Au coeur des couleurs,
Il y a quelques semaines, j'avais choisi dans la liste désormais « à thème » de masse critique, un « beau livre » des éditions belges Weyrich qui m'a été aimablement envoyé et que je remercie.
Qu'est-ce qu'un « beau livre » et où le trouve-t-on ? Généralement sur les étals des grands boulevards ou dans les passages couverts du 9eme. La caractéristique d'un « beau livre » est qu'il est à la fois neuf et soldé. « Neuf » parce que protégé par un blister plastifié qui le rend vierge de toute manipulation (on peut bien sûr feuilleter l'exemplaire d'exposition avec ses traces diverses et ses écorchures) et soldé parce que le prix d'un beau livre est toujours sans rapport aucun avec la qualité du papier, de la couverture rigide, des couleurs, des illustrations et dépasse rarement le prix d'un vulgaire roman broché, sans image, sans flonflon. Une autre caractéristique du « beau livre » est qu'il traite de tous les sujets, de la cuisine populaire du Bourbonnais à la pèche à la mouche au Tyrol, de l'art byzantin à Arcachon à l'art de la photographie érotique en 1837 à Constantinople. Une dernière est qu'une fois acheté, on n'est pas obligé de le lire.
Eclectiques et parfois coquins. Colorés et riches d''une iconographie aux fonds insondables. On ne choisit pas un « beau livre » parce qu'on a absolument besoin d'être informé sur un sujet particulier mais plutôt par défaut (bien que je n'aime pas l'expression). On choisit en disant « à ce prix-là , j'apprendrai toujours quelque chose sur Byzance où sur la truite (ou la mouche tyrolienne) et je pourrai même l'offrir à X ou à Z bien que ce genre de cadeau porte en lui la suspicion. »
( « Ouais bon, il a acheté ça juste avant la fermeture de la librairie qu'est juste en bas de chez moi, j'en ai rien à faire, moi, de la cuisine populaire du Bourbonnais, c'est où d'ailleurs ?.....)
Pas dupes X ou Z.
Donc en bon consommateur et lecteur de « beaux livres » (j'avoue que j'ai quelques pépites sur les phares, la redoutable pêche au harengs dans la Manche et quelques « reliques souvenirs » ramenées de voyage – la cuisine Thaï en thaï, les maisons de célibataires à Mayotte, les fours à pain du Darfour- )
J'ai coché «
Au coeur des couleurs » au hasard et, après réception je l'ai laissé reposer comme c'est la coutume dans son étui plastique scellé (la coutume veut parfois comme je l'ai dit plus haut, qu'on n'aille pas au-delà).
Mais « professionnalisme » oblige j'ai pris connaissance de l'ouvrage. Je suis comme on dit ces temps-ci « tombé de l'armoire ». Deux amis l'un photographe l'autre aquarelliste ont joint leurs talents pour livrer au lecteur fasciné les témoignages d'un safari dans la Meuse (côté français et côté belge, s'il vous plait) !!!
Si les photographies prise au 600mm (un macro objectif qui floute tout sauf le sujet ciblé) fixe le micro temps et parviennent parfois à saisir des bois de cerfs dans le noir ou des oreilles de chat dans les herbes hautes figurant la forêt vierge, les aquarelles qui ne font pas appel aux mêmes performances techniques floutent assurément mais acceptent mal des ajouts d'animaux trop bien nourris et presque morts ou anesthésiés et qui semblent posés comme après coup pour coller au sujet.
La confrontation est redoutable.
Des textes mi bête mi feuille « un fourré prend vie, les buissons ont des oreilles » ponctuent une suite inepte de photos floues et de dessins malhabiles.
Il aurait fallu s'en tenir à un seul choix. Sortir les aquarelles inutiles et mauvaises concurrentes, laisser les textes à des écrivains. Quoi qu'il en soit la couleur n'est pas le fil rouge et le photographe qui a obligé son fils à une traque de plus de quatre jours dans la Meuse pour récolter une photo de trois lapins vu de dos et sans la queue est en quelque sorte un tortionnaire. Ah ! La gloire de mon père n'est certes plus d'actualité...
J'aurais dû laisser le « beau livre » dans sa prison de plastique et imaginer posséder un essai sur l'oeil et la couleur commenté par
Merleau Ponty.
( Esprit es-tu là ?)
Raté