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Critique de Aline1102


Un narrateur dont on ne connaît pas le nom (décidemment, c'est une manie dansles romans pour ce Challenge 15 Nobel) se réveille la veille de ses 90 ans. Dans sa jeunesse, cet homme a assidûment fréquenté les maisons closes de sa ville - au point d'être plusieurs fois couronné "client de l'année" par plusieurs d'entre elles - mais, à la veille de son anniversaire, il se rend compte que cela fait près de vingt ans qu'il a cessé cette pratique. Pourtant, Rosa Cabarcas, une tenancière de maison close qu'il a bien connue, l'a souvent relancé...
Aujourd'hui, notre homme se sent près à retrouver les chambres de Rosa. Mais il impose à Rosa une condition : la fille qu'elle lui fournira doit être vierge.

Gabriel Garcia Marquez est l'un de mes auteurs préférés. Sa plume magnifique lui permet de transformer les sujets les plus scabreux en véritable poésie ; ainsi, dans ce Mémoire de mes putains tristes, la simple description d'une maison close délabrée devient un vrai poème, car l'auteur a la bonne idée de nous parler de l'environnement qui l'entoure : la forêt toute proche, le vent qui souffle doucement dans le peu de cheveux que son héros conserve sur son crâne, la chaleur moite de cette ville sud-américaine que le narrateur connaît si bien,...
Les principaux thèmes traités par Garcia Marquez dans ce court roman sont la vieillesse et - aussi étrange que cela puisse paraître étant donné le titre - l'amour. le narrateur se réveille un beau matin à l'aube de son 90e anniversaire et ne sait toujours pas comment il a atteint ce jour. Lui se sent encore jeune ; ce sont les autres et certains objets (notamment les miroirs) qui lui renvoient l'image d'un homme âgé. D'après lui, les changements physiques que l'on remarque chez soi-même sont tellement infimes que la vieillesse nous tombe dessus sans crier gare. Et, alors que mentalement, on a toujours 20 ans, physiquement, on a l'air centenaire.
Ce genre de réflexion nous accompagne tout le long du récit, car notre narrateur écrit des chroniques pour un journal local et décide justement, dans les premières pages du récit, que sa chronique hebdomadaire sera consacrée à son anniversaire.
Le second thème récurrent est, comme je l'ai signalé plus haut, l'amour. Car contre toute attente, notre héros tombe amoureux de la jeune fille que Rosa Cabarcas a déniché pour lui. Il ne connaît même pas le nom de cette fillette (car elle n'a que 14 ans) pauvre, mais décide de l'appeler Delgadina.
Peu à peu, sa passion pour Delgadina commence à l'envahir tout entier : il ne pense plus qu'à elle et s'imagine même la voir près de lui dans sa maison, quand il travaille ou quand il lit. Notre héros rajeunit de vingt ou trente ans, allant jusqu'à faire de la bicyclette dans les rues de sa ville sous les yeux ébahis des passants (la bicyclette est en réalité destinée à Delgadina, mais notre homme ne résiste pas à l'envie de la tester). Ses chroniques dominicales pour le journal deviennent de véritables lettres d'amour à la jeune fille et commencent à inspirer de nombreux lecteurs, qui n'hésitent pas à se manifester à la rédaction du journal.
Le plus étrange dans l'histoire, c'est que malgré - ou peut-être à cause de - cette passion dévorante, la relation entre Delgadina et notre narrateur reste presque totalement platonique : quelques caresses et quelques baisers de sa part sont les seuls contacts physiques échangés entre ce couple pas comme les autres.
Il est donc étrange de lire un tel récit, mêlant les vies d'un vieux bonhomme de 90 ans et d'une jeune vierge qui pourrait être son arrière-petite-fille. Mais Gabriel Garcia Marquez est le spécialiste des récits étranges, à la limite du merveilleux et, une fois encore, son talent de conteur est parvenu à me passionner pour ce récit atypique, que j'ai lu en quelques heures à peine. Mêlant avec beaucoup de talent l'humour et la mélancolie, Mémoire de mes putains tristes aborde des thèmes universels (même si sa manière de les aborder diffère des récits habituels à ce sujet). Vieillir et aimer n'est-ce pas le sort de chacun d'entre nous ?

Challenge 15 Nobel : 11/15
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