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Wahab est un petit garçon secret, replié sur son âme, parlant peu, il préfère se taire et écouter.
Wahab ne devrait que sourire de l'insouciance de l'enfance, et pourtant, un matin, son regard rencontre l'obscurité de la guerre civile en étant témoin de sa barbarie.
Très vite, parce qu'il faut protéger les enfants, c'est le départ, la fuite, la famille s'exile et découvre une terre étrangère. Tout y est si différent : les saisons, les paysages, le lieu de vie, l'école...

Souvent, au retour de la classe, Wahab attend sur le palier qu'on lui ouvre. Quand on y pensera, quand on se rappellera qu'il doit être là à attendre, parce que la vie est devenue si agitée, si bruyante pour les autres membres, que personne n'entend jamais Wahab quand il sonne, personne ne se soucie vraiment de Wahab ou de alors de façon si fugitive.
Paradoxalement, ces moments sur le palier sont les seuls moments de vraie rencontre :avec la musique, avec sa voisine et son piano, Judith et sa douceur, Judith qui écoute. Uniques moments de grâce pour Wahab.

Pour son quatorzième, Wahab reçoit la clef de l'appartement : plus besoin de sonner, d'attendre, plus de notes de piano dérobées à la grisaille des jours, il a grandi... Seulement quand le premier soir, il entre, tout a changé, il ne reconnaît ni les lieux, ni sa mère, ni sa soeur. Son frère souvent absent et son père si terriblement égoïste n'entendent pas ses questions, n'entrevoient pas son désarroi.
Peut-être que cette fois encore la fuite serait la seule réponse : il rêve pendant la classe, il ment pour se protéger, il demande juste qu'on lui parle, qu'on l'entende. Il se cogne dans sa vie et dans ceux qui la peuplent, demeure perplexe et interdit devant la cruauté cachée des actes et des mots, alors pourquoi rester, plier, apprendre.
Fuir pour effacer la folie, fuir pour occulter les images de l'angoisse. Fuir loin de la ville, pour retrouver les sensations de la vie paisible et douce du pays quitté et perdu.


Roman dans lequel les mots de la violence voisinent avec des phrases suspendues dans un imaginaire-refuge, Visage retrouvé est le récit d'un combat contre la peur, celle qu'on tait, celle qu'on enfouit, souvent inconsciemment, pour s'y soustraire, la peur qui se multiplie désormais dans chaque cellule du corps, dans chaque instant de vie et qui tétanise. La peur et son ombre, la colère. Pour essayer de vivre, il faut écrire une autre existence, il faut rêver d'un ailleurs. En se retranchant du monde, on s'éloigne de sa violence. En se retranchant des autres, la colère devient inutile mais on perd la lumière qu'ils partagent, on perd la vie. Comment faire alors pour se reconstruire ? Si Judith faisait scintiller les instants avec ses notes de musique, Wahab utilise un autre art qui lui permettra de poser, justement, un visage sur cet affolement qui lui tient lieu d'existence, sur cette colère qui lui tient lieu de paroles.
Mais il faut encore une souffrance, encore un déchirement. Il faut encore une fois laisser la colère le submerger, encore une fois envisager la fuite comme seule acceptation.
Les démons ne cèdent que si on les affronte, que si on regarde leurs "visages", sans se détourner, sans s'en cacher. Ainsi, en les nommant, en les toisant, ils se replient à la marge de la vision, ils s'estompent de l'existence et tout peut être, à nouveau.


Wajdi Mouawad fait littéralement hurler les mots pour dire l'effroi vécu de la guerre, le poids et la souffrance de l'exil et sait personnifier les démons qu'il faudra terrasser pour enfin tenter de vivre tout simplement. Mais il rappelle aussi que nos vies sont tissées de violence…


"Je n'ai jamais vu le jour se lever ; la lumière doit être plus propre au matin. Les décisions doivent être plus faciles à prendre quand, marchant seul sur une route de campagne, le premier rayon de soleil vous accueille au détour d'un chemin ; la surprise doit aider le marcheur à poursuivre. Il oublie son envie de dormir et cette lumière nouvelle le conduira jusqu'à midi où, tout tremblant, il ira s'écrouler au pied d'un arbre ; au réveil, il se sentira à part, en marge, mélancolique, mais heureux de marcher en pleine nuit comme savent marcher les nomades des déserts."
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Ce premier roman n'est pas officiellement une autobiographie mais le jeune Wahab ressemble bien à son créateur ! Tous deux sont nés au Liban et tous deux ont vécu l'exil pour échapper à la guerre. Tous deux conservent des images traumatiques et tous deux se tournent vers l'art pour y chercher expression et compréhension de leur histoire. J'ai retrouvé les thèmes chers à l'auteur: l'exil,la quête d'identité,la guerre,la violence,les rencontres qui peuvent sauver du néant par un sourire,un regard...S'ajoute peut être plus fortement ici un autre type d'exil,celui du passage de l'enfance à l'âge adulte. La construction de ce roman me fait penser à un tableau de Picasso. Tout paraît incohérent,sans dessus dessous,et pourtant quelle richesse ! Tout y est mais il faut reconstituer le puzzle... J'ai aimé la poésie et l'univers onirique dans lequel Wahab évolue en se débattant avec ses 14 ans qui métamorphosent sa famille. Cet univers devient violent, le vocabulaire brutal et même vulgaire lorsque la colère fait surface avant de pouvoir retrouver le visage de sa mère.
Mon intérêt et même mon attachement pour W.Mouawad se confirme par cette lecture. Son écriture singulière et pleine de nuances,de variations et de subtilité donne naissance à des textes vraiment profonds et captivants.
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Quand je réfléchis aux auteurs contemporains qui me touchent le plus (Wajdi Mouawad et Beata Umubyeyi Mairesse), je remarque un point commun, ils ont tous les deux vécus un des drames de l'Humanité de ce XXème siècle où j'ai grandi, respectivement la guerre au Liban et le génocide rwandais. Si j'essaye de l'analyser, je dirais qu'ayant vécu une enfance privilégiée, protégé de la violence des hommes, j'ai besoin de toucher du doigt les enfances qui y ont été le plus exposé, celles pour qui la confrontation à la violence a été immédiate et brutale.

Ce livre est le premier roman de Mouawad, écrit entre ses pièces Littoral et Incendies, et donc rempli des mêmes thématiques que sa tétralogie du Sang des promesses : rapport au pays d'origine, interrogations sur les liens familiaux, sur la mort et sur ce qu'elle nous oblige à devenir.

La construction est centrée sur l'adolescence du personnage principal, écrite à la troisième personne et encadrée par l'enfance et le jeune adulte, à la première personne. Si on compare avec son second roman Anima écrit 5 ans plus tard, on sent un auteur encore en recherche, qui éprouve le besoin de guider le lecteur (ou de se cadrer lui-même) en énonçant littéralement les guides pour la lecture. le changement d'angle (première à troisième personne) est ainsi littéralement annoncé dans le texte, comme une invite pour que le lecteur le remarque, si jamais il ne l'avait pas fait. C'est presque maladroit mais touchant. de même, le narrateur fait parfois le bilan de son récit en énonçant une sorte de résumé pour qu'on soit bien sûr de ne pas avoir manqué les étapes importantes. Les ficelles de la narration sont à nu et le marionnettiste ne cherche pas à nous illusionner.

Ce premier roman est aussi beaucoup plus autobiographique que le second... comme beaucoup de premiers romans. Les exils, les événements familiaux que vit le narrateur sont ceux de l'auteur. Malgré ce canevas très personnel, Mouawad parvient comme toujours à nous parler directement et personnellement. Cette métaphore des visages qu'on ne reconnait plus, qui ne l'a pas vécu intimement ne serait-ce que quelques secondes, face à la glace, ce sentiment d'étrangeté de se retrouver devant un inconnu qui est pourtant soi. Mouawad s'en saisit et l'étire pour en faire l'élément très original de sa narration, dont le sens réel ne nous est révélé que dans le dénouement, avec des ficelles pour le coup bien moins évidentes.

Mouawad se met totalement à nu dans ce roman et explore sa folie et ses angoisses. Il nous invite ainsi à venir partager les nôtres, puisque nous sommes frères humains, bien imparfaits mais plus humains encore d'être conscients de cette imperfection. Comme souvent avec les auteurs qui nous touchent vraiment, le voyage n'est pas vraiment tranquille mais nous trouve plus conscients de nous-mêmes une fois arrivé à destination.
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Première lecture d'un roman du libano-québecois Wajdi Mouawad. Après le choc Incendies au cinéma , ma curiosité était fortement titillée. Une langue très belle, ciselée, douce et violente à la fois. Une maîtrise de la simplicité et de la complexité sous la plume.
Visage retrouvé, c'est l'histoire de Wahab, petit libanais. Qui raconte sa vie d'enfant heureux sous le soleil du Liban. Puis son autre vie, en exil au Canada. La guerre est passée par là.
Un roman qu'on dévore, tiraillé par le destin de ce garçon, dont l'identité est malmenée. Dont la vie toute entière est malmenée… Wajdi Mouhawad a le don de nous scotcher à son histoire et celle de ses personnages. le choc est rude mais on persiste, on veut savoir la fin. Même si on pressent qu'elle sera inévitablement difficile…
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Visage retrouvé, est une oeuvre puissante.
Mouawad réitère le thème de la quête d'identité, et de la recherche de soi.
Wahab, le personnage, ne reconnaît plus sa mère le jour de ses 14ans: c'est un monde qui est bouleversé, qui ne tient plus debout, et qui l'amène même à dire à un ami "Voilà mon secret: je suis fou".

Le point de départ de ce roman est lorsque Wahab, âgé de 7 ans, voit un autobus rempli brûler: cette vision d'horreur provoque un traumatisme. (ce fait est tiré de la vie de l'auteur, il s'agit d'un bus au Liban en 1975).

Il va alors se chercher, et va faire une fugue car il pense que c'est la solution: il ne supporte plus sa famille, et surtout sa mère. Les personnages qu'il rencontre lors de son périple vont lui apprendre beaucoup de choses, et permettre de vivre avec le visage perdu de sa mère.

Une quête initiatique bouleversante, remplie de la violence de la guerre et du choc subit.
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Après avoir été séduite par sa tétralogie le sang des promesses (Littoral, Incendies, Forêts, Ciels), je me lance dans la lecture de son premier roman...

Ecriture qui mêle deux formes narratives : le récit à la première et à la troisième personne. On suit la vie familiale de Wahab, jeune garçon qui fête ses quatorze ans et on découvre à travers ses yeux ses peurs, ses joies, et sa vision du monde qui change.

Une histoire un peu longue avec des phrases parsemées de métaphores, de poésie mais on retrouve le style de Wadji Mouawad avec le glissement de points de vue, les rapports entre les hommes, ses thèmes de prédilection (la quête d'identité, des personnages à la recherche de leurs origines,...) et "le reflet de sa propre existence".
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Bof... Autant j'ai adoré les pièces de théâtre et le 2ème roman "Anima", autant là non, je n'adhère pas. C'est l'histoire d'un ado qui fugue et qui 10 ans plus tard perd sa mère. Ses pensées, ses démons. je n'ai pas accroché.
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Visage retrouvé est un roman de Wajdi Mouawad publié en 2002. Wahab, né au Liban, grandit au Canada. Pour son quatorzième anniversaire, il reçoit la clé de l'appartement mais ne reconnait plus sa mère à son retour. Il fugue.
Un roman beau et étrange.
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Lu en une journée malgré sa densité mais pour moi cet auteur est addictif, sitôt entrée dans un de ces livres, roman ou pièce de théâtre, je ne peux m'en extraire que lorsque je l'ai terminé. le style est faussement simple, sans aucune fausse note, la construction habile et les thèmes sont universels, humains et intemporels tout en étant effrayants. Ses livres sont peuplés de rêves et de cauchemars, d'animaux et de nature et de l'humain dans toutes ses forces et ses faiblesses. Avec toujours en toile de fond la guerre, l'exil, la violence, la rupture et ici le passage à l'âge adulte.
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Un récit qui explose, à la fin absolument splendide dans toute sa violence : c'est d'une beauté absolue !
Lien : https://horizondesmots.wordp..
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