AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9781546706830
300 pages
CreateSpace Independent Publishing Platform (28/07/2017)
4/5   6 notes
Résumé :
Tout était-il vraiment mieux avant ? Aujourd'hui, il semblerait que les autres ne savent plus parler : les jeunes, les pauvres, les immigrés, les nouvelles générations, les journalistes, les québécois... Mais qu'est-ce qui a changé entretemps ? Ce livre, qui est le premier de l'auteur, continue dans la lignée de son travail vidéo qu'on ne présente plus : de façon ludique, on revient sur l'histoire de la langue et ses évolutions récentes, en n'oubliant jamais de comp... >Voir plus
Que lire après Linguisticae : Les autres ne savent plus ecrire(nt)Voir plus
Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Enfant, j'aimais beaucoup la grammaire et l'orthographe : toujours friand de règles à appliquer, elles me valaient autant de satisfaction personnelle que de bonnes notes. Plus tard dans mes études à Bruxelles, on a moqué mon accent campagnard, puis en fréquentant des Français, j'ai réalisé que je ne parlais pas tout à fait la vraie langue, mais un dérivé un peu ringard. Je me suis donc lancé dans une quête de pureté, toujours à la recherche de nouvelles règles de syntaxe et de grammaire méconnues du grand public.

Une des premières interventions que j'ai vue sur Linguisticae concernait les « grammar nazi », ces gens sympathiques qui, sous une annonce de décès d'un réseau social, vont vous faire remarquer un mauvais emploi du subjonctif. L'argument principal était que loin de défendre la culture française, ces gens étaient surtout en quête de réussite sociale, la maîtrise de l'orthographe et de la grammaire conférant une aura de supériorité intellectuelle sur ceux qui galèrent à les apprendre. Et ça s'appliquait certainement à mon cas : valorisé par l'école, puis dévalorisé deux fois par mes origines géographiques, je cherchais certainement à reconquérir ma place. Grosse remise en question, qui m'a amené à réutiliser « septante » et « nonante » en France, même si ça me vaut à chaque fois des exclamations de surprise et des explications fastidieuses.

Car une langue, finalement, ça vit, ça change, ça se colore selon les régions, ça emprunte des trucs pratiques à d'autres langues, ça en bricole d'autres quand il faut décrire des nouveaux concepts, ça recycle des mots pour d'autres usages, et aussi, ça se simplifie. Car il faut compter avec la paresse inouïe de ses locuteurs, qui n'ont aucune envie de prononcer trois syllabes quand on ne peut en dire que deux pour faire passer le même message, ni de retenir des exceptions là où une seule règle suffit.

À travers les nombreux exemples du livre, on réalise qu'aucune des « évidences » pour nous n'en sont, et qu'à chaque règle « universelle » qu'on puisse imaginer, on trouvera un contre-exemple. À quel point aussi les langues sont politiques à l'époque des nations, et peuvent refléter les tensions et discriminations sociales, sexuelles et géographiques qui les agitent.

Au regard de toute cette variété, la situation du français actuel paraît finalement assez étrange : totalement rigide, refusant toute évolution, édictant des nouvelles règles systématiquement à l'encontre du consensus actuel (LA covid alors que la majorité de la population avait implicitement adopté le LE, choisir « acolyte des illustres » pour franciser « follower »). Avec toute l'histoire du français, on comprend difficilement pourquoi, aujourd'hui, des gens sont prêts à s'immoler sur la place publique en apprenant qu'on peut désormais écrire « ognon » sans « i » ou quand un nouveau pronom est documenté dans le dernier dictionnaire.

Avec Linguisticae, je suis donc passé d'une langue sévère, dont les règles sont descendues sur le monde telles les Tables de la Loi ramenées par Moïse, à un joyeux bordel fait de jeux linguistiques, de négociations invisibles permanentes et de flemme absolue. Et finalement, je l'aime beaucoup mieux comme ça.
Commenter  J’apprécie          142

Citations et extraits (4) Ajouter une citation
[La] particule [négative "ne"], qui est obligatoire à l'écrit, est souvent (si ce n'est toujours) absente à l'oral : en fait, cela fait pas moins de deux-cents ans qu'elle a commencé à disparaître, si bien que dans plusieurs régions francophones, la présence de cette particule dans une phrase relève bien plus de l'exception que de la règle (Québec, Romandie).

En France, si la particule négative "ne" est un peu plus courante à l'oral, on peut dresser le même constat : elle est presque toujours absente des phrases négatives, sa présence est devenue rarissime. La disparition de cette particule frappe tous les sexes, toutes les classes sociales, toutes les générations. Pourtant, dans les médias où la forme est religieusement respectée, la particule négative "ne", et bien qu'elle y soit là aussi de moins en moins utilisée, reste extraordinairement bien conservée puisqu'on la trouve encore dans la majorité des phrases négatives.

Quoiqu'il en soit, cette disparition n'est pas symptomatique d'un appauvrissement de la langue, il s'agit de quelque chose d'assez bien documenté et aussi de quelque chose de facilement explicable sur le plan linguistique, cela porte même d'ailleurs un nom : le cycle de Jespersen. Je préfère autant vous prévenir : cette particule va finir par complètement disparaître, et rien ne pourra à priori empêcher cette inéluctable disparition, pas même la hardiesse de l'Académie.
Commenter  J’apprécie          102
[E]n France, tout ce qui est identifié comme un accent renvoie à des stéréotypes : l'accent du sud-ouest nous fait penser rugby et cassoulet, celui du sud-est nous fait penser au soleil mais aussi au policier un peu benêt et au papy un peu rustre qui veut te refourguer son huile d'olive. L'accent du nord nous fait penser à des gentils débiles consanguins qu'on aime quand même bien depuis le film de Dany Boon, l'accent de la Corse nous fait penser à la mafia et aux sangliers, l'accent martiniquais nous fait penser à des gens un peu trop lents qui ne pensent qu'à dormir et faire la fête en famille. Dans le même genre d'idées, il existe dans l'inconscient collectif un accent pour les noirs et un accent pour les arabes, alors que l'accent n'est jamais racial, il est social et surtout géographique : un nigérian n'aura en français pas du tout le même accent qu'un malgache, leurs langues maternelles étant à peine comparables.

C'est autant de clichés qui sont à l'origine d'une véritable discrimination, et ils ont tendance à être hiérarchisés : en entretien d'embauche, l'impact de l'accent est comparable à celui du handicap, il serait également plus fort que la couleur de peau. Nombreux sont ceux qui veulent « corriger » leur façon de parler pour la conformer à un accent jugé plus sérieux.
Commenter  J’apprécie          50
L'argument "ad grammaticam" [...] vise à décrédibiliser une personne en l'attaquant sur sa façon d'écrire ou de parler, jugée impropre au regard de la norme. [...]

En visant la langue de l'autre, on attaque tout ce qui la caractérise : le milieu social, le sexe, l'âge, l'origine géographique. Cela peut même aller jusqu'à attaquer la condition physique ou médicale, notamment lorsque l'on vise les défauts de prononciation dont l'origine peut être morphologique ou neurologique. Ainsi, et même si l'ad grammaticam est répandu et même si sa pratique s'est banalisée au quotidien, ses mécanismes ne diffèrent guère des autres insultes sur l'identité comme celles qui visent le physique : par bien des aspects, l'ad grammaticam rappelle d'ailleurs l'insulte raciste, sexiste ou xénophobe. [...]

Pour faire court : celui qui use de l'ad grammaticam affirme sa supériorité sociale sur celui qui est insulté. Contrairement à l'insulte sexiste, raciste ou xénophobe, l'ad grammaticam n'est pas mal perçu au regard de la société.
Commenter  J’apprécie          20
En Tok Pisin, dans certains villages de Nouvelle-Guinée, il existe une pratique nommée "kros" dont le but est de dire le plus d'insultes, d'obscénités et d'injures. Cette pratique, contrairement à ce qu'un occidental pourrait s'imaginer, est presque exclusivement féminine.
Commenter  J’apprécie          30

autres livres classés : linguistiqueVoir plus

Autres livres de Romain Filstroff (1) Voir plus

Lecteurs (22) Voir plus



Quiz Voir plus

Retrouvez le bon adjectif dans le titre - (5 - essais )

Roland Barthes : "Fragments d'un discours **** "

amoureux
positiviste
philosophique

20 questions
846 lecteurs ont répondu
Thèmes : essai , essai de société , essai philosophique , essai documentCréer un quiz sur ce livre

{* *}