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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Dans ce recueil de nouvelles, Scholastique Mukasonga nous promène dans son passé de façon tendre et poétique telle une géographe et historienne d'un hier révolu.
On est le long de sa chère rivière Rukarara qui a bercé son enfance.
Elle évoque l'arbre sacré de Kivumu, personnage à part entière du peuple rwandais avant colonisation, au travers d'un conte que lui faisait sa mère. Ce qui donne aussi l'occasion d'illustrer l'endoctrinement religieux des missionnaires, la violence de ceux-ci.
Titicarabi, le chien faiseur de mirage, autre conte ancestrale, permet la réminiscence de sa scolarité insouciante, joyeuse, inscrite dans l'injustice des codes sociaux en vigueur à l'époque pour les Batwa et relate une école de la discrimination.
Son histoire familiale n'est pas en reste lorsqu'elle raconte le rôle de son grand-père qui fut l'hôte du dernier Mwami Musinga, donnant l'occasion de dresser la genèse de la destruction par les colons belges et l'implication de leurs missionnaires, de la structure sociale rwandaise.
Le malheur s'inscrit dans les croyances, la mort est un « tribut coutumier » que l'on paye au malheur.
Le Mungu, « bon » dieu des blancs se confronte aux multiples dieux des Rwandais, les Imana, parfois mauvais qu'il ne faut pas froisser. Certains Rwandais se convertissent par le Baptême.
Il y a également une approche du concept de l'amour entre deux être qui est quelques chose d'étranger sur les collines.
Un survol toujours agréable sous la plume de Scholastique Mukasonga de son beau pays tel qu'il a été et qu'elle l'a connu où plane l'effroyable désastre né à l'arrivé du blanc colonisateur sans que ce soit le sujet de ses nouvelles.
Et c'est ce qui m'a plu, pour avoir déjà beaucoup lu sur le génocide. Elle arrive à s'en détacher et à nous transmettre son bonheur perdu.
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Rarement autant ému par une histoire d'amour!

L'amour de l'auteure, Rwandaise exilée, pour son pays, son peuple, sa culture, son histoire avant l'arrivée des blancs, des belges, elle l'exprime à travers des petits contes issus d'histoires racontées par sa mère, son grand père ou simplement vécues à l'école ou au catéchisme.

Si simple et si fort!
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Le Rwanda. Le pays aux mille collines. La source du Nil. Le pays d'Afrique continentale le plus densément peuplé. Avril 1994 : plus de 800 000 humains exterminés. Le 4e génocide du 20e siècle.
L'apocalypse de c'est pas abattu tout à coup, par hasard sur ce peuple. Le mal s'est infiltré peu à peu. Un mal ancien a gangréné, infecté son équilibre social. Pays colonisé . 1885, le traité de Berlin, l'Afrique est, découpée en morceaux, mettant en charpies nombre de cultures, d'alliances, de relations communautaires. L'église catholique va « missionner » sa parole lézardant, sapant l'édifice spirituel de ces populations. Le Rwanda deviendra colonie allemande, puis belge, jusqu’à son indépendance le 1er juillet 1962.
Les colons vont inventer un concept totalement inconnu pour cette population : La notion d'ethnie, de race.
La société rwandaise était établie sur des critères sociaux économiques qui architecturaient le rapport de ses pouvoirs politiques, religieux et militaires. Le clan des éleveurs, les Hutu, le clan des cultivateurs les Ttusi, le clan des cueilleurs , les Twa ( peuple premier du Rwanda) . une répartition donc par clans, par castes. Une répartition mouvante, flexible.
Puisque les mariages permettaient à la femme originaire d'un des clans d'intégrer le clan auquel était originaire son époux. Le rattachement au clan était donc établi par naissance pour l'homme, par alliance pour la femme. Mais n'était pas pour la communauté immuable. Plusieurs clans, mais une même langue, un même dieu l'Imana.
L'administration coloniale sans aucune connaissance de cette culture, de son histoire, de ses croyances, de toutes les bases de sa spiritualité a procédé un classement pseudo ethnique ahurissant de la population en se basant sur des critères aberrants de nuances de pigmentation de la peau, de taille, de considération pseudo anthropologique, échafaudant ainsi une fausse théorie des races rwandaises aboutissant ainsi à une classification « qualitative » de la population Selon les besoins politiques , économiques , les colonisateurs ont fait évoluer leurs appuis politiques vers l'une ou l'autre de ces deux pseudo ethnies qu'ils avaient artificiellement et arbitrairement ordonnées, hiérarchisées, classifiées, établies. Et ceci durant la période coloniale mais également post coloniale. La politique « africaine » de la France venant elle même peu à peu surenchérir le désordre politique et social du pays.
S'en suivra la guerre civile de 1957, les massacres de 1963, de 1972, les livraisons régulières à partir de 1987 d’équipements militaires vers le Rwanda par la France, pour en arriver à un génocide qui débuta le 07 avril 1994 et qui prit fin en juillet 1994, provocant la mort de 800 000 à un million de personnes, Tutsi et Hutu opposants au régime gouvernemental en place.
Ce que murmurent les collines, recueil de nouvelles de l'écrivaine rwandaise, Scholastique Mukasonga, nous fait entendre l'âme rwandaise. La réalité de ses couleurs qui sont celles de sa terre, de ses collines, de son ciel, de ses légendes, de ses rivières, de ses traditions, de sa mémoire. Les couleurs incroyables de sa musique. Il nous fait comprendre la méconnaissance totale et souvent absurde d'une culture coloniale occidentale, qui a piétiné, utilisé, instrumentalisé, malmené, déformé, d' une population entière pour assouvir ses propre besoins, selon ses propres critères, ses lois, l'échelle de ses valeurs, faisant table rase de la complexité, de la pluralité d'un continent entier. Ce que murmurent les collines est un magnifique recueil.
Je ne peux que nous conseiller également de voir le film «  Quelques jours en avril » ( sometimes in April) de Raoul Peck, afin de nous apprendre ou de mieux nous faire comprendre, ou nous rappeler ce qu'une effrayante et terrifiante notion de race, et plus largement toute notion de classification identitaire ; peut engendrer comme immense péril pour toute l'humanité, et cela quelque soit la colline où elle voit le jour.
A lire également « Congo » d'Eric Vuillard qui témoigne d'un holocauste oublié qui fit 10 millions de morts en vingt ans, sous le règne de de Leopold II, «  le coupeur de mains », roi des Belges.

Astrid Shriqui Garain

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Un ensemble de nouvelles vraiment excellent. La tonalité générale est assez nostalgique, triste même, quelque chose d'un monde qui se termine, qu'il s'agisse de la mort du Rwanda traditionnel avec l'ingérence des Belges puis leur destitution du roi qui refusait de devenir un pantin, ou des proches que l'auteur, ou des proches de ses personnages, qui disparaîtront dans les massacres tristement célèbres. La nouvelle Un Pygmée à l'école aborde même la question du rejet des Mutwa, les Pygmées, par les Rwandais, y compris les Tustis qui étaient eux-même des citoyens de seconde zone, et si tout cela ne vous désespère pas de l'espèce humaine, c'est que vous avez le coeur mieux accroché que moi!
Pour qui voudrait découvrir le talent indéniable de Scholastique Mukasonga, Ce que murmurent les collines serait un excellent point de départ, une façon de découvrir le pays aux mille collines et sa culture. L'auteur a eu la bonne idée d'inclure d'ailleurs des notes à la fin de chaque nouvelle, rien de très long, juste ce qu'il faut pour que le lecteur qui n'y connaisse pas grand chose ne soit pas trop perdu.
A recommander!
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Voici six nouvelles quelque peu surprenantes au départ car elles nous font entrer par une petite porte, bien agréable je trouve, dans une culture qui nous est totalement étrangère. L'Afrique, et le Rwanda en particulier, ont une longue Histoire, les colonisateurs blancs n'ont pas écrit sur une feuille vierge, c'est ce qui est dit ici très simplement. Ces récits nous font découvrir un monde poétique, riche d'imaginaire et de lien social, dont la lecture apaise.

Les noms sonnent curieusement mais racontent l'histoire par leur musique particulière. Il faut s'attarder un peu sur eux, sur leur sonorité, au départ c'est un effort puis on s'en fait vite des amis et des complices de lecture… Il y a là le dieu Mwami… la rivière Rukarara… La famille de Scolastique a été exilée comme tant d'autres tutsis (et hutus opposants) à Nyamata au Bugesera en franchissant la rivière Nyabarongo : « J'allais avec les autres filles chercher de l'eau au lac Cyohoha ou, pour des occasions solennelles, à la source de Rwakibirizi dont le flot abondant et intarissable semblait jaillir par la grâce d'un improbable miracle au milieu de ce pays de sécheresse qu'est le Bugasera. »

Scholastique Mukasonga est née au Rwanda et fait partie de ces exilés qui ont dû chercher refuge après avoir vécu des persécutions _ et dans son cas, un génocide des plus terribles de toute l'histoire humaine. L'identité de cette écrivaine ayant reçu de multiples prix est en soit intéressant et porte la marque de l'Europe par le prénom, la scolastique c'est l'école mais dans un sens philosophique, alors que son nom, Mukasonga, est tout à fait rwandais. Et dans ce prénom a été ajouté le h du latin schola _l'école_ comme une marque du destin particulier de la petite fille exilée.
Dans la nouvelle « le Malheur » on apprend que MUKA est un préfixe marqueur des noms féminins, propre au Rwanda, pouvant se traduire par « Femme de… » ou « Celle de … ». Ce qui signifiait que la femme avait réellement un statut en se mariant ou en étant mère. C'est une des histoires qui m'a vraiment plu, les six femmes qui sont présentées dans ce conte sont très intéressantes, elles ont une interprétation forte et personnelle de l'origine des malheurs touchant leur colline.

J'ai aussi beaucoup aimé la nouvelle « Un pygmée à l'école ». Cette histoire de Cyprien, enfant admis exceptionnellement à l'école et ensuite mis à l'écart des autres enfants de la classe car originaire d'une autre ethnie, est édifiante. On retrouve là toute la puissance des contes, marquant fortement les esprits, ils plongent dans le passé par la transmission orale d'avant le livre. Il convoque à la fois le récit mémoriel, l'histoire et à travers le dénouement, une sorte de morale que le lecteur peut, s'il a été touché par les arguments ou/et par l'habileté du conteur/de la conteuse, faire sien.
On peut lire ces nouvelles dans l'ordre prévu par l'auteure ou pas… Pour ma part je conseille de commencer par ces deux-là : « le Malheur » et « Un pygmée à l'école » et de poursuivre par « la rivière Rukarara », cri d'amour pour son pays natal perdu et une nature magnifique qui porte la vie.

« La vache du roi Musinga » est un beau récit historique du pouvoir en place avant l'arrivée des colonisateurs allemands puis belges. Là où un animal est à la fois richesse, transmission, relation d'un roi à son peuple.
Le remplacement des valeurs est bien décrit dans la nouvelle « le bois de la croix ». le culte à la nature, l'arbre géant et les gris-gris sont remplacés par l'eau bénite des pères blancs. le bois de la croix est celui de l'arbre géant et les arbres de la forêt qui sont « comme les enfants de l'arbre géant » vénérés par les différentes ethnies sans distinctions, le sorcier est hutu…

Dans « Titicarabi », on rentre dans le quotidien d'un enfant rwandais qui en classe accédait aux connaissances par le livre « Matins d'Afrique », avec des histoires « ... qui se passaient dans une Afrique étrange qui n'était pas le Rwanda, dans des pays encore plus bizarres qui devaient être les pays des Blancs. »

À travers cette mosaïque, Scholastique Mukasonga nous permet de comprendre réellement son enfance, de là d'où elle vient. Elle aborde avec retenue les conflits entre hutus et tutsis… Elle a écrit là-dessus dans ses précédents livres et peut-être, le temps passant et les phrases s'accumulant, peut-elle s'évader un peu de l'enfer qu'elle a connu dans son enfance. Elle avait 4 ans quand elle et sa famille tutsi ont été déportés en 1960, et où elle a dû s'exiler d'abord au Burundi puis en France (le génocide des tutsis _ mais aussi des hutus et tous ceux qui ont voulu s'interposer _ aura lieu en 1994).
Ces petites histoires nous racontent la grande Histoire. Difficile pour moi de comprendre pourquoi un tel malheur s'est abattu sur ce petit pays en écoutant seulement des infos trop souvent désincarnées, voire rejetant l'autre, l'étranger. Là, je pense approcher au plus près du vécu de ce peuple (il semble que les tutsis et les hutus vivaient en paix avant la colonisation et le marquage ethnique qui a été institué alors). Les mots de Scolastique nous parlent de l'ancien temps d'avant la colonisation par les allemands puis les belges, du mépris des Blancs pour la culture ancienne qu'ils vont alors détruire méthodiquement et du pillage des richesses. Dans les petits faits du quotidien d'alors apparaît ce qui va advenir. La graine de la haine a été plantée et elle va éclore à partir de 1959, jusqu'à cette année 1994, terrible période du 7 avril au 17 juillet, ou de nombreux membres de sa famille ont été assassinés.

Ce beau petit livre des éditions folio m'apparaissait plutôt difficile à aborder. Après lecture il m'est précieux par sa douce musique qui sait raconter la mémoire et les espoirs de tout un peuple. Et j'aime beaucoup le titre très doux : « ce que murmurent les collines »…

Pour compléter il est intéressant d'aller voir l'excellent site officiel de Scholastique Mukasonga, notamment sa biographie faite de drames et d'exil avant de déployer ces phrases magnifiques. C'est quand même curieux d'avoir entendu aussi peu parler des rescapés et de ceux qui, comme Scholastique, ont été contraints à l'exil.
https://www.scholastiquemukasonga.net/home/

J'ai aussi apprécié le site de « vision du monde » qui donne des explications abordables et sérieuses concernant la survenue de cet évènement de l'ordre de l'impensable absolu. Des quatre grands génocides, celui-ci a été le plus rapide car il s'est déroulé sur seulement 100 jours et fait 800 000 morts.
https://www.visiondumonde.fr/actualites/vision-du-monde-commemore-le-genocide-rwandais

Ces nouvelles m'ont donné l'opportunité de découvrir « une belle plume » et de prolonger cette lecture en tentant de comprendre le passé douloureux de ce peuple martyr. Au-delà de ces contes, on doit parler des responsabilités, dont celles de la France et des pays colonisateurs, qui ont conduit à ces situations. Comprendre afin de tout faire pour que cela ne se reproduise plus c'est déjà, au départ, ne pas détourner le regard !

Lien : https://clesbibliofeel.home...
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Ces nouvelles très intéressantes évoquent l'histoire du Rwanda (que ce soit au début de la colonisation ou pendant l'enfance de l'autrice), sa nature, ses croyances et ses modes de vie.
Voici mes deux nouvelles préférées: "Le Malheur", "Un Pygmée à l'école".
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