AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782070127917
128 pages
Gallimard (05/01/2010)
4/5   29 notes
Résumé :

L'Iguifou ("igifu" selon la graphie rwandaise), c'est le ventre insatiable, la faim, qui tenaille les déplacés tutsi de Nyamata en proie à la famine et conduit Colomba aux portes lumineuses de la mort...

Mais à Nyamata, il y a aussi la peur qui accompagne les enfants jusque sur les bancs de l'école et qui, bien loin du Rwanda, s'attache encore aux pas de l'exilée comme une ombre maléfique...

Kalisa, lui, conduit ses fantôm... >Voir plus
Que lire après L'Iguifou : Nouvelles rwandaisesVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
****
Dans ce recueil de 5 nouvelles, Scholastique Mukasonga nous fait partager la dure vie et les terribles souvenirs des Tutsis au prémices du génocide.
Avec douceur et poésie, elle arrive à poser de jolis mots sur cette période sombre.
Il est toujours compliqué de parler de nouvelles, mais ce recueil là est à savourer... En souvenir... Et pour ne pas oublier...
Commenter  J’apprécie          270
L'Iguifou, c'est la faim qui ronge le ventre des petites Tutsi exilées à un tel point qu'il leur rend si belles et lumineuses les portes de la mort. Alors on se souvient de la vache, du lait, sacré, que l'on buvait assis par terre le dos bien droit et les jambes allongées.

La peur par contre n'a pas de nom mais c'est leur ange gardien, toujours être prêt à se jeter dans les fossés épineux quand un camion de militaire s'amuse à lancer une grenade ou à tirer dans les jambes des écoliers.
Il y a aussi la triste histoire d'Helena, la plus jolie fille de la région, et ce deuil, si difficile à accomplir en exil avec juste devant soi la liste des membres de la famille victimes du génocide.

L'écriture de Scholastique Mukasonga est très belle et reste légère et sereine malgré la gravité du sujet.
Commenter  J’apprécie          223
« L'Iguifou », c'est la faim. Celle qui vous tenaille, vous fait mal au ventre, celle qui vous réveille avant le lever du jour. C'est celle qui rend vos yeux plus grands lorsque vous guettez la rondeur pleine de promesses du balluchon de votre mère. Ce méchant Iguifou, c'est celui qui vous emmène aux portes de la mort et c'est celui qu'a connu l'auteur, Scolastique Mukasonga, alors qu'elle était exilée dans la région insalubre du Bugesera, au Rwanda. Parce qu'elle était Tutsi.
Dans ce recueil de nouvelles, l'auteur nous fait partager ses souvenirs rwandais. Que ce soit à travers les personnages de Colomba, Kalisa ou Asumpta, l'auteur dévoile son ancienne vie, celle d'avant le génocide. Un temps où déjà les signes avant-coureur annonçaient le pire…
« La gloire de la vache » nous rappelle que les Tutsis étaient au tout début des éleveurs pour qui les vaches revêtaient une extrême importance. Source de prospérité, la vache apportait chance et nourriture à celui qui en possédait une. Retirer ces bêtes aux Tutsis, c'était leur ôter de quoi survivre mais aussi de quoi rester dignes.
« La peur », c'est celle qui n'a jamais quitté les Tutsis lorsque les persécutions ont commencé. On la guette et, au premier signe - un nuage de poussière au loin, des buissons qui bruissent – on s'enfuit et on se cache.
« le malheur d'être belle », c'est l'histoire d'Héléna. Jeune femme très belle… mais tutsi. Son avantage physique va décider de son destin. de maîtresse adorée, elle devient prostituée, répudiée et contrainte à l'exil.
Enfin « le deuil » est la seule nouvelle qui aborde directement le génocide et le thème des survivants. Comment continuer à vivre alors que tous nos proches ont été tués ? Comment « faire son deuil », leur dire au revoir, alors qu'il n'y a pas de corps à pleurer, alors que l'on est exilé dans un autre pays ?
Dans ce livre, Scholastique Mukasonga, tout en sobriété et poésie, nous conte son malheur et celui des siens.
Commenter  J’apprécie          70
L'inguifu. Ce n'est assurément pas un livre facile à digérer, ce n'est pas un ouvrage que l'on avale goulument sans que le palais n'en sente le goût. Ce livre s'avale comme un sirop pour la toux, ou une aspirine effervescente. On anticipe le goût amer, on serre les maxillaires, on se renfrogne à l'odeur qui se rapproche des narines car on sent que ça ne va pas être bon.

Au fond de nous, nous savons qu'il faut se méfier de ce 4ème de couverture qui annonce "Rwanda", "faim" et qui nous penser "génocide". Nous entamons sur cette lecture à reculons, nous butons sur les premiers mots remplis de Kinyarwanda et de nom Hutus et Tutsi imprononçables.

Nous nous disons, "punaise, je me disais bien que ce livre serait abominablement chiant à lire", mais nous insistons, nous continuons à avancer dans la lecture peut-être parce que la voix de cette enfant qui invective sa faim personnifiée nous a déjà hypnotisée.

Peut-être parce que, petit à petit, les mots nous pénètrent, font tomber nos à priori et nous révèlent cette âme jeune qui ne se plaint pas de l'horrible manque de nourriture qui l'amène au bord du tombeau. Pas de complainte, pas d'injures au sort, pas de mots larmoyants. Rien que le dialogue d'une enfant avec la faim qui est devenue sa compagne. Une ombre permanente dont elle essai de protéger sa jeune soeur sous le regard impuissant de parents que l'on devine au bord du désespoir.

Cette "entrée" n'est que le départ d'un voyage qui nous emmène au coeur du Rwanda. Non pas au coeur de la guerre, mais autour, tout autour, avec, toujours, le génocide que l'on devine en toile de fond.

Dans ces vécus qui nous montrent le quasi-culte des Tutsi pour l'élevage de la vache, science transmise de génération en génération et qui fait la marque de ce peuple,
ces destins qui incombent à celles qui naissent avec la beauté faite vie et qui n'ont d'issues que la misère et la mort, sous le règne de régimes fous et d'un monde aux valeurs corrompues,
Cette peur qui laissent ses relents fétides dans les vies de ceux qui ont vécu l'indicible, qui vivent un présent de frayeurs permanentes. L'horreur anticipée dans l'âme d'une enfant que l'on voudrait entourée que de rires et de désir futiles.

Scholastique MUKASONGA est une auteure d'origine rwandaise qui a, dans sa façon de conter la vie un pragmatisme dans l'écriture et un rendu de l'intenable qui est magnifique.
Dans un style, parfois, quasi journalistique, très descriptive, elle nous apprend à connaitre le Rwanda, l'histoire de ces peuples autrement que par les spéculaires pétarades des canons dont sont friands les apôtres des dieux "Médias". Et si les premières bouchées peuvent sembler difficiles à ingurgiter, ce livre se déguste néanmoins avec le bonheur et la gravité de celui qui sait qu'il sortira de ce festin un peu plus humain qu'il ne l'était.

Lien : http://www.loumeto.com/spip...
Commenter  J’apprécie          71
L'Iguifou est un recueil de nouvelles sur le Rwanda. Quand on parle de ce pays, tout le monde pense au génocide de 1994 qui a fait environ 800.000 victimes. Ce que nous apprend ce livre, c'est que l'histoire du pays est pavée de massacres, et les enfants tutsis exilés au Bugesera car chassés de leurs terres quelques années auparavant, vivent dans le souvenir des tueries de 1959 ou 1963 et dans la hantise de la prochaine folie qui fera d'eux des victimes d'un conflit fratricide. Ils ont peur des Hutus, peur des militaires qui peut les tabasser ou leur tirer dessus juste pour s'amuser. Tout le monde, que ce soit à la maison ou à l'école, est prêt à fuir et se cacher dans la brousse lorsqu'on viendra les massacrer. Ça se produira à coup sûr, seule la date est inconnue.
L'auteure raconte une blague entendue dans la cour de récréation :
"Elle se rappelait l'histoire que lui racontaient en riant au lycée de Kigali ses camarades hutu :  Un jour, un enfant demanderait à sa mère :
— Dis-moi, maman, qui étaient ces Tutsi dont j'ai entendu parler ? À quoi pouvaient-ils bien ressembler ?
— Ce n'était rien, mon fils, répondrait la mère, ce n'était qu'une légende.” 

Les nouvelles intitulées La faim (l'iguifou), la peur, le deuil, font toutes référence à l'exil intérieur imposé aux Tutsis et aux massacres. J'ai beaucoup aimé celle qui s'intitule "La gloire de la vache", qui montre l'importance de cet animal dans la culture des Tutsis. Leur bétail a été massacré lorsqu'ils ont été chassés de leur terre, et pour eux ce n'était pas seulement une perte économique, c'était une humiliation qui fut vécue presque comme une perte d'identité pour ce peuple d'éleveurs. L'auteure décrit des actions telles que mener les vaches au pâturage ou les traire comme un cérémonial, et elle raconte l'espèce de désespoir qui a envahi son père suite à la perte de son cheptel.

Le tout est écrit dans un style très plaisant, sans jamais tomber dans l'horreur malgré le caractère abominable des évènements passés. Beaucoup ont écrit suite au génocide rwandais, peu l'ont fait avec autant de délicatesse.
Commenter  J’apprécie          14

Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
De la maison principale, une case rectangulaire, il ne restait qu’un pan de mur
échancré. Elle chercha en vain la trace du foyer et de ses trois pierres : il n’y avait qu’un petit tas de tuiles brisées. Elle ne put retenir une bouffée de fierté : son père avait réussi à couvrir la maison d’un toit de tuiles ! Mais elle constata aussi que les tueurs avaient pris le temps de les emporter. Ils avaient toutes les raisons de tuer leurs voisins : ils étaient tutsi et ils avaient une maison avec un toit en tuiles.
Commenter  J’apprécie          10
Elle non plus ne connaissait pas le mot "génocide", mais en kinyarwanda, il y avait depuis longtemps un mot pour désigner ce qui se passait chez elle, "gutsembatsemba", un verbe qui était employé à propos des parasites et des chiens enragés qu'il fallait éradiquer.
Commenter  J’apprécie          10
Les militaires ne les avaient pas vues, ils n’avaient pas tiré, comme ils le faisaient souvent quand ils apercevaient des écoliers sur le bord de la route. Ils ne les visaient pas toujours, ils tiraient un peu au hasard ou dans les jambes. C’était pour faire peur, pour s’amuser. Cela les faisait rire de voir les enfants affolés qui couraient dans tous les sens, qui trébuchaient, qui tombaient, qui se relevaient en boitillant, qui se jetaient dans les épines des fourrés.
Commenter  J’apprécie          00
C'était peut-être pour cela qu'elle était partie loin d'eux, en exil, parce qu'il faudrait quelqu'un pour pleurer ceux dont on voulait anéantir la mémoire, leur denier d'avoir existé.
Commenter  J’apprécie          10
Chacun revoyait défiler dans sa tête les images des massacres de 1959 ou de 1963 : les enclos incendiés, les vaches abattues, les hommes trop grands dont on coupait les tendons des chevilles pour les « raccourcir » avant de les achever à la machette, les femmes et les enfants massacrés pour anéantir « la race des serpents », les rivières charriant des cadavres…
Commenter  J’apprécie          00

Videos de Scholastique Mukasonga (11) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Scholastique Mukasonga
Comme chaque mois sur Babelio, nous vous proposons de découvrir quelques adaptations de romans qui sortiront prochainement dans les salles obscures. Au menu ce mois-ci : une aventure touchante au coeur des contrées canadiennes, le plus petit des grands héros sur grand écran, un institut catholique dans le Rwanda des années 1970, un tricheur au pull rayé de retour pour un troisième opus et le cauchemar d'une femme face à un homme invisible...
L'Appel de la forêt de Jack London : https://www.babelio.com/livres/London-Lappel-de-la-foret/491072 SamSam de Serge Bloch : https://www.babelio.com/livres/Bloch-SamSam-tome-1--Une-famille-cosmique-/1137017 Notre-Dame du Nil de Scholastique Mukasonga : https://www.babelio.com/livres/Mukasonga-Notre-Dame-du-Nil/366549 L'Elève Ducobu de Zidrou et Godi : https://www.babelio.com/livres/Zidrou-LEleve-Ducobu-tome-19--Ducobu-eleve-modele-/485509 L'Homme invisible de H.G. Wells : https://www.babelio.com/livres/Wells-LHomme-invisible/8290
Abonnez-vous à la chaîne Babelio : http://bit.ly/2S2aZcm Toutes les vidéos sur http://bit.ly/2CVP0zs Suivez-nous pour trouver les meilleurs livres à lire : Babelio, le site : https://www.babelio.com/ Babelio sur Twitter : https://twitter.com/babelio Babelio sur Facebook : https://www.facebook.com/babelio/ Babelio sur Instagram : https://www.instagram.com/babelio_/
+ Lire la suite
autres livres classés : rwandaVoir plus
Notre sélection Littérature étrangère Voir plus


Lecteurs (61) Voir plus



Quiz Voir plus

Quelle guerre ?

Autant en emporte le vent, de Margaret Mitchell

la guerre hispano américaine
la guerre d'indépendance américaine
la guerre de sécession
la guerre des pâtissiers

12 questions
2846 lecteurs ont répondu
Thèmes : guerre , histoire militaire , histoireCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..