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Critique de Bellonzo


Et de Hongrie soufflent les braises incandescentes


Sandor Marai, magnifique écrivain hongrois, s'est suicidé en Amérique en 1989. Il avait 89 ans. Claude Rich et Bernard Verley avaient joué il y a trois ans l'adaptation théâtrale de son roman "Les braises". Ce livre est dans la lignée de ces écrivains d'Europe Centrale ayant vécu la bascule du siècle en cette monarchie austro-hongroise qui vit éclore et souvent fuir les meilleurs intellectuels, mais vous connaissez déjà Arthur Schnitzler, Stefan Zweig, Joseph Roth.

En son château le vieux général attend son ancien condisciple qu'il n' a pas revu depuis quarante ans. Mais le monde qui avait réuni leurs jeunesses n'existe plus. Comme enfermé dans son palais le vieux général n' a pas su comprendre le siècle. Son vieil ami, voyageur et homme d'affaires, l'a-t-il mieux saisi au moment où ils se retrouvent dans le salon où rougeoient les braises de leurs souvenirs? Sandor Marai est un écrivain de l'attente et des silences dans cette Europe où les esprits ont perdu leurs repères. Oserai-je citer encore Buzzati si je ne craignais de m'entendre dire qu'il me faut tuer Dino en un sain exorcisme. "Les braises" c'est un voyage dans l'insondable et impossible amitié de deux hommes que tout a séparés et qui ne sont plus guère eux-mêmes que vestiges. Comme les restes du Guépard sur les ruines de la vieille Europe.

"Mémoires de Hongrie" est le récit que fait Sandor Marai de la fin de la guerre. Ecrit en 1970 ce récit narre le changement de propriétaire de la maison Hongrie en 44. Résistant antifasciste avant la guerre puis ennemi de classe lors de l'arrivée des Soviétiques, ce grand intellectuel bourgeois éclairé aura eu du mal, bien du mal, à être simplement hongrois. Comprenant qu'aux noirs assassins succédaient en un fondu enchaîné, très enchaîné, les rouges égorgeurs, Sandor Marai qui savait que l'humanisme deux fois étranglé devrait attendre bien des années, décida de partir en 48: "Pour la première fois de ma vie, j'éprouvais un terrible sentiment d'angoisse. Je venais de comprendre que j'étais libre. Je fus saisi de peur". Et comme l'on partage cette crainte chez cet homme de haute culture et de tradition, détaché de toute idée préconçue. Albin Michel qui édite ces deux livres sort en ce moment même "Métamorphoses d'un mariage. Vous imaginez comme cela me tente de découvrir une autre oeuvre de cet auteur lucide, courageux et embrasé.

Cette grande voix de la littérature européenne s'est tue volontairement. le grand âge lui avait-il rendu l'espoir et apaisé sa peur des barbaries?
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