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Critique de Alfaric


Ce nouveau tome de la série « Ils ont fait l'histoire », collection de bandes dessinées qui prend la forme de biographies historiques présentant une dimension pédagogique car à destination du grand public, et qui espèrent vraiment que le public scolaire se prêtera au jeu, est consacré à l'une des figures les plus controversée du XXe siècle !


Nous sommes en présence d'une bande dessinée riche, très riche, trop riche peut-être… En 48 pages, il y avait largement de quoi remplir un cycle entier !
Deng Yingchao la veuve de Zhou Enlai attend que Mao Zedong viennent assister aux funérailles de son plus vieux et de son plus fidèle compagnon de route… Et elle raconte à ceux qui sont venus lui apporter leur soutien la véritable histoire du Grand Timonier… du coup on raconte tout autant son histoire et celle de son époux que celle du Staline chinois…

On pourrait résumer le personnage par cette formule : le salaud qui voulait être un héros…
Une mère idolâtrée, un père détesté, à 14 ans un mariage forcé avec une voisine de quatre années son aînée et au final un homme qui n'agit qu'en fonction de ses désirs et qui est persuadé que les gens et les choses du monde n'existent que pour lui et la satisfaction de ses désirs, d'où son côté coureur de jupons, ses multiples trahisons et l'abandon de ses familles successives dans la plus totale indifférence… du coup, dans la biographie de l'un des plus machistes du XXe siècle c'est une gageure que d'avoir fait autant de place aux femmes ! (et parmi elles autant de femmes d'exception !)
Le rejeton de la bourgeoisie rurale du Hunan s'est exilé dans ville de Changsha pour y découvrir le monde merveilleux de la littérature où il découvre Napoléon, Rousseau, Pierre le Grand, Wellington, Lincoln mais d'abord et surtout "L'Art de la guerre" de Sun Tzu et les aventure des 108 brigands d'"Au bord de l'eau" de Shin Nai'an qui le hanteront tout sa vie durant… Bon nombre de ses camarades ont fait leurs armes en France au début des années 1920 jusqu'à leur expulsion après le drame de Lyon, mais dans le monde terrifiant de l'autocritique communiste et de la guerre civile chinoise, le jeune Mao a une carte a jouer : de tous les cadres du Parti Communiste Chinois c'est le seul qui vient de la campagne, et face aux seigneurs de la guerre, aux généraux nationalistes puis aux envahisseurs japonais, c'est le seul à savoir mener une guérilla efficace malgré son coût humain effarant (des 100000 hommes et femmes de la Longue Marche, seuls 7000 ont survécu…)
La Chine de l'entre-deux-guerres, c'est Game of Thrones à la puissance 10 avec d'incroyables retournements de situation et des alliances de circonstances hallucinantes où chacun aiguisent ses couteaux en attendant la prochaine rencontre !

La bande dessinée consacre beaucoup de pages aux années passées à accéder au pouvoir, du coup on doit résumer assez rapidement les années passées au pouvoir où le Grand Timonier abandonne les héros de sa jeunesse pour suivre les grandes figures impériales et marcher dans les pas de Qin Shi Huang.
Nous assistons alors au désastre du Grand Bond en Avant, le pied-de-nez aux puissances occidentales qui se solda par des dizaines de millions de morts, et la Révolution culturelle où dans un gigantesque coup d'Etat il lâcha la jeunesse sur le PCC, avant de lâcher l'armée sur la jeunesse puis de lâcher ce qui restait du PCC sur l'armée, ce qui se solda par des millions de morts et des dizaines de millions de personnes déportées ou emprisonnées… A force de jouer aux apprentis sorciers, tous ces mégalomanes qui n'ont juré que par le diviser pour régner et qui ont passé leur temps à dresser leurs subordonnés les uns contre les autres méritent l'enfer et rien d'autre !
Fidèle à ses habitudes de pervers narcissique, Mao n'est jamais venu à l'enterrement de celui qui avait su réparer et/ou atténuer toutes ses erreurs… En 1976, il ne rendra pas non plus hommage aux 300000 victimes du tremblement de terre de Tangshan et cette fois-ci les puissances célestes ne lui pardonnèrent pas : haï de tous, il s'éteindra quelques mois plus tard…

Les graphismes du dessinateur argentin Rafaël Ortiz, assisté aux couleurs de Guilia Priori et d'Andrea Meloni, ne pas forcément séduisants de prime abord puisqu'ils font la part belle à une veuve de 71 ans qui avait tout vu et tout vécu, mais je me suis pris au jeu et force est de constater que pas mal de planches ont de la gueule ! le dossier biographique réalisé par le spécialiste Jean-Luc Domenach est passionnant, et au-delà de la censure et de la propagande auxquelles ils se sont confrontés on mesure la difficulté du travail accompli par les scénaristes Jean-David Morvan et Frédérique Voulyzé pour retracer la vie d'un dictateur qui n'a cesser de travestir la réalité pour masquer son passé…
Face à tous ces efforts, j'ai un peu honte de livrer une critique qui à mes yeux ressemble fortement à la partie émergée d'un iceberg… L'Histoire de la Chine est vertigineuse : je me sens tout petit face à elle, et je me demande par quel melonisme certains parviennent encore à se gargariser de l'immense supériorité de l'occident sur le reste du monde…
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