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Critique de Nastie92


Tapez "Lunch atop a skyscraper" dans un moteur de recherche et vous tomberez sur une célèbre photographie. Prise en 1932, elle montre onze ouvriers en train de déjeuner assis sur une poutre d'un building du Rockefeller Center en construction.
À 240 mètres de hauteur. Sans aucune assurance.
La simple vue de ce cliché fait trembler mes jambes et me donne des sueurs froides, parce que je suis sujette au vertige. Mais tout en me mettant dans cet état, cette photo m'a toujours fascinée.

Des chantiers, vous en avez certainement tous vu ; l'image d'une grue déposant une à une les pièces vous est sûrement familière. Mais vous êtes-vous jamais demandé comment on construisait des tours géantes ?
Les tours jumelles du World Trade Center par exemple ?
Ces tours culminaient à plus de quatre cent mètres de hauteur ; vous imaginez bien que ce n'est pas à l'aide de simples grues posées au sol qu'elles ont pu être érigées.
Alors, comment les a-t-on bâties ?
Si vous voulez le savoir, lisez Ciel d'acier.
J'ai dévoré ce petit pavé en quelques jours, ce fut une lecture passionnante.
J'y ai trouvé de la technique mais surtout de l'humain. Beaucoup d'humain.
Parce qu'apprendre comment le World Trade Center a été édifié, ce n'est pas seulement comprendre les procédés employés : c'est avant tout découvrir comment les hommes ont travaillé sur ces tours et surtout qui ils étaient et comment ils vivaient.
Lisez Ciel d'acier et vous ferez la connaissance des Mohawks, ces indiens du Québec qui travaillent depuis plus d'un siècle sur les chantiers les plus fous de l'Amérique.

Michel Moutot est journaliste. Il a couvert les attentats du 11 septembre 2001 à New York et a passé des jours à Ground zero. Il a raconté dans un interview que ce sont les pompiers et les sauveteurs avec lesquels il a discuté qui lui ont parlé des Mohawks. Il a réussi à échanger avec certains d'entre eux et de ces discussions lui est venu l'envie de raconter leur histoire.
Michel Moutot s'est beaucoup documenté et son livre est fondé sur des faits historiques réels. Tous les événements relatés sont vrais mais, en tant que romancier, il a créé des personnages et inventé une trame qu'il a intégrée dans L Histoire
On suit ainsi une famille de Mohawks sur plusieurs générations. Ils sont "ironworkers" (monteurs d'acier) de père en fils et à travers eux Michel Moutot nous fait découvrir tout un pan de l'histoire américaine.
Les chapitres relatant le découpage des poutres d'acier effectués par les ironworkers après l'effondrement des tours pour que les secouristes puissent fouiller les décombres à la recherche de victimes ne peuvent laisser personne insensible. D'autant plus qu'à travers les allers-retours dans le temps on suit en alternance la construction de ces mêmes tours.
Construction - Destruction dans un parallèle saisissant.
Fierté des ironworkers de participer à un chantier exceptionnel - Infinie tristesse, au-delà des pertes humaines, de voir leur oeuvre détruite.
Les descriptions de la désolation après la chute sont bouleversantes.
Gravats et cendres d'un "Pompéi moderne". Sauf que ces dégâts, matériels et humains, ne sont pas dus à un cataclysme naturel ; ils sont l'oeuvre d'esprits pervers et diaboliques que je n'arrive pas à qualifier d'humains. John LaLiberté qui assiste interloqué à l'effondrement des deux tours s'interroge fort justement : "Qui peut nous haïr à ce point ?"
Les ironworkers forcent le respect. Ils font preuve, lors du déblaiement, de la même conscience professionnelle que celle qui les avait animés lors de la construction. Alors que le travail est infiniment plus douloureux, l'espoir de retrouver des survivants se muant rapidement en désespoir de ne rien retrouver. La volonté farouche de sauver d'éventuels rescapés se heurte très vite à la terrible réalité : personne n'a pu sortir vivant de cet écrasement monstrueux.
Tous poursuivent tout de même le travail rude et dangereux au milieu des gaz et des fumées toxiques, tous continuent à découper l'acier pour qu'il puisse être évacué afin de faire disparaître le plus rapidement possible les traces de l'attentat et laisser la place à une nouvelle construction.
Ciel d'acier est à la fois un roman historique, une saga familiale et une présentation des coutumes des Mohawks.
Ce n'est pas une grande oeuvre littéraire, et c'est le seul reproche que je ferais : il est écrit dans un style très simple, très plat. Mais il est passionnant et se dévore en un rien de temps.
Instructif et captivant, il offre au lecteur un très beau voyage et constitue un magnifique hommage aux bâtisseurs et aux victimes.
Alors, sujet au vertige ou non, enfilez votre baudrier, attachez-vous bien, et venez suivre la vie des Mohawks. Vous ne le regretterez pas.
Une petite réflexion pour finir.
La légende disait que les Mohawks étaient ironworkers car ils étaient insensibles au vertige. C'est complètement faux ! Ils ne le sont pas plus que le reste de la population, mais ils sont prêts à prendre des risques, à travailler dur, pour gagner leur vie et nourrir leur famille.
Cette légende a certainement longtemps arrangé ceux qui leur faisaient risquer leur vie sur les chantiers.
Les temps ont changé et les conditions de sécurité sur les hautes constructions sont heureusement devenues très strictes.
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