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EAN : 9782213671253
192 pages
Fayard (10/04/2013)
4.07/5   7 notes
Résumé :
« Je m’imagine les entendre, les ravages silencieux qui se propagent dans ce corps : des cordes qui sautent, des fils qui cassent, des câbles qui craquent en chantant – le doux gémissement de poutres qui s’affaissent. Ma mère, une maison qui s’écroule lentement, un pont qui danse sous l’effet d’une secousse sismique. » En une succession de fragments somptueux, Erwin Mortier décrit le processus de dégénérescence de sa mère. Pour celle qui était douée d’une grande sen... >Voir plus
Que lire après Psaumes balbutiés. Livre d'heures de ma mèreVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Papa ! Voilà ce que j'aurais écrit. Voilà ce que j'ai crié en mon cœur silencieux et muet.

Pa❤ ❤ . Voilà ce que vous auriez pu déchiffrer, car de mon cœur déchiré, deux larmes,
sur le papier vélin.

Au delà des mots, il n'y a que les larmes.

L'ordinateur n'a pas la douceur de la plume.
Et ce Pa qui s'accroche. Et cet autre noyé. Ce Papa à moitié effacé, déjà.
Je ne pourrais le raconter.

Dieu soit loué, Papa n'a pas Alzheimer. Mais n'empêche ...
Fragile, courbatu, fourbu, plié, courbé, fatigué, claudiquant, tâtonnant, ahanant, remâchant ...
Diminué
Courageux, encore, pour un temps...
Portant son âge comme une croix
Tellement recroquevillé

C'est lui que je cœure en lisant les Psaumes balbutiés d'Erwin Mortier à sa mère frappée par la maladie d'Alzheimer. Qu'ils sonnent beaux, ces psaumes ! Qu'ils plaident tendres ! Qu'ils caressent chauds ! Qu'ils humanisent profonds ! Qu'ils tissent l'au-delà !

Ce livre est poésie. Un voile de tendresse sur des sentiments exhumés, graves et autrement muets. Las, des perles de pluies masquent cette goutte à goût salé sur ma lèvre émue au sourire dissipé. Le rythme de la phrase, le velouté des mots bercent comme une vague mon cœur chaviré. Et, une onde profonde, syncopée, abyssale émane de lui, parcourt ma peau tout soudain devenue sourd tambour, tam-tam animal. Ces mots sont autant de caresses adressées à mes yeux embués, ils me portent en des cieux inconnus que seul le poète avait vus. Hélas, ils disparaissent bleu à bleu, dissipés eux aussi, dans les brumes d'un cerveau trop usé.

Après les noms, les visages,
Ensuite les gestes,
Puis le regard, et le reste
Il n'y a rien qu'elle ne ravage

Etre de brume
Voile du regard
Egaré, hagard
Brouillard
Au fil des heures
La peur, les pleurs
Douleur
Plus de mots, des maux
La rime s'enrhume

Et moi qui ne dis rien

Mon cœur à marée lasse.

Mais c'est Erwin qu'il faut lire. Erwin Mortier cet émouvant écrivain belge que je remercie Babélio et les éditions Libretto de m'avoir fait découvrir par l'entremise de l'opération Masse critique de septembre. Erwin Mortier qui couvre si délicatement d'une dentelle de Bruges la Morte l'indicible dépouillement de l'humaine décrépitude dans ses Psaumes balbutiés.
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Quel livre ! Pas un mot de trop , une écriture d'une rare maîtrise , concise juste comme il le faut , des phrases , des mots qui m'ont remuée , bouleversée .
L'auteur parle de sa mère mais aussi de la vie , de l'instinct de vie , de la mort .
Je n'ai même pas envie d'écrire que cette mère de 66 ans a la maladie d'Alheizmer , oui bien entendu c'est de ça que ça parle aussi mais le dire ainsi est si réducteur .
C'est parfois triste , émouvant mais en même temps qu'est ce que cette lecture paradoxalement m'a rendu vivante , touchant la vie au plus près , il y a des phrases qui peuvent paraître banales et qui ne le sont pas , elles touchent au plus profond , parfois font mal car elles décrivent un moment de bonheur passé , qui ne reviendra plus , on sent , enfin je l'ai ressenti comme une morsure le bonheur de cette famille touchée par un drame indicible , voir une mère disparaître de son vivant , oubliant ses mots , perdant sa personnalité , sa façon d'être . Blessure faite par le temps qui passe, qui nous rappelle ces moments de bonheur fugaces .
Je viens de terminer ma lecture et j'écris de suite mon ressenti de peur de l'oublier , il y avait longtemps qu'un livre ne m'avait pas touchée comme ça , il y a un tel contraste entre ces phrases parfois lapidaires et l'émotion ressentie .
Et puis tant de questions sans réponse évidemment , comment vivre une telle situation , comment vivre sans se sentir coupable de devoir placer sa femme , là je me pense au père , le père qui dit à son fils que c'est une trahison d'abandonner quelqu'un qu'on connaît depuis 50 ans , père qui ira au bout de ses forces
Et d'autres questions , où s'arrête la dignité , quand faut - il renoncer , enfin je pense que chaque lecteur se posera ses propres questions .
Une sorte de confession , de portes intimes entrouvertes un instant , un partage d'âme , moi - même je ne sais expliquer , un talent hors norme .
J'ai eu l'impression poignante de connaître l'auteur , de partager un moment de vie indicible , désolée je n'ai pas d'autres mots .
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Dans un texte fragmentaire plus poétique que dramatique, Erwin Mortier, auteur belge néerlandophone lauréat du prix du Meilleur livre étranger en 2013, décrit la lente décrépitude physique et psychologique de sa mère, atteinte de la maladie d'Alzheimer. Cette décrépitude se traduit par des gestes simples que cette femme ne sait plus faire, des mots qui lui échappent, s'enfuient et s'oublient tout à fait. Peu à peu, la maladie grignote le cerveau et, partant, l'âme de cette femme qui fut mère de cinq enfants et épouse aimante d'un mari qu'elle est bientôt le seul à reconnaître. Les visages des siens lui deviennent étrangers et ainsi l'apparence physique familière ne devient plus qu'une enveloppe vide. La mère, cette victime de ce mal sournois, se cache derrière le père, son mari, qui la protège de tous ces inconnus qui l'entourent et lui veulent pourtant du bien.

Naturellement, la maladie engage une interrogation profonde sur la mort. de manière pragmatique, il faut penser à celle prochaine de cette femme, et cette mort certaine aura, ses enfants le savent, le goût amer de la libération. Pire, il faut penser à la placer en centre d'accueil spécialisé, ce qui se traduit chez les proches par un fort sentiment de trahison, d'abandon. Au-delà de l'épuisement physique de tous ces êtres, il y a une fidélité à une femme qui fut le noyau central d'une vie familiale, laquelle, comme partout ailleurs, eut ses hauts et ses bas, ses joies fugaces que l'on retient volontiers. La maladie engage aussi chez le narrateur une réflexion sur sa propre mort, qui véritablement l'obsède pendant une partie du livre et, légitimement, l'inquiète. Cette angoisse se traduit en rêves morbides et en désirs inaboutis, en un regret aussi que personne, à l'heure de sa mort, n'ait pu « noter sur un bout de papier de quoi il retourne, ne serait-ce que : c'est pas grand-chose. C'est tout de suite fini » (p. 136).

Le livre est particulièrement sobre et pudique. le langage y a une grande importance et révèle aussi son paradoxe : le langage représente l'humanité et, bien plus, l'intellect. Mais l'intellectualisation des concepts et des émotions signifie aussi une prise de distance par rapport à ces évènements si tristes et si banaux, à savoir la perte d'un proche, avec la différence qu'ici Erwin Mortier et les siens ont assisté à une disparition lente qui dura plusieurs mois. Et tandis que le fils tâche de rendre par les mots les plus justes la précision de ce sentiment horrible, sa mère, elle, perd le fil des mots qui ne jaillissent plus de sa bouche comme autrefois, mais se perdent dans le labyrinthe de son âme qui se mortifie.

La forme fragmentaire révèle enfin l'état de choc du narrateur, qui développe néanmoins une pensée cohérente en cela que son objet demeure le même, à savoir cette mère qui disparaît devant ses yeux.

L'oeuvre de Mortier oscille ainsi entre poésie et hommage filial, et résonne tendrement et douloureusement comme le chant du cygne d'une famille désormais, forcément, désunie.
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« Je voudrais me souvenir de toi comme de la femme que tu étais avant que la maladie ait commencé à tisser sa dentelle ajourée dans ton esprit, ne pas toujours buter sur cette obscurité, sur le linceul grinçant de ta douleur et ta souffrance infinie. »

Raconter la déchéance de sa mère rongée inexorablement par la maladie d'Alzheimer peut vite sombrer dans le pathos, le glauque, ou au contraire dans le savant sans le moindre intérêt pour le lecteur qui est abreuvé à longueur de journée d'une foule de détails et d'informations.

Presque à bâtons rompus, avec des manières différentes, Edwin Mortier parvient à faire « la de la poésie » avec un sujet qui d'ordinaire ne s'y prête pas vraiment. Parce que les mots manquent à sa mère, l'auteur s'attache à mettre en mots cette fin aux allures de parcours du combattant pour chacun des membres de cette famille, et en particulier le mari qui assume vaillamment presque jusqu'au bout.

Ce texte, superbement traduit, émouvant, intériorisé, comme chuchoté, laisse transparaître tout le désarroi, et la violence qui l'étreint ; mais de manière contenue ; comme pour rendre plus acceptable cette désintégration corporelle et cérébrale qu'il est si difficile pour tout un chacun d'intégrer, ou d'imaginer.

Je remercie les éditions Fayard pour l'envoi de cet ouvrage, et l'heureuse découverte d'Edwin Mortier dont je suivrai avec attention les autres écrits.


Lien : http://leblogdemimipinson.bl..
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Voici une compilation de fragments dans laquelle l'auteur décrit la décrépitude de sa mère suite à un Alzheimer.
J'ai trouvé ce livre d'un ennui mortel. Certes, le sujet est fort et touche tout le monde de très près (c'est peut-être pour cela que les critiques sont bonnes) mais, si on prend du recul vis-à-vis du sujet, le propos est vide. Cela tourne en rond, encore et encore. Il n'y a aucune substance. L'auteur a probablement plus voulu exorciser ses démons qu'autre chose, un peu à l'image des autobiographies ou témoignages (le plus souvent à compte d'auteur).
L'écriture est très complexe, ce qui rend la lecture difficile. L'auteur se cache derrière des envolées poétiques pour masquer le vide de son propos. Il faut aussi être honnête: quelquefois on ne comprend rien au fragment écrit.
Je n'ai pas du tout adhéré.
Quelques passages sont tout de même beau: mon préféré est celui de la p.82, quand on regarde son/sa compagnon/compagne et qu'on se demande qui sera le premier à mourir...
Lecture à déconseiller
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critiques presse (2)
LaLibreBelgique
07 mai 2013
Erwin Mortier assiste à la lente descente de sa mère atteinte d’Alzheimer. Comme un superbe poème qui parle de l’essentiel de notre vie, de la stupéfaction d’être là.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
Lhumanite
06 mai 2013
Ce livre est superbe, bouleversant et plus encore. Le grand écrivain néerlandophone, dont on a pu lire déjà cinq romans en français, fait ici paraître un texte sur l’effacement progressif de sa mère atteinte de la maladie d’Alzheimer.
Lire la critique sur le site : Lhumanite
Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
Ca commence... mais quand commence une telle chose, quels signes sont les premiers ? Ca commence par le mot livre, le mot qui ne lui revient pas, un après-midi où elle se tient devant ma bibliothèque et me demande quand je ferai encore un, euh, tu sais bien, un... comment dit-on, si j'en referais bientôt un... et elle pose l'une contre l'autre ses mains aux doigts tendus et les ouvre et les ferme. Si j'allais encore faire, allons, bon, écrire... un de ces comment dit-on ? Elle donne un coup de coude à mon père. Dis-le, toi, tu le sais.
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Des après - midis emplis de banquise de silence , d'icebergs de silence , tandis que je pense : si je pouvais , ne serait - ce qu'une fois encore , l'entendre dire des banalités quotidiennes .
Tu veux du café ?
Tu as faim ?
Tu restes bien manger avec nous ce soir , n'est ce pas ?
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L'être humain est un poème difficile qu'on doit pouvoir écouter sans toujours réclamer des éclaircissements, et que le mieux qui puisse arriver , c'est l'absolution que nous donne un bien - aimé , qui nous pardonne notre état injustifiable de créature vivante et existante et ce moi accroché à nos basques qui a été dessiné et formé par tant d'autres .
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Que doit -on éprouver quand on voit le monde autour de soi perdre ses contours , tout ce réseau de langue ,de mémoire du langage , tendu si imperceptiblement sur les choses qu'on ne le remarque que lorsqu'il se troue ? Est - ce qu'alors tout devient flou , ou au contraire de plus en plus net à mesure que se renforce l'indicible ?
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Jusqu'à quand cette pièce, cette maison signifiera-telle encore biscuit pour elle ? Ca fait si longtemps déjà que cet endroit ne signifie plus son fils, ni les chats ni Lieven.
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Video de Erwin Mortier (1) Voir plusAjouter une vidéo

Erwin Mortier : Marcel
A l'occasion du Salon du Livre de Paris, dont les invités d'honneur sont la Flandre et les Pays-Bas, l'émission est réalisée en Belgique. Depuis le musée Docteur Guislain, à GAND, Olivier BARROT présente le livre de Erwin MORTIER "Marcel", édité par Fayard. Un roman traduit du néerlandais par Marie HOOGHE.Interview de Erwin MORTIER (en néerlandais, traduction sous-titrée) par Olivier...
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