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Critique de Meps


Meps
01 novembre 2020
Quand je réfléchis aux auteurs contemporains qui me touchent le plus (Wajdi Mouawad et Beata Umubyeyi Mairesse), je remarque un point commun, ils ont tous les deux vécus un des drames de l'Humanité de ce XXème siècle où j'ai grandi, respectivement la guerre au Liban et le génocide rwandais. Si j'essaye de l'analyser, je dirais qu'ayant vécu une enfance privilégiée, protégé de la violence des hommes, j'ai besoin de toucher du doigt les enfances qui y ont été le plus exposé, celles pour qui la confrontation à la violence a été immédiate et brutale.

Ce livre est le premier roman de Mouawad, écrit entre ses pièces Littoral et Incendies, et donc rempli des mêmes thématiques que sa tétralogie du Sang des promesses : rapport au pays d'origine, interrogations sur les liens familiaux, sur la mort et sur ce qu'elle nous oblige à devenir.

La construction est centrée sur l'adolescence du personnage principal, écrite à la troisième personne et encadrée par l'enfance et le jeune adulte, à la première personne. Si on compare avec son second roman Anima écrit 5 ans plus tard, on sent un auteur encore en recherche, qui éprouve le besoin de guider le lecteur (ou de se cadrer lui-même) en énonçant littéralement les guides pour la lecture. le changement d'angle (première à troisième personne) est ainsi littéralement annoncé dans le texte, comme une invite pour que le lecteur le remarque, si jamais il ne l'avait pas fait. C'est presque maladroit mais touchant. de même, le narrateur fait parfois le bilan de son récit en énonçant une sorte de résumé pour qu'on soit bien sûr de ne pas avoir manqué les étapes importantes. Les ficelles de la narration sont à nu et le marionnettiste ne cherche pas à nous illusionner.

Ce premier roman est aussi beaucoup plus autobiographique que le second... comme beaucoup de premiers romans. Les exils, les événements familiaux que vit le narrateur sont ceux de l'auteur. Malgré ce canevas très personnel, Mouawad parvient comme toujours à nous parler directement et personnellement. Cette métaphore des visages qu'on ne reconnait plus, qui ne l'a pas vécu intimement ne serait-ce que quelques secondes, face à la glace, ce sentiment d'étrangeté de se retrouver devant un inconnu qui est pourtant soi. Mouawad s'en saisit et l'étire pour en faire l'élément très original de sa narration, dont le sens réel ne nous est révélé que dans le dénouement, avec des ficelles pour le coup bien moins évidentes.

Mouawad se met totalement à nu dans ce roman et explore sa folie et ses angoisses. Il nous invite ainsi à venir partager les nôtres, puisque nous sommes frères humains, bien imparfaits mais plus humains encore d'être conscients de cette imperfection. Comme souvent avec les auteurs qui nous touchent vraiment, le voyage n'est pas vraiment tranquille mais nous trouve plus conscients de nous-mêmes une fois arrivé à destination.
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