doit effectuer pour atteindre la cuisine où l'attend le précieux soda. On a une bonne vision du trajet dès le début de l'album puisqu'une scène muette (de quatre pages) décrit la maison (agencement des pièces, détails décoratifs, emplacement des meubles etc).

L'ouvrage offre cette possibilité d'interactivité mais je l'ai assez peu investie, lui préférant généralement une approche plus boulimique : lire, lire… et en prendre plein les yeux ! le dessin est si fouillé qu'il est difficile de mémoriser tous les détails… et impossible d'anticiper les événements. Ponctuellement, je me suis prise au jeu et j'ai tenté d'identifier les éléments déclencheurs d'une hallucination.

Lorsque la réalité s'efface de nouveau derrière la fiction, c'est à coups de métaphores et de symboliques que les auteurs maquillent les angoisses de mort de l'adolescent. La Reine Bree n'est autre que l'incarnation de la mère sur-protectrice de Joe, le Chevalier Adamark représentera quant à lui la figure paternelle, le rat Chakk (ou Jack dans la vie réelle) est l'image du fidèle compagnon. Outre ces figures emblématiques, des Nains de mers, des rats guerriers, des chevaliers, des super-héros… mènent tambours battants une lutte impitoyable contre le mal qui ronge leur monde et les menace de sombrer dans l'oubli. Quant à nous, lecteur, on oublie que l'enfant a besoin de secours, on espère honteusement qu'il reste dans son monde imaginaire. Graphiquement, cet album est une invitation au voyage. La puissance et l'expressivité du trait de Sean Murphy m'ont charmée. Ses dessins sont sublimés par les couleurs vives de Dave Stewart. Autant vous dire que je me suis retrouvée comme une enfant face à cette histoire.

En fin d'album, les auteurs nous gratifient d'un superbe cahier graphique qui contient les scripts originels de Grant Morrison, des storyboards et des planches originales que Sean Murphy a annotés (intentions de l'auteur, travail de découpe, recherche de personnages…)… de quoi nous aider à quitter en douceur ce monde fantastique et revenir peu à peu à notre réalité.
Lien : http://chezmo.wordpress.com/..
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